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ÉVANGILES CANONIQUES

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loi’icité reconnue aux récils du quatrième Evangile est un argument a priori très sérieux en faveur de l’authenticité de ses discours.

Comprendrait-on, en effet, un apologiste, soucieux de relater avec exactitude les actes du Sauveur en vue d’établir la foi chrétienne, et ne craignant pas de méleràses récits d’histoire des discours qui n’auraient jamais été prononcés par le Christ, mais seraient son œuvre propre ?

Puisque l’évangéliste a sur la vie de Jésus des renseignements indépendants, exacts et précis, autant qu’abondants et divers, il peut être également informé d’une façon personnelle au sujet de ses entretiens. S’il a pu compléter la biographie synoptique de la manière que nous constatons, il a pu puiser aussi à bonne source ce qu’il ajoute aux discours recueillis par ses devanciers. Les enseignements du divin Maître ont dû être incomparablement plus abondants, plus variés et plus riches, que ne le rapportent les trois premiers Evangiles : un écrivain, capable d’ajouter nombre de traits d’histoire aux récits de ses devanciers, a pu compléter également leurs comptes rendus de discours en puisant dans des souvenirs authentiques.

308. 1" Les discours annexés à des épisodes particuliers. — Les discours du quatrième Evangile se présentent, en effet, dans un cadre historique qui semble en garantir l’authenticité. Ils sont intimement mêlés aux récits, reliés soit aux faits les plus importants, soit à des épisodes particuliers de la vie de Jésus. C’est ainsi que le discours du chapitre v, 19-47, est rattaché à la guérison du paralytique de Béthesda ; le discours sur le Bon pasteur, x, 21-1, à la guérison de l’aveugle-né : le discours du chapitre XII, 23-36, à la démarche des Grecs ; les discours du Cénacle, xiii-xvii, à la dernière Cène elle-même. Tous ces épisodes ont un cachet historique indiscutable : c’est une sérieuse présomption d’authenticité pour les entretiens qui leur sont étroitement annexés.

309. 2" Les autres discours. — IJentretien avec Nicodème. — Le prélude de l’entretien avec Nicodème a aussi tout l’aspect d’une introduction historique. Le nom du personnage est grec ; mais l’usage des noms propres grecs était alors fréquent chez les Juifs palestiniens. Le Talmud connaît précisément un Nicodème contemporain de la ruine de Jérusalem, dont le nom juif était Buni, et qui aurait été disciple de Jésus. Cette tradition doit être indépendante de l’Evangile : on ne s’expliquerait pas que les talmudistes aient emprunté au document chrétien un personnage qui aurait été inconnu des Juifs ; on comprendi-ait encore moins que, non contents de le désigner par son surnom grec, seul mentionné dans notre écrit, ils aient précisé son nom juif, parfaitement ignoré de la tradition chrétienne. Le témoignage du Talmud prouA’e donc véritablement l’existence d’un disciple de Jésus du nom de Nicodème.

On a dès lors un motif positif d’affirmer que le quatrième évangéliste introduit dans son récit un personnage historique. La façon dont il est présenté en deux autres endroits du livre, vii, 50 et xix, 3g, garantit également son individualité réelle. D’autre part, la circonstance du temps auquel eut lieu sa démarche initiale auprès de Jésus, et l’occasion qui motive cette démarche elle-même, iii, 1-2, présentent un caractère tout spécial de vraisemblance. Ici encore nous avons donc une précieuse garantie en faveur de l’entretien qui est ensuite rapporté.

310. L’entretien avec la Samaritaine. — L’épisode de la Samaritaine n’offre, pour la partie narrative, aucune probabilité sérieuse de symbolisme. L’héroïne du récit figure en compagnie de compatriotes, habitants de Sychar, qui sont par elle invités à venir

trouver le Christ, et dont un certain nombre croient à sa parole ; elle n’est donc pas un type représentatif du peuple samaritain. Dans ses maris successifs, il n’y a non plus aucune allusion probable au passé religieux de la nation samaritaine ; la donnée se comprend bien, au contraire, au point de vue de l’histoire : cf. Marc, xii, 20-22 et parall. ; Jean, iv, 2g.

Contre l’historicité générale de l’épisode, on objecte que, dans les Synoptiques, Jésus interdit à ses disciples d’aller en Samarie de son vivant, Matth., x, 5, et que l’évangélisation de ce pays, racontée au livre des Actes, viii, 5 sq., doit être la première. Mais cette difficulté n’est pas péremptoire.

L’ordre que le Christ donne à ses apôtres de n’aller ni aux Samaritains ni aux Gentils n’est pas une disposition rigoureuse et absolue, pas plus que la restriction de sa mission personnelle aux brebis perdues d’Israël, Matth., xv, 24 : ses paroles ne se comprennent même bien que si l’on y voit une secrète allusion à une mission moins restreinte, que le Sauveur se réserve de confier ultérieurement à ses apôtres, et qu’il leur manifestera au temps voulu par de nouvelles et déflnitives directions. — Une exclusion pure et simple des non-Juifs ne serait d’ailleurs pas d’accord avec l’esprit général du Sauveur. On voit les apôtres, peu après sa mort, étendre l’Evangile hors du peuple hébreu : le Maître aurait-il donc eu plus d’étroitesse dans ses vues, plus d’exclusivisme dans ses ambitions religieuses, que ses disciples ? Ses actes et ses discours attestent précisément le contraire. On ne peut mettre en doute que, tout en rcserA’ant pour le moment aux Juifs son ministère et celui de ses apôtres, Jésus n’ait eu une bienveillance marquée à l’endroit des Samaritains et des païens : Matth., VIII, II sq. ; XXI, 43 ; xxii, i sq. ; xxiv, 14 ; xxviii, ig ; Marc, VII, 24-30 ; xiii, 10 ; xvi, 15 ; Luc, iv, 26 ; ix, 5156 ; X, 30 sq. ; xvii, 12 sq. ; xxiv, 47 Il n’y a donc pas lieu d’être surpris qu’un jour, traversant la Samarie pour se rendre en Galilée, le Sauveur se soit manifesté d’une façon transitoire, présage d’une manifestation ultérieure plus complète, à une femme samaritaine et à un petit village des environs de Sichem. Cela ne devait pas plus tard dispenser ses disciples de travailler à l’évangélisation proprement dite de la Samarie. Nous avons vu ailleurs (n°’181. 163), comment l’auteur se montre intimement familiarisé avec les lieux qu’il décrit, et mêle d’une façon on ne peut plus naturelle ses indications ou ses allusions topographiques à l’entretien qu’il raconte. On peut y Aoirune preuve rassurante de « abonne information en ce qui regarde l’entretien lui-même.

311. L.^ entretien sur le pain de vie. — L’authenticité du discours sur le pain de vie paraît, de son côté, garantie par la façon très spéciale dont il est déterminé pour le temps et pour le lieu. Bien que mis en relation avec la multiplication des pains, il se trouve nettement séparé du miracle par d’autres épisodes ; il n’est prononcé que le lendemain, de l’autre côté du lac, auprès de Capharnaiim, et se termine dans la synagogue de cette ville, vi, 26, 5g. Ces indications si précises ne semblent pas pouvoir se comprendre en dehors de l’histoire.

Le discours est suivi d’un épilogue, vi, 60-71, dont le cachet historique ne paraît pas de moins bon aloi. Scandalisés des déclarations qu’ils viennent d’entendre, un certain nombre de disciples renoncent désormais à suivre Jésus. Ce relief donné à la défection de nombreux disciples paraît inexplicable dans l’hypothèse d’une fiction, apologétique ou dogmatique, et confirme l’authenticité des déclarations du Christ qui l’ont provoquée.

318. fes entreliens à la fête des Tabernacles. — L’introduction aux entretiens de la fête des Taberna-