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EVANGILES CANONIQUES

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porte pas préjudice à celle de notre document ; au contraire, l’épisode johannique est dans la vraisemblance de l’histoire. Le fait qu’un des premiers disciples en question, l’anonyme appelé en compagnie d’André, est très probablement, pour ne pas dire certainement, identique au disciple bien-aimé. auteur de l’Evangile, est de nature à en garantir l’historicité.

396. Bethsaïde, pairie de Simon Pierre et d’André. — Dans le même chapitre, nous sommes informés que Si ; non-Pierre et son frère André étaient de la ville de Bethsaïde. Or, ce renseignement ne figure pas dans la tradition synoptique. A lire même les premiers Evangiles, il semblerait que les deux frères aient habité Capharnaiim. J/o/r, i, 2g et paraît. Si notre auteur dépcTidait de ses devanciers, il aurait sûrement retenu le nom de cette dernière ville ; d’autant qu’il la connaît bien, ii, 12 ; iv, 46 ; vi, 1^, 60. Comme ni la raison du sjmbolisme, ni aucune autre, ne permettent de supposer qu’il a remplacé délibérément le nom de la ville importante par celui du petit A’illage voisin, il y a tout lieu de croire qu’en disant Pierre et André originaires de Bethsaïde, il se montre écrivain particulièrement renseigné.

597. Je motif du départ de Jésus pour la Galilée.

— L’évangéliste attribue le départ de Jésus pour la Galilée, qui suivit le dernier témoignage de Jean-Baptiste et doit correspondre à celui que ses devanciers racontent en tête du ministère galiléen, Marc, I, 14 = Matth., IV, 12 ==. Luc, iv, 14, à la crainte cjue sin succès n’excite contre lui la haine des pharisiens, IV, 1-3 ; cf. IV, 44 ; vii, I sq. ; xi, 8, 54- Cette donnée encore est indépendante des relations synoptiques, elle est même divergente à leur égard, et elle se trouve néanmoins en coïncidence remarquable avec elles.

D’après les deux premiers Evangiles, en effet, Jésus revient délinitivement en Galilée quand il apprend l’emprisonnement de Jean-Baptiste, Marc, i, 14 = Matth., IV, 12. Mais pourquoi ce brusque éloignement des lieux où avait baptisé le Précurseur ? Il est permis de supposer qu’un séjour prolongé en cette région devenait un péril pour le Sauveur lui-même. D’où venait ce péril ? Evidemment, de ceux qui déjà s’étaient attaqués à Jean. Or, les Synoptiques ne mettent pas la mort du Baptiste sur le compte d’Hérode Antipas seulement : ils laissent entendre que la main des pharisiens n’y fut pas étrangère, Marc, ix, 11-12

: ^Mntth., xvii, 12. Sans doute ceux-ci ont-ils intrigué

pour compromettre, auprès d’Antipas, l’homme qui, non content de reprocher son adultère au tétrarque, les poursuivait eux-mêmes de ses anathèmes menaçants. Cela explique bien que le Sauveur, au lieu de fuir la Galilée, où règne le meurtrier du Baptiste, s’y retire au contraire, pour se dérober aux véritables ennemis à craindre, les pharisiens.

Si réelle et si profonde est l’harmonie de la notice johannique avec les données synoptiques correspondantes, qu’elle ne peut s’expliquer que i^ar une information parallèle, très exacte.

598. I.e rôle d’André et de Philippe. — A la multiplication des pains, vi, 5-8, et lors de la démarche des Grecs, xii, 20-2 1, on voit les deux apôtres André et Philippe jouer un rôle remarquablement approprié à leur origine et à leur situation. Tous deux portent un nom à forme essentiellement grecque, et ont pour patrie la petite ville de Bethsaïde, que sa position au bord du lac de Tibériade et ses riches pêcheries devaient mettre en relations toutes particulières avec les pays environnants. On comprend dès lors qu’ils soient les premiers à recevoir la confidence des Grecs du chapitre xii ; ces Grecs font partie de la caravane de pèlerins qui, chaque année, des régions voisines

de la Palestine, soumises à l’influence hellénique, et surtout des paj’s situés aux confins de la Galilée septentrionale, venaient à Jérusalem célébrer la Pàque. Désireux devoir Jésus, ils s’adressent à deux apôtres spécialement qualifiés pour leur servir d’intermédiaires.

De même, l’on peut croire que l’intervention de Philippe et d’André, à l’occasion de la multiplication des pains, tient à ce que. gens de Bethsaïde, ils sont plus familiarisés a^ec la région, plus aptes à communiquer avec la foule, composée surtout de Juifs hellénistes, se rendant pour la fête à Jérusalem, donc tout désignés pour recevoir du Sauveur l’incitation à acheter des vivres, et lui signaler le jeune homme qui se trouve là avec les pains et les poissons.

299. Marthe et Marie. — Les deux sœurs Marthe et Marie, qui figurent dans une scène de saint Luc, X, 38-42, paraissent aussi dans les deux éjjisodes johanniques de la résurrection de Lazare, xi, i-45, et de l’onction du Sauveur à Béthanie, xii, i-3. Or, dans ces derniers épisodes, elles j^résentent le même caractère, la même attitude, que dans la scène du troisième Evangile, sans que cependant l’on puisse croire à une imitation littéraire de la part de notre auteur. C’est ainsi que, sans le dire expressément, il suppose Marthe l’ainée de la famille et la maîtresse de maison, XI, 5, 19, 20. Saint Luc. de son côté, laisse entendre la chose, sans la préciser, x, 38-39. ^^ y ^ donc sur cette donnée, de part et d’autre implicite, un accord très réel. Et il est d’autant i)lus significatif que l’attention de notre auteur, dans l’introduction à son récit, se porte d’abord sur Marie, qu’il nomme en premier liei, comme censée mieux connue par l’épisode de l’onction, xi, i.

300. L.eur résidence à Béthanie. — Le quatrième évangéliste est seul à mentionner comme lieu de résidence des deux sœurs, le village de Béthanie, à quinze stades de Jérusalem, xi, i, 18 ; xii, i. Or, ce renseignement, qui n’a pu lui cire suggéré par le récit de saint Luc, répond néanmoins on ne peut plus heureusement aux insinuations de son contexte. Si l’on examine attentivement, en cfTet, la narration du troisième évangéliste, on s’aperçoit qu’elle est engagée dans une série d’épisodes, xi, 51-xiii, 21, qui supposent le Sauveur aux environs de Jérusalem, assez longtemps avant la Pâque finale, probablement à l’occasion de la fête de la Dédicace, dont parle saint Jean, x, 22, cf. l.

C’est d’abord la parabole du bon Samaritain : l’histoire est censée avoir pour théâtre la route conduisant de Jérusalem à Jéricho, Luc, x, 30 : or, le Maître a dû, selon sa coutume, tirer les circonstances de sa parabole des objets environnants, afin de frapper plus vivement ses auditeurs ; par conséquent il devait se trouver sur les lieux mêmes dont il évoque la pensée en son discours. Les repas pris chez les phai-isiens, Luc, xi, 3^. les invectives prononcées contre eux et les docteurs de la loi, Luc, xi, 39-54, et que justement saint Matthieu, xxiii, place à Jérusalem même, enfin l’allusion à l’accident de la tour de Siloé, Luc, xiii, l, qui devait impressionner particulièrement les milieux hiérosolymitains, sont autant de nouveaux indices que le Sauveur se trouve à cette époque près de la ville sainte.

Il est donc tout à fait à croire que le village de Marthe et de Marie était lui-même situé non loin de la capitale juive, sans doute sur cette route de Jérusalem à Jéricho, à laquelle il vient d’être fait allusion dans la parabole du bon Samaritain. Or, cela est en accord j)arfait acec la donnée johannique, qui place la résidence des deux sœurs à Béthanie, un peu à l’est de Jérusalem. On a le droit de trouver ce rapprochement très suggestif.