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ÉVANGILES CANONIQUES

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théâtre, du ministère du Christ. D’après notre document, il y aurait eu plusieurs, probablement quatre Pâques au cours de la vie publique de Jésus, et le Sauveur se serait manifesté à diverses reprises à Jérusalem avant le voyage que motiva la Pàque linalc (n° 235)- Or, les Evangiles synoptiques, sans contenir d’aflirmations expresses qui aient pu donner à notre écrivain l’idée des trois années de ministère et des multiples séjours hiérosolymitains, offrent cependant à l’observateur attentif un certain nombre d’indications qui vont à justifier la possibilité, et même à démontrer laprobabilité du cadrejohannique.

Tout d’abord, s’il est vrai que la relation synoptique ne distingue pas, dans la vie de Jésus, à quelles époques ont eu lieu les faits, et donne simplement l’impression d’une période de temps unique, se terminant à une fête de la Pàque, il n’est pas moins vrai que la masse des faits détaillés, et qui sont pourtant, comme le montre l’inégalité même du contenu des trois écrits, un faible résidu de la réalité, d’autre part, la nécessité d’expliquer le résultat extraordinaire obtenu par l’action du Sauveur, action que nous constatons avoir été voulue par lui lente et progressive, donnent encore plus fortement l’impr -ssion que tant et de si grandes choses ne se sont pas pa -ées en un an.

S93. De fait, à étudier de près les récits synoptiques, on trouve divers indices d’une pluralité de saisons. L’épisode des épis froissés, placé au début du ministère, Marc, ii, aS = Matth., xii, i = Luc, vi, i, suppose une époque assez voisine de la moisson, donc, étant donné le climat de Palestine, la saison de printemps, ou les environs de la Pàque. La multiplication des pains, notablement séparée du précédent épisode et bien antérieure aux derniers jours de Jésus, Marc, VI, Sg = Matth., xiv, ig =r Luc, ix, 14 = Jean, VI, 10, a également lieu au printemps : les gens peuvent s’asseoir sur un gazon vert et abondant, et la circonstance de la Pàque prochaine fournit une explication topique de la foule rassembléeaux environs de Capharnoiim. Nous trouvons ainsi l’indice d’au moins deux années complètes dans la vie publique du Sauveur. Une troisième année pourrait aller de la Pàque des épis froissés à une Pàque antérieure, placée, comme le marque notre Evangile, ii, 13, entre l’époque du baptême et l’emprisonnement de Jean-Baptiste, que suivit le retour définitif en Galilée.

293- Si l’on remarque que le quatrième évangélistc, à propos de la multiplication des pains, dit en termes exprès que l’on était proche de la Pàque, vi, 4, sans qu’on puisse croire son indication déduite des données synoptiques, qu’elle précise néanmoins exactement, on peut voir dans cet ensemble de faits une preuve positive que notre écrivain est particulièrement renseigné sur le cadre chronologique du ministère.

Cela conduit à penser qu’il n’est pas moins bien informé lorsqu’il place à Jérusalem un certain nombre de ses épisodes. Plusieurs faits concourent d’ailleurs à nous en assurer. D’un côté, le quatrième évangéliste reconnaît manifestement la durée pleine du ministère galiléen, décrit par les Synoptiques, et n’accorde au ministère hiérosolymitain que quelques moments très courts, à l’occasion des fêtes. D’autre part, le fait que la vie publique du Sauveur a embrassé plusieurs années rend hautement probable, et même certain, qu’il a dû, à l’occasion des fêtes, monter à Jérusalem. Enfin, divers détails sj-noptiques paraissent supposer elfectivement des relations suivies du Sauveur avec la capitale juive, antérieurement au voyage qui amena sa mort : tels, les disciples et amis qu’il a dans Jérusalem et aux environs : Marc, XIV, 3 = Matth., xxvi, 6 ; Marc, xi, 2-3

etparall. ; xiv, 13-15 et parall. ; xv, 43 et parall. ; Luc, x, 38-42 (rapproché de Jean, xi, i-xii, i) ; telle encore, sa parole de reproche à la ville ingrate, demeurée insensible à ses avances, Matth., xxiii, 3’j = : Luc, XIII, 34 Mais si le quatrième évangéliste est capable de préciser et de compléter à bon escient ses devanciers en ce qui concerne le cadre chronologique et la topograpliie générale du ministère de Jésus, ne faut-il pas attribuer également à une information spéciale les faits qu’il raconte d’une manière personnelle et indépendante ?

5° Un grand nombre de données particulières. — Il est certain que ses données ont les meilleures apparences de l’histoire et qu’en un bon nombre d’entre elles on a des raisons très particulières de voir une tradition autorisée.

294. liéthanie, l’endroit où Jean baptisait. — L’évangéliste indique comme théâtre du premier témoignage de Jean-Baptiste « Béthanie, au delà du Jourdain, où Jean baptisait » : i, 28. Or, la tradition concernant le séjour du Précurseur en Pérée a toutes les garanties possibles d’authenticité : au rapport des Synoptiques, Hérode Antipas fit saisir et emprisonner Jean-Baptiste parce que celui-ci lui reprochait son mariage incestueux avec Hérodiade, femme de Philippe, son frère, Marc, vi, 17 et parall. ; mais on ne s’explique bien les reproches du Précurseur à Hérode, et son arrestation par les ordres du tétrarque, que si Jean-Baptiste a séjourné dans les Etats de ce prince, c’est-à-dire dans la Galilée, au nord, ou dans la Pérée, à l’est du Jourdain. C’est précisément ce que suppose la donnée johannique ; et l’on ne voit pas qu’elle ait pu être déduite des Synoptiques : ces Evangiles n’indiquent en aucune façon que le Baptiste ait exercé son ministère de l’autre côté du fleuve, comme notre auteur le précise résolument, cf. x, 40 S93. f-es premiers disciples, sortis de l’école de Jean-Baptiste. — D’après le quatrième Evangile, les premiers disciples de Jésus sortaient de l’école de Jean-Baptiste et avaient commence à suivre le divin Maître longtemps avant la scène des bords du lac à laquelle les Evangiles antérieurs rattachent leur appel. Cela explique bien, en eft’et, l’importance exceptionnelle accordée, dans les premiers temps de l’Eglise, au Précurseur.

Cela permet aussi de mieux comprendre la scène de leur vocation, d’après les Synoptiques, Marc, i, 16-20= Matth., IV, 18-22 = Luc, v, i-ii. L’appel de Jésus a pu s’étendre à divers moments, com[)rcndre plusieurs phases, se préciser et se compléter en des périodes successives. Les premiers évangélistes se sont contentés de reproduire le plus important de ces moments : de là un relief tout spécial donné à cet épisode. Mais ce relief ne doit pas être regardé comme exclusif. Au contraire, la vocation du bord du lac, telle qu’ils la racontent, avec la brusque invitation de Jésus, et l’adhésion instantanée des pêcheurs à qui il s’adresse, font soupçonner des rencontres antérieures, ayant servi à la préparer. Or, on conçoit que la première de ces rencontres ait eu lieu aux bords du Jourdain, où la foule était attirée par Jean-Baptiste. Les disciples seront revenus avec le Sauveur dans la Galilée, leur patrie ; ils l’auront accompagné pour la Pà<iue suivante à Jérusalem, seront restés quelque temps avec lui en Judée. Mais on comprend aussi qu’à leur retour, ils aient repris leur métier sur le lac, jusqu’à l’heure décisive où le Maître leur notilie de laisser là leurs filets pour le suivre et s’apprêter à devenir à leur tour pêcheurs d’hommes.

C’est à cette vocation suprême que s’en tiennent les Synoptiques : encore une fois leur relation ne