Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/874

Cette page n’a pas encore été corrigée

1731

ÉVANGILES CANONIQUES

1732

(cf. ibid.). Il est très clair, au contraire, que l’écri-A ^ain n’a pas la moindre référence au rite fondamental, et bien connu, de la rupture du pain, en vi, 1 1 (cf. ibid.). Ce manque d’allusions à des pratiques familières à l’auteur est dès l’abord assez significatif : il n’engage pas à croire que notre écrivain tire sa doctrine sacramentaire elle-même des croyances de son temps.

S79. De fait, on a de bonnes raisons de penser que, dans les Synoptiques, la parole de Jean-Baptiste touchant le baptême d’Espi-it-Saint et de feu, réservé au Messie, Marc, i, 8 = Matth., iii, ii = Luc, iii, 16, contient déjà une allusion assez nette à l’ellicacité spiritueil’..’.a baptême clirétien. Les textes de saint Matthieu, xxviii, 19 et de saint Marc, xvi, iG, tendent à montrer qu’en elïet le Sauvcur a institué, pour les candidats au royaume de Dieu un baptême, à la fois baptême d’eau et baptême d’Esprit. Et cela est pleinement conlirmé par l’étude des pratiques {Act., II, 38 ; viii, 16, 36-38 ; x, 47-48 ; xix, 5) et des doctrines de l’Eglise i^rimitive (Boin., vi, 3-4, 11 ; I Cor., XII, 13 ; Il Cor., i, 21-22 ; v, 5, l’j ; Gal., iii, 2y ; VI, 15 ; Eph., 1, 13 ; iv, 24, 30 ; Col., 11, 12 ; iii, 10 ; Tit., iii, 5-6 ; Hébr., vi, 4 ; I Pierre, i, 3, 14, ^3 ; 11, 2, a4 ; ni, 21 ; iv, 2 ; I Jean, 11, 20, 2^), qui sont trop bien établies pour ne pas dépendre de l’enseignement authentique du Sauveur.

380. En ce qui concerne l’eucharistie, il semble bien impossible de nier que la communion au corps et au sang du Sauveur n’ait été instituée par le Maître lui-même. Le témoignage de la iiremière Epitre aux Corinthiens, xi, 20-34, s’accorde sur ce point avec celui des Synoptiques : Marc, xiv, 21-24 ^ Matth., XXVI, 26-28 ^ Luc, XXII, 17-20. Or, il ne s’agit pas seulement de commémorer par un acte sensible la mort sanglante du Maître disparu, mais bien de s’unir, en se l’incorporant, à la chair et au sang de la victime rédemptrice, et pai- là de s’assimiler l’ellicacité même de sa rédemption, de s’approprier cette rémission des péchés et cette destination à la vie éternelle qui sont l’effet propre de la mort salutaire du Christ. Le rôle de la communion eucharistique ofTre donc une réelle analogie avec celui du baptême qui remet les péchés et A’oue à l’éternelle vie. Et puisque le baptême n’opère ces etl’ets qu’en infusant l’esprit et la vie du Christ, il est logique de penser que tel est aussi l’ellet essentiel de la communion au corps et au sang du Sauveur. Ainsi il y a harmonie entre l’enseignement du Christ johannique et les déclarations du Christ de l’histoire.

Le discours sur le pain de vie, où cet enseignement est formulé, offre par ailleurs, comme l’entretien avec Nicodème, où il est question du baptême chrétien, de bonnes garanties d’authenticité.

S81. 4" L’idée du royaume de Dieu. — Dans le quatrième Evangile, dit M. Loisy, op. cit., p. 817, 74-73 »

« le sentiment de la présence iuvisible du Christ au

milieu des siens l’emporte sur l’attente de son retour visible ». « Dieu est déjà présent avec le Christ dans chaque fidèle et dans l’Eglise ; le royaume des cieux a fait place au règne spirituel de Jésus. » « Jean dépend de laSynopse comme de son point de départ, mais il représente l’Evangile avec une expérience de trois quarts de siècle, l’Evangile de l’Eglise organisée en royaume de Dieu sur la terre, tandis que les Synoptiques représentent encore, dans l’ensemble, l’EAangile annoncé par Jésus. » Cf. Strauss, Nom-, c/e de Jésus, t. I, p. 184 ; JiKLiciiER, up. cit., p, 358 ; ScHMiEDEL, art. cit., col. 203 1 ; J. Rkville, op. cit., p. 143, 260 sq., 304 sq.

388. En réalité, si nous prenons le discours à Nicodème, iii, 3, 5, Jésus parle du royaume de Dieu, non comme d’une réalité spirituelle qui viendi-ait

s’intérioriser dans l’àme du croyant, mais comme d’une réalité extérieure que l’on Aoit, d’un lieu où l’on entre. Aux vv. 15-18, il est question du jugement et de la vie éternelle : or ce jugement est directement le jugement suprême, conditionné à l’avance par les mérites présents, et cette Aie éternelle est celle qui suivra la résurrection, bien que le fidèle y ait droit dès maintenant et la tienne déjà en quelque sorte. Un tel langage est en harmonie exacte avcc celui du Christ synoptique.

Dans le discours rattaché à la guérison du paralytique de Béthesda, a-, 25-29, ^^ s’agit si bien du jugement dernier et de la résurrection finale qu’il est question des morts qui entendront la Aoix du Fils de Dieu et ressusciteront, soit pour la Aie éternelle, soit pour la condamnation.

Dans le discoiu-s siu- le pain de Aie, Jésus parle cinq fois de la Aie éternelle, opposée à la mort : ai, 40, 47, 52, 55, 59, cf. 39, 50 ; et quatre fois, en termes exprès, de la résurrection « au dernier joui* » : ai, 39, 40, 44. 45. Ce contexte semble bien montrer que la Aie éternelle, dont le Sauveur parle, tout en étant censée possédée déjà par le fidèle, connue assurée et préparée par les réalités présentes, est la Aie éternelle proprement dite, qui suivra la dernière résui’rection.

Les entretiens du Cénacle supposent, il est Arai, la réalité du royaume futur préparée dans les conditions mystiques de la Aie d’ici-bas. Mais l’union spirituelle, actuellement réalisée entre le Christ et les siens, ne porte aucun préjudice à la réalité ultériem-e de leur réunion dans le royaume. Est-ce que, dans les croyances de la première Eglise, attestées par les Epitres de saint Paul, on ne trome pas l’idée de l’union au Christ i)ar l’Esprit associée à l’attente de la parousie prochaine, sans que la première idée fasse rien jierdre à la seconde de sa force ni de son importance ? Par le fait, si l’on étudie attentivemenl nos entretiens, non seulement l’eschatologie n’en est point absente, mais elle transparaît en quelque manière à travers tout le discours : xia-, 18-23 ; xvii, 2025 ; xA’i, 16, 20-23 ; xia’. 2-3, cf. 28.

S83. Tout bien considéré, l’idée du retour de Jésus et de sa réunion finale aACc les siens n’est pas présentée par notre éAangéliste dans un relief moindre que l’idée de son habitation actuelle dans l’àme du croyant. Si les Synoptiques ont reproduit avec plus d’abondance les sentences et discours eschatologiques du SauA’eur, c’est que ces déclarations intéressaient particulièrement les premières communautés chrétiennes pour lesquelles les Logia furent d’abord recueillis (n" S73). Ils ne laissent d’ailleurs pas de montrer la réalité future du royaiune ayant sa préparation et déjà son commencement dans les conditions actuelles de l’Eglise : Marc, i, 1-9, 26-29, 30-32 ; Matth., xiii, 33 ; Marc, x, 16 ; Matth., xi, 12 ; xii, 28 ; xxiii, 13 ; Luc, XAii, 21. Or, en cet ordre d’idées, le Sauvcur a pu s’exprimer aA ec plus d’étendue que ne le manifestent nos premiers documents. La richesse de doctrine qui se constate sur ce sujet dans les Epitres de saint Paul, et qu’on a tout lieu de croire commune à l’Eglise apostolique, semble bien supposer un enseignement de Jésus analogue à celui que contient l’EAangile johannique.

284. 4° Le Verbe incarné. — Le Christ historique nous est connu par les documents qui remontent au temps de ses disciples immédiats, les premiers EAangiles et les Epîtres de saint Paul : est-ce que le Christ du quatrième Evangile a cessé d’être le Christ de l’histoire, pour s’idéaliser, se transformer et devenir le Christ de la foi ?