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ÉVANGILES CANONIQUES

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du premier siècle ; il représente ses institutions et sa vie intime ; il atteste sa conception récente du royaume de Dieu ; enlin, il met en lumière son idte du Christ, élaborée en sa forme dcûnitiA e. Strauss, yoiiw -ie de Jésus, t. II, p. 3^3 sq. ; Juelicheh, Eiiilcit., p. 350, 380 ; Sghmirdel. art. John, col. -ibij ; J. Réville, op. cit., p. 299 ; LoisY, op. cit. p, 55, 75 sq., i^i sq.. etc.

Ces allégations sont-elles fondées ?

569. i"^ Style et procédé littéraire — i<* Ze sijle. — Il est très vrai que les discours du Christ et du Précurseur, relatés dans le quatrième Evangile, ont quelque chose de l'évangélisle dans leur forme littéraire, qu’ils portent son cachet personnel dans la construction des phrases, la connexion des propositions, le groupement des pensées, l’arrangement général de leurs divers éléments. Mais cela ne nuit pas nécessairement à leur authenticité : il est, en effet, assez naturel qu’en reproduisant un entretien ou un discours qu’il n’a pas sténographié, un auteur, surtout s’il écrit longtemps après l'événement, fasse subir à cet entretien et à ce discours une certaine transformation.

570. 2" L’emploi de l’aUéi ; orie. — On oppose aux paraboles et aux simples comparaisons des Synoptiques ce qu’on appelle les allégories du quatrième Evangile. Cette opposition n’est pas fondée en réalité. — La prétendue allégorie du Bon pasteur, x, 1-16, est appelée par l'évangéliste 71y.p01y.iy., « comparaison » ou '( parabole » ; et, en effet, on trouve dans les vv. i-5 un petit tableau de mœurs pastorales, que le Sauveur fait suivre d’un commentaire, destiné à en donner l’explication ou à en montrer l’application, sans que ce commentaire corresponde d’une façon adéquate et avec une symétrie parfaite à chaque trait de la comparaison. Nous avons donc affaire essentiellement à un tableau parabolique, en partie susceptible d’applications allégoriques. — 11 en est exactement de même de la soi-disant allégorie de la Vigne, xv, 1-8.

571. La plupart des paroles à double sens que l’on signale dans les discours de personnages autres que Jésus, ne se révèlent telles qu’au symboliste de parti pris. A peine faut-il excepter la déclaration de Caiphe, xr, 50 : mais justement cette déclaration est exceptionnelle, et notée comme telle par l'évangéliste, qui la justiQe par le caractère sacré du grand-prêtre et prend la peine d’indiquer sa secrète signification.

Si l’on prend les discours du Christ lui-même, on y trouve, il est vrai, un certain nombre de sentences à forme allégorique ou de paroles à sens figuré. Mais, d’abord, elles sont beaucoup moins nombreuses qu’on le prétend. Elles peuvent se ramener à une dizaine : II, 4 (cf. VII, 6) ; II, 19 ; iii, 3 ; iv, 14 (cf. vii, 3^) ; iv, 32 ; IV, 35 ; vi, 2'^, 35 sq. ; viii, 3 1-32 ; viii, 1 2 (cf. ix, 5 ; 39 ; XII, 35-36) ; xi, i i, 23 ; xxi, 15 sq. Ensuite, la plupart ont leur signification syml)olique révélée expressément par l'écrivain : 11, 21-22 ; xi, 11, 14 ; vii, 39 ; XII, 33 ; cf. XXI, 19. Ailleurs, il était bien inutile d’indiquer le symbolisme, tant il était simple et ressortait clairement du contexte. Nulle part il ne s’agit de signification énigmatique ni d’allusion profonde.

Fait non moins digne de remarque, un certain nombre des sentences en question ont leur analogue ou leur parallèle dans les discours mômes du Christ de la Synopse. Ainsi, le symbole de la moisson : cf. Maltli., IX, 37-38 ; Luc, X, 2 ; le sommeil de Lazare : cf. Marc, v, 89 et parall. ; les brebis représentant les fidèles : cf. Mal th., x, 6 ; xv, 2 ; xxv, 33 ; 31 = Marc, XIV, 27 ; etc. ; le Christ lumière du monde : cf. Mal th., V, l’i. — Les autres sentences ne sont pas

sans avoir elles-mêmes une certaine parenté avec diverses expressions imagées, ofTertes par les premiers Evangiles : Jean, 11, 4 ; cf. Matth., 's.xvï, 18, 45 ; Marc, xiv, 35, 41. Jean, ni, 3 ; cl'. Matth..xiu, i ; Marc, -K, 15. Jean, i, 32 ; cf. Matth., iv, 4= Luc, iv, 4 ; I/eut., viii, 3.

En tout cas, il n’en est pas une qui ne réponde au mode d’enseignement habituel au Sauveur. — Le Christ synoptique a fait ample usage de l’allégorie : Matlh., v, 13 ; Marc, I, 17 ; viii, 15 et parall. ; Matth., VII, 6, 15 ; viii, 22 ; X, 38 ; xi, 29 ; xv, 13, 14, 26 ; Marc, XII, 10, 17 ; xiv, 8, 36 ; Luc, xii, 35 ; etc. Et cela se comprend : les deux genres, parabolicpie et allégorique, sont étroitement apparentés, étant fondés sur la raison commune de la comparaison, qui est exprimée dans la parabole, sous-entendue dans l’allégorie ; rien de plus aisé que de passer d’un genre à l’autre. — Les allégories johannifjues elles-mêmes peuvent toutes se réduire à des comparaisons. Elles sont d’ailleurs mêlées de comparaisons proprement dites et de sentences strictement paraboliques : iv, 37 ; VIII, 17, 35 ; XI, 9 ; XII, 35 ; xiii, 16 ; xv, 20 ; iii, 20 ; XIII, 10 ; VII, 18 ; XV, 13, 15 ; surtout : iii, 8, 14 ; XII, 24 ; XV, 4) 6 ; XVI, 21-22.

278. 3° Le jeu des dialogues. — L’on n’est pas autorisé à parler d’un procédé régulier et uniforme qui fonderait tout le jeu des dialogues johanniques sur des méprises prolongées et jamais éclaircies. Un bon nombre d’entretiens échappent entièrement à cette règle. — Les cas où nous trouvons une parole allégorique de Jésus entendue par ses auditeurs dans un 1 sens matériel sont restreints à quelques scènes : 11, J 20-2 1 ; III, 4 ; IV, II, 1 5, 33 ; vi, 34 ; viii, 33 ; xr, 1 2- 1 3, 14. — Tous ces exemples ne sont d’ailleurs pas identiques. Dans trois cas seulement, le Sauveur poursuit l’entretien sur l’idée contenue dans la sentence figurée : iii, 5 sq. ; iv, 13 sq. ; vi, 35 sq. L’entretien avec la Samaritaine, iv, 13 sq., est même la seule circonstance où le Maître fasse durer la méprise et ne développe pas aussitôt la vérité, d’abord présentée sous forme de symbole.

Or, on trouve également dans les Synoptiques des sentences figurées que l’entourage de Jésus ne comprend pas ou interprète même à contresens : Marc, vir, ib-i-) =1.Matth., xv, ii-15 ;.Marc, v, 39-40 et parall. ; VIII, 14-21 ^=i Matfh., xvi, 5-12 ; cf. Marc, x, 89 = Maltk., XX, 22. — On peut parfaitement penser que des incidents de ce genre se sont produits beaucoup plus souvent que ne le disent les premiers Evangiles, manifestement abrégés et incomplets.

Par ailleurs, les dialogues johanniques offrent un déA’eloppement très naturel et sont mêlés d’incidents extrêmement vivants, qui leur donnent un véritable cachet de réalité.

â73. 2° Uaiformité et caractère spécial des idées. — A la variété des sujets traités diins les Evangiles synoptiques, on oppose l’uniformité et la spécialité des thèmes familiers au quatrième E"angile.

Mais, d’un côté, on s’explique bien le caractère de variété qu’offrent les premiers documents, si l’on observe qu’ils embrassent l’ensemble du ministère galiléen, riche en épisodes, et que la tradition première a été guidée dans le choix des faits et des, sentences par les préoccupations du moment, savoir la prochaine venue du Fils de l’homme, les conditions nécessaires pour avoir part au royaume, les vertus, préceptes et conseils, destinés à former pratiquement la vie chrétienne.

D’un autre côté, il n’y a pas à s'étonner outre mesure ([ue les discours rapportés par le quatrième évangélisle et les idées mises en valeur dans ces discours offrent une certaine communauté d’esprit et de tendances, tout en appartenant au Christ de l’his-