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ÉVANGILES CANONIQUES

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cette année-là, coïncidait avec la solennité même de la Pàque.

La réflexion : « grand était le jour de ce sabbat », XIX, 31, ne désigne pas autre chose que la solennité lial)ituelle du jour consacré au Seigneur : elle est destinée, en elTet, à justilier le repos obligatoire de ce jour ; quand l’auteur vient à parler de la démarche de Marie-Madeleine au tombeau, le lendemain, il ne dit point : « le premier jour après la Pùqæ », mais simplement : « le premier jour après le sabbat », xx, I. Son insistance à appeler ce jour « grand » peut tenir à ce que ses lecteurs sont accoutumés à célébrer le jour du Seigneur le dimanche. Tout au plus pourrait-on penser qu’il veut mettre en relief ce sabbat particulier en tant que sabbat de l’octave pascale.

La mention de xviii, 28, que les Juifs « n’entrèrent pas dans le prétoire, afin de ne point se souiller, mais de pouvoir manger la pàque », donnerait bien à entendre que l’on est encore au matin du 1 4 nisan, si l’on examinait ce passage hors de tout contexte. Mais les observations antérieures invitent à y regai-der de plus près. Or, Tévangéliste, écriant pour les chrétiens d’Asie Mineure, a fort bien pu viser jiar l’expression générale : « manger la pàque », non précisément l’agneau de la fête elle-même, mais les azymes et les hosties pacifiques dont la inanducation devait continuer durant l’octave, et pour laquelle il fallait èirc également pur. Cf. Dent., xvi, 2, 3 ; II Clirun., XXXV, 'j-9 ; xxx, 21-22 ; Mischna, ir.Pesachim, VI, 4 ; LiGHTFooT, Horæ hebiaïcæ et talmiidicae, in Matth., xxvi. — A supposer d’ailleurs que l'évangéliste entende parler de la manducation de l’agneau pascal, rien n’empêcherait d’admettre que les Juifs dont il est question, c’est-à-dire les pharisiens et princes des prêtres, avaient été empêchés par l’arrestation et le procès de Jésus de célébrer le repas sacré au soir du jeudi 14 nisan et se proposaient de le faire seulement au cours de la nouvelle journée commencée, le vendredi 15.

S66. Plusieurs faits confirment positivement ces interprétations et paraissent même les rendre nécessaires. Déjà nous avons noté que notre évangéliste identifie formellement le dernier repas de Jésus, pris en icompagnie de ses disciples la veille de sa mort, avec la Gène que les Sjnoptiques présentent euxmêmes clairement comme le rei)as pascal. D’autre part, au lieu de souligner le lendemain de la mort du Christ par la coïncidence de la solennité pascale, il se borne à attirer l’attention sur la circonstance du sabbat. Ces faits sont déjà très significatifs. Dautres ne le sont pas moins.

Lorsque Jésus dit à Jvidas, xiii, 27 : « Ce que tu as à faire, fais-le vite », [)lusieurs des disciples pensèrent qu’il s’agissait de quelque achat en vue de la fête, ou d’aumônes à distribuer aux pauvres pour la même occasion, xiii, 29. Or, on ne conq)rendrait guère que les disciples eussent songea des emplettes destinées à la fête, si celle-ci devait commencer seulement le lendemain soir. La chose ne se comprend bien que si l’on est au soir du 14 nisan, où se célèbre le repas pascal : on sait que les achats aux jours de fête n'étaientpas interdits d’une façon absolue comme aux jours de sabbat. L’idée d’une distribution d’aumônes ne vient bien elle-même qu'à ce moment-là, puisque cette distribution avait lieu le jour de la fête, et non la veille.

Au cours de l’interrogatoire du Sauveur, le vendredi matin, Pilatedit aux Juifs, xvui, 3g : « Il est de coutume chez vous que je vous mette quel([u’uu en liberté à la Pàque. « Cette formule suppose qu’on est au jour même delà solennité pascale, le 15nisiin ; elle se comprendrait dillicilementlaveille. D’ailleurs, c’est bien au jour de la fête, d’après les trois Synop tiques,.)/ « rc, XV, 6= : 3/a/^/(., xxvii, 15 = Zhc, xxiii,

! -, que le procurateur avait coutume d’accorder cette

grâce.

567. Si l’on joint à ces observations que l'évangéliste ne pousse pas la transposition chronologique supposée jusqu’au point intéressant pour le symbolisme, savoir jusqu'à la coïncidence précise de l’heure de la mort avec celle où on immolait l’agneau, et à la correspondance exacte des détails de la passion avec les particulai-ités du rituel pascal, on peut être certain que l'écrivain n’entend pas modifier la date indiquée pai' ses devanciers, mais, malgré certaines apparences, maintient la mort du Christ au jour qu’indiquent les premiers évangélistes, au vendredi 15 nisan, joiu- de la solennité pascale. Cf. S. Jiîhomk, In Mattli., XXVI ; S. Augustin, Epist. lxxxvi, 13 ; BoCHART, Hierozoicon, part. 1, lib. II, c. 50 ; Luc de Bruges, In sacra J. C. Eangelia coinni., 1606, p. 447" Ifbo ; TohET, In sacrum Joannis Evangelium comni., 161 1, t. 11, p. 5-18 ; Patrizi, De Evangeliis Libri III, dissert, l ; J. Corluy, Comment, in Eang. S. Joannis, 1880, p. 313, 333 ; L. C. Filliox, Evangile selon S.Jean, 1887, i>. 273, 336 ; B. F. Westcott, The Gospel according ta St. John, 1903, p. 196, 278 ; Th.ZAHX, Das Evangelium des Johannes. 1008, p. 536, 620 sq.

Conclusion. — En somme, l’hypothèse symbolique doit être déclarée, avec assiu-ance, excessive et erronée. Qu’il y ait çà et là quelque symbolisme dans les récits johanniques, que l’auteur ait choisi de préférence tels ou tels faits, ou mis en relief telles ou telles circonstances, à cause de leur valeur doctrinale, on peut et on doit sans doute l’admettre : ainsi, l'évangéliste aura relaté la multiplication des pains, la guérison de Taveugle-né, la résurrection de Lazare, par égard pour les sentences allégoriques annexées à ces épisodes ; la parole concernant la résurrection a pu l’amener à raconter rexi)ulsion des vendeurs ; la sentence visant la prochaine sépulture aura motivé le récit de l’onction de Bélhanie ; le lavement des pieds a sans doute été retenu >owv la leçon du Christ serviteur. Mais il est impossible de prétendre que la préoccupation symbolique ait véritablement inspiré l'évangéliste dans sa composition.

2. — Pour les discours et les idées

568. Les discours du quatrième Evangile sont artificiels, et les idées qui l’inspirent dans l’ensemble et dans le détail, propres à son auteur : voilà, dit-on, ce qui résulte d’un certain nombre de considérations. — Au point de vue de la forme, le style des discours mis dans la bouche de Jésus est identique à celui des discours attribués à Jean-Baptisle ou des parties propres à l'évangéliste lui-même ; à la dilTércnce des Synoptiques, ces discours sont constitués par une série d’images ou d’allégories profondes ; le jeu des dialogues repose sur l’emploi par le Christ de paroles à double sens, et sur les méprises qu’elles provoquent dans son auditoire. — Au point de vue du fond, on est étonné de voir revenir sans cesse un petit nombre de jiensées essentielles sous un nombre limité d’images ; constamment l’on retrouve les mots « vie, résurrection, lumière, ténèbres, chair, esprit, monde, jugement », et dans une acception différente de celle des Synoptiques. Surtout, les idées du Sauveur et son histoire elle-même sont représentées différemment de la réalité : le quatrième Evangile reflète l’histoire du mouvement chrétien accompli depuis les temps évangéliques juscjuà son auteur ; il décrit les relations extérieures de l’Eglise avec le monde romain et le monde juif, à la fin