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ÉVANGILES CANONIQUES

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ment, ([uaraute-six ans accoiuiilis, quand il chasse les vendeins du temple. — Quant à la date de l’incident, l’expulsion des Aendeurs n’a pu, dans la réalité de l’iiistoire, avoir lieu qu'à la lin du ministère de Jésus : la parole sur le temple, alléguée si hautement devant le jjrand-prètre, a dû, en eflet, être prononcée peu de jours et non plusieurs mois avant le procès ; d’ailleurs une manifestation de ce genre, véritable acte d’autorité messianique, ne pouvait qu’amener incontinent la condamnation du Sauveur. Le quatrième évangéliste a donc opéré une transposition : il a placé l'épisode au début même du ministère, parce que c'était en réalité le premier acte de Jésus dans son unique séjour à Jérusalem, et aussi par égard pomla prophétie de Mahichie, ni, i, où la venue de l’Ange de l’alliance à son temple paraissait figurer l’incarnation du Verbe et suivre, d’autre part, immédiatement l’envoi du messager précurseur. Loisy, /.e quatr. E-ang., Y>. 28 ; sq. ; J. Rkville, Le quatr. Es’ang., p. 14 i ; cf. Abbott, art. Gospels, dans VEncycl. biblica, t. 11, col. 1801.

235. Critique de cette interprétation. — Quoi qu’on en dise, l’incident est parfaitement vraisemblable à l'époque où le place notre évangéliste. La parole sur le temple, alléguée par les faux témoins, peut dater de deux ans, et avoir sutlisamment frappé les Juifs pour leur revenir en mémoire au moment où il s agit de trouver un chef d’accusation contre le Sauveur ; peut-être même s expliquerait-on mieux, dans ce cas, la discordance des témoignages, soulignée par les évangélistes. — L’expulsion des vendeurs n’est pas, non plus, la cause immédiate de la condamnation de Jésus : ce qui, à la fin de sa vie, ])orte au comble la fureur des chefs religieux, c’est la journée des Rameaux, ce sont les incidents significatifs qui la suivent, c’est le progrès de l’influence du Christ, constaté lors de l’entrée triomphale, témoigné de nouveau par l’accueil fait à ses prédications, riacé au début du ministère, l’incident n’a rien qui doive donner lieu à un dessein de mort immédiate : tout au ])lus peut-il j^rovoquer un commencement de projet hostile, pareil à celui que, pour la même époque, signalent les Synoptiques eux-mêmes : Marc, m, 6 et ]iarall.

D’un autre côté, on n’arrive pas à expliquer raisonnablement la transposition supposée de la part de notre évangéliste. Le premier acte du ministère hiérosolymitain, c'était l’entrée à Jérusalem : il l’a ]>ourtant maintenue à sa place. Rien, dans notre épisode, n’insinue que l'évangéliste aurait songé à la prophétie de Malachie, encore moins aux combinaisons étranges censées échafaudées sur son texte. — Par contre, il ne serait pas étonnant que les Synoptiques eux-mêmes, dont le cadreparait beaucoup plus systématique, eussent transporté, au début de l’unique séjour hiérosolymitain dont ils fassent mention, un fait qui en réalité se serait passé dans un voyage antérieur.

Ce qui donne confiance en la relation johannique, c’est l’allusion aux quarante-six ans de la construction du temple : cette donnée n’aaiu’un rapport avec la i>rophétie de Daniel, ix, 26-27 ; ^^'^ ^^ convient en aucune façon au temple de Zorobabel : cf. Esdr., i, I ; III, 8-10 ; IV, 5, 2^ ; vi, 15 ; A^gée, 1, 1 sq. Elle se réfère très nettement à l'édifice que les Juifs ont sous les yeux ; et nous savons qu’en effet, au début de la vie juiblique du Sauveur, les travaux de reconstruction du temple, entrepris par Hérode, duraient depuis quarante-six ans : cf. ScncERER, Geschic/tte desjitdischen Volkes im Zeiialter Jesu Christi, 3* éd., 1901, t., p. 369. 392 sq. Cette donnée elle-mcnie, se trouvant dans la bouche des Juifs, ne peut viser le moins du monde l'âge de Jésus ; par ailleurs nous avons vu

(no S36) que l'évangéliste n’entend pas fixer au ministère du Christ la durée du chiffre messianique de trois ans et demi, et c’est très gratuitement qu’on s’autorise de la parole des Juifs, au ch. viii, b-), pour conjecturer que le Sauveur avait alors quarante-neuf ans.

D’autres faits encore tendent à montrer la bonne information de notre auteur. La parole mise dans la bouche de Jésus : « Détruisez ce temple, et je le rebâtirai en trois jours… » est beaucoup plus vraisemblable que celle que lui prêtent les faux témoins, dans les Synoptiques, et elle fournit la clef de leurs contradictions. Il } a également tout lieu de croire que le propos, ainsi retenu par les Juifs, a été tenu ])ar le Sauveur dans une circonstance où l’attention était vivement portée sur l'édifice du temjyle : c’est justement ce qui appai-aît dans le récit johannique. H. HoltzMANN, Dus E-angeHuni des Johannes, 1893, p. 60 ; O. Holtzmaxx, Lehen Jesu, 1901, p. 34, 313, note 1, 32 y. Enfin, la remarque du v. 22 : « Lors donc qu’il fut ressuscité des morts, ses disciples se souvinrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Ecriture et à la parole que Jésus avait dite », montre bien que l'évangéliste ne se désintéresse point de la réalité de l’histoire ; elle donnerait même à entendre que l’auteur était l’un des disciples, dont il décrit ainsi l’expérience : cf. XX, 8-9.

356. 2*^ L’onction de Béthanie et l’entrée à Jérusalem. — Interprétation symbolique. — Au dire des critiques sjiubolistes, les épisodes de l’onction de Béthanie et de l’entrée à Jérusalem seraient deux tableaux symboliques figvu-ant la conversion du monde, ou le triomphe du Christ et de l’Evangile.

A Béthanie, Marie, sœur de Lazare, oint les pieds de Jésus et les essuie de ses cheveux : u on doit croire, dit M. LoisY, op. cit., p. 672, que l’action est sjiubolique et destinée à montrer comment Marie, l’Eglise de la Gentilité, a recueilli aux pieds de Jésus (cf. Luc, X, 3y) le parfum de l’Evangile qui se répand dans tout l’univers. Cette hypothèse est d’autant plus probable que la réflexion : Et toute la maison fut remplie de l’odeur du parfum, remplace la parole de Jésus, dans Marc etMatthieu : /^ar/o « < o « ce^ Evangile sera prêché, on dira en soutenir d’elle ce qu’elle a fait (Marc, xiv, 9 z^ Matth., XXVI, 13). Ce n’est pas pour rien que la Jjonne odeur se répand devant Lazare, figure de l’hunaanité rachetée. Ilsuflit d’entrer dans le symbolisme du récit pour n’y plus trouver de dilBcultés ». Aux murmures de Judas, sur le gaspillage du parfum, le Sauveur réj)Ond, v. J : « p ;  ; kvt/ ; v, ivy tU -ry r, ij.ipr/ : j TSV hTy.j.i.y.Tfi.oj ixTj : r, r/f, Tr, avrî. M. Loisy traduit : « Laissela, alinqu’ellelegardepourle jour de ma sépulture » ; et il ajoute, op. cit., p. 6^5 : '> Dans notre récit, le parfum n’a pas été répandu tout entier, ou bien il est censé subsister, bien que répandu » ; ce serait pour marquer que « l’Evangile, à partir de l’ensevelissement du Christ, se répandra par toute la terre ».

257. Dans le récit de l’entrée à Jérusalem, il est dit, XII, 13, que les gens « prirent les branches des ])a nevs(Tv. ; îy.iy. Tôj-^ iîoizwv)… etilscriaient : Hosanna ! Béni soit celui qui Aient au nom du Seigneur et le roi d’Israël ! » « Les paltnes du quatrième Evangile, dit M. Loisy, op. cit., p. G ; 8, doivent être apparentées de très près à celles que portent les élus dans l’Apocalypse (vu, 9). On portait des palmes en signe de joie, à l’entrée solennelle des princes dans la capitale. C’est au Christ-roi que cet hommage est rendu. » De fait, la formule de l’acclamation messianique, empruntée aux Synoptiques, est « modifiée, a(în de signifier plus clairement la royauté de Jésus ». L’auteur veut « figurer le triomphe éternel du Sauveur dans la vraie Jérusalem, l’Eglise de la terre et celle du ciel.