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EVANGILES CANONIQUES

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qui va suivre : il signifie la nutrition des âmes par le pain de la vie éternelle ou la chair du Christ. L’évanjïéliste mentionne que la Pâque était proche : c’est r|u’à ses yeux la multiplication des pains figure la Pàque clirctienne, ou la mort de Jésus commémorée dans l’eucharistie. Le jeune garçon qui a en mains les cinq pains et les deux poissons doit correspondre au serviteur d’Elisée, dans le récit analogue du 1I « Livre des Rois (Vulg., IV Bois), iv, l^^2-l^l^ : il semble représenter les diacres, ministres auxiliaires de la Cène eucharistique chez les iiremiers chrétiens. Tandis que, d’après les Synoptiques. Marc, vi, 4 » = Matlh., XIV, 19 = Luc, ix, )6, Jésus bénit les pains (îJ/cV’ ; "-’), notre auteur dit qu’il rendit grâces {.iiyv.piTTr.yv.C) : il préfère le terme sacramentel par lequel on désignait de son temps l’eucharistie. Jésus (rdonne de recueillir les débris de pain, et on en recueille douze corbeilles : c’est pour marquer l’excellence de l’eucharistie, et en même temps son caractère permanent et inépuisable. Strauss, op. c/7., p. 2^4 ;

HOLTZMAXX, op. cit., p. 102 : SCHMIEDEL, Oit. Cit.,

col. 2538 ; Abbott, art. cit., col. 1802 ; J. Réville, op. c7., p. 1^6 sq. ; Loisv, op. cit., p. 4 20 sq.

348. Le miracle de la marche sur les eaux, vi, 1621, est intimement lié à celui de la multiplication des pains : comme lui. il doit correspondre au discours qui va suivre, et doit être en rapport avec la même idée. On y voit, en effet, le Sauveur marcher sur les eaux du lac ; d’autre part, il est dit que les disciples voulaient (r.Oi’/w) le prendre dans la barque, mais que la barque s’en fut atterrir aussitôt (cJ^sw ;), comme si on était arrivé incontinent à destination et que Jésus lui-même se fût transporté à terre instantanément. Ainsi le Verbe incarné, qui tout à l’heure parlera de donner sa chair en nourriture et son sang en breuvage, n’est pas soumis aux lois de la matière, ])as plus à la loi de l’étendue qu’à celle de la pesanteiu-. Strauss, op. cit., p. 287 ; IIoltzmann’, op. cit., ]>. io3 ; Schmiedel, a ?-t. cit., col. 2621 ; J. Réville, op. cit., p. i’ ; 6 ; LoisY, op. cit., p. 434 sq.

243. La guérison de l’aveugle-né, ix i-41, représente sous une forme matérielle la vérité proclamée ] ar Jésus immédiatement a^ant le miracle : a Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du inonde », ix, 5-6, et qu’il répète encore après : « C’est pour un jugement que je suis venu en ce monde, jiour que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient deviennent aveugles », ix, 89. L’aveugle représente, soit le judéocliristianisme, converti au Christ et exclu de la synagogue (H. Holtzmaxn, P. AV. Schmibdel), soit la gentilité, opposée au judaïsme (E. A. Abbott), soit la gentilité et le genre liumain en général (Loisy). La boue étendue sur ses yeux rappelle celle dont Dieu fit, au commencement, le corps de l’homme : elle signifie la création nouvelle, la création spirituelle du Verbe incarné. Il est dirigé vers la fontaine de Siloé, ou de l’Envoyé, parce ([ue l’humanité est invitée à dépouiller ses misères morales et à obtenir la Araie lumière dans l’eau vive du baptême chrétien. Strauss, op. cit., p. 150 ;

HOLTZMANN, 0/7. cit., p. I 44 ; SCHMIEDEL, art. cit., COl.

2539 ; Abbott, art. cit.. col. 1803 ; J. Réville, op. cit., p. 210 ; LoisY, op. cit., p. 585 sq.

S44. La résurrection de Lazare, xi, i-44 » est l’expression symbolique de la vérité religieuse proclamée par Jésus : « Je suis la résurrection et la vie », XI, 25. Elle figure, à la fois, la vie spirituelle que le Christ donne présentement à celui f|ui croit en lui, et la résurrection corporelle dont il fera bénéficier le juste à la fin des temps. Lazare est le type de l’humanité souffrante et abandonnée, qui attend de Jésus la vie éternelle. De ses deux sœurs, « Marthe, qui rencontre Jésus la première, semble représenter le

premier groupe de Juifs convertis, et Marie les fidèles recrutés j)armi les Gentils. Associés en Jésus, les deux groupes réalisent par lui la résurrection de l’humanité, de l’homme, leur frère, qui gisait dans le tombeau depuis quatre jours, peut-être les quatre mille ans qui ont précédé la venue du Christ. » LoiSY, op. cit., p. 645. D’un autre côté, la parole de Jésus : « Lazare, notre ami, dort », xi, ii, signifie que la mort du chrétien n’est qu’un sommeil, non une mort véritable, et la haute voix qui retentit sur le tombeau de Lazare rappelle la grande trompette qui retentira sur le tombeau du genre humain. Strauss, op. cit., p. 196-207 ; HoLTZMANX, o/j.c ; <., p. 153sq. ; Schmiedel, art. cit., col. 2520 ; Abbott, art. cit., col. 1805 ; J. Réville, op. cit., p. 221 ; LoisY, op. cit., p. 643 sq.

245. 2° Critique de cette interprétation. — Peutêtre suffirait-il d’avoir exposé ces interprétations symboliques pour que l’on soit convaincu de leur peu de solidité. Quelques remarques, en tout cas, le feront constater clairement.

Tout d’abord, il est certain que, dans la pensée de l’évangéliste, les miracles ou signes sont des œuvres de puissance, qui montrent ou manifestent le Christ, non à la façon de peintures idéales, dépourvues de réalité (n° 237), mais bien comme des œuvres réelles qui attestent historiquement la divinité de leur auteur. Cf. II, II, 18, 23 ; III, 2 ; IV, 48 ; vi, 2, 14, 30 ; vii, 31 ; XII, 18, 87 ; XX, 30.

La spontanéité des miracles johanniques n’est pas, non plus, un signe de leur caractère symbolique (no 237). Nombre de miracles synoptiques sont également spontanés de la part de Jésus : tels, la guérison de l’homme à la main desséchée, de la femme courbée, de l’hydropique, la délivrance du possédé de Capharnaiim, de celui de Gérasa, la résurrection du fils de la veuve de Naïni : 3/a/c, iii, i-3 ; Luc, xiii, 10-12 ; XIV, 1-4 ; Marc, i, 21-26 ; v, i-13 ; Luc, vii, 111 5 ; cf. Mat th., viii, 14-15 ; tels aussi, les prodiges de la pêche miraculeuse, des deux multiplications de pains, de la marche sur les eaux, du poisson au statère, du figuier maudit, de la transfiguration : Luc, V, 1-7 ; Marc, vi, 80-44> viii, 1-9 ; vi, 45-5 1 ; Mat th., XAii, 28-26 ; Marc, xi, 12-14 ; ix, 1-7. — Par contre, des sept miracles du quatrième Evangile, plusieurs paraissent assez clairement demandes à Jésus : le premier miracle de Cana est accompli à la sollicitation discrète de sa mère ; le second, à la requête expresse de roflicier de Capharnaiim ; le miracle même de Bétlianie n’est pas sans rapport avec la prière des sœurs de Lazare : Jean, 11, 3, 5 ; iv, 4/ » 49 ; XI, 3, 22. Le caractère spontané des autres n’a pas de quoi suri)rendre, si, à l’exemple de la plupart des miracles synoptiques mentionnés, où se retrouve le même caractère, ils sont opérés plus directement par le Sauveur en preuve de sa doctrine ou en témoignage de sa mission.

246. Le changement de Veau en c// ; (cf. n° 238). — Il est impossible de trouver signifié, dans le changement de l’eau en viii, à Cana, le remplacement de la Loi ancienne par l’Evangile. Le fait que les urnes étaient destinées aux al)lutions légales ne suffit pas à établir qu’elles soient un symljole du judaïsme. L’auteur ne dit pas qu’elles aient été vides, mais seulement que, sur l’ordre de Jésus, elles furent « remplies jusqu’en haut ». Le nombre de six est donné d’une façon très indifférente, comme le montre le renseignement, nullement suspect de symbolisme, fourni sur leur capacité de « deux ou trois mesures «. Surtout, l’eau des ablutions ne pourrait représenter l’Ancienne Loi que sous ce rapport précis de la purification légale, en tant qu’impuissante à conférer autre chose que la pureté extérieure et matérielle ; or, le vin qui la remplace n’est aucunement présenté