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ÉVANGILES CANOXIOUES

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les TlieoJ. Jahrbiicher, de Zeller, 18^4 ! Kritische Untersitchiingcn iiber die hanon. Eyangelien, 1847 ; Dcis Christenthnm iind die christliche Kirclie der drei ersteii.lahrhunderle, 2* éd., 1860, p. i^G sq. Baur voyait dans le quatrième Evangile une composition libre de la spéculation religieuse, en rapport étroit avec tous les mouvements d’idées qui agitaient l’Eglise à l’époque où il parut ; son auteur, persuadé d’avoir mieux saisi que ses devanciers l’esprit du Christ, aurait de très bonne foi modifié l’histoire évangélique, accommodé les faits à l’esprit de l’époque et prêté à Jésus des discours qui répondaient, non à la réalité, mais à l’évolution de l’idée chrétienne.

Strauss. — F. Strauss se rallia à ces conclusions de Baur, dans sa Nouvelle vie de Jésus, en 1864.

« Pour l’Evangile de Jean, dit-il, la conclusion de la

critique moderne est de ne voir que de vaines apparences dans les notables additions dont il enrichit le fond de l’histoire évangélique : tout ce qu’il a d’historique serait puisé dans les anciens Evangiles ; tout ce qu’il donne en plus serait fictif ou arbitrairement transformé. Ce jugement a toute chance de demeurer sans appel. » Nuuv. vie de Jésus, t. I, p. 182. Et, en effet, Strauss se l’approprie entièrement. A l’entendre, l’auteur de TEvangile « commence, pour ainsi dire, par dérober au ciel son idéal du Christ, après quoi il lui fait revêtir cet idéal du costume de l’histoire ». Ibid., p. 186. La plupart de ses récits sont des (i morceaux combinés en pleine connaissance de cause « ou des « mythes réfléchis ». Ibid., p. 204. Cependant, nous n’avons pas affaire à un faussaire : î’évangéliste était persuadé que ce qu’il écrivait était vrai. Sevilement « la vérité à laquelle il aspirait n’était point une fidélité de procès-verbal, mais la pleine et complète expression de l’Idée. Voilà pourquoi il fait parler son Christ comme il l’entendait parler dans son for intérieur. Son Christ se comporte, agit et A’it dans les récits de l’Evangile comme dans l’imagination de I’évangéliste. De même que l’apôtre dont il emprunte le nom, l’auteur écrit une apocalypse, une révélation ; mais au lieu de projeter ses conceptions sur les nuées menaçantes de l’avenir, il les représente sur la trame unie et paisible du passé ». Ibid., p. 205, cf. p. lb.

S38- Ileiiaii. — Peu de temps avant le dernier ouvrage de Strauss, en 1863, Rexax publia sa Vie de Jésus. L’auteur y faisait usage du quatrième Evangile, quoique avec infiniment de réserves et de précautions. c< Qu’en somme, disait-il, p. xxv, cet évangile soit sorti, vers la fin du premier siècle, de la grande école d’Asie Mineure, qui se rattachait à Jean, qu’il nous représente une version de la vie du maître, digne d’être prise en haute considération et souvent d’être préférée, c’est ce qui est démontré, et par des témoignages extérieurs et par l’examen du document lui-même, d’une façon qui ne laisse rien à désirer, n Strauss et ses partisans ne manquèrent pas de le lui reprocher. Renan maintint fermement ses positions. La 13’édition de sa’ie de Jésus, publiée en 1867, reçut un appendice, p. 4/7-54’, destiné à répondre aux reproches reçus. Il était intitulé : De l’usage qu’il convient de faire du quatrième Evangile en écrivant la vie de Jésus, hn conclusion de cette étude minutieuse, où l’Evangile était examiné paragraphe par paragraphe, était ainsi formulée : « Je crois toujours que le quatriènu- Evangile a un lien réel avec l’apôtre Jean et qu’il fut écrit vers la fin du i" siècle ». « Les discours sont presque entièrement fictifs ; mais les parties narratives renferment de précieuses traditions, remontant en parlie à l’apôtre Jean, n Préf. à la l’i' éd., p. xi. C’est cette même opinion que Renan continua de soutenir

dans Jes Evangiles, 1877, p. 428, et dans L’Eglise chrétienne, 1879, p. 47, 58, 78.

289.’-<° Opinions des critiques actuels. — 1° Opinion radicale de plusieurs. — Parmi les critiques récents, plusieurs se sont efforcés de remettre en honneur les théories de Baur et de Strauss, qui refusent au quatrième Evangile tout rapport avec l’apôtre saint Jean et toute valeur historique. Tels, J. RÉVILLE, Le quatrième Evangile, son origine et sa valeur historique, 1901, 2° éd., 1902 ; P. W. Sciimik-DEL, art. John, Son of Zebedee, dans VEncycl. biblica, t. II, 1901, col. 2504-2562 ; Kreyenbuehl, Das Evangelium der Wahrheit, Xeue Losung der joanneischen Frage, t. I, 1900 ; t. II, 1906 ; A. Loisy, Le quatrième LJvangile, tgo’â ; C. Guignebert, Manuel d’histoire ancienne du christianisme, 1906, p. 894, 404 sq.

D’après ces critiques, le quatrième Evangile n’aurait d’historique que l’apparence : en réalité, ce serait une sorte de poème allégorique, reproduisant, non la vie réelle, mais une vie idéale de Jésus ; une œuvre de théologie, reflétant, non l’enseignement propre du Sauveur, mais la foi de son Eglise, après plus d’un demi-siècle d’expérience. Les faits racontés seraient seulement des symboles, ou des signes : sous leurs traits d’apparence historique, empruntés par l’auteur à ses devanciers, il faudrait chercher une allusion à l’histoire du mouvement chrétien, aux usages nouveaux de l’Eglise, aux controverses récentes, ou l’indication d’une vérité spirituelle. Les discours seraient des compositions libres, tendant à expliquer le sens profond des récits, à illustrer quelque croyance ou quelque pratique de l’Eglise contemporaine.

« Tout le travail de la pensée chrétienne depuis la

résurrection du Sauveur j- a son écho », dit M. Loisy, op. cit., p. 55. « Le principe symbolique et la théologie de l’incarnation dominent » l’Evangile entier, ibid., p. 77. « L’auteur a voulu montrer le Christ, et son livre est une ostension. Il a conçu le Christ lui-même comme une manifestation sensible de l’être divin. Son Christ est le Verbe incarné ; son Evangile est pareillement une incarnation, la représentation sensible du mystère de salut qui s’est accompli et se poursuit par le Verbe-Christ. Discours et récits contribuent à cette révélation du Sauveur : les faits racontés, comme symboles directs et signes expressifs des réalités spirituelles ; les discours, comme illustration et complément des récits, comme explication de leur sens profond. » Ibid., p. 76. Celte construction théologique sous forme d’allégorie n’est d’ailleurs pas une composition artificielle, c’est « une sorte de vision géniale » dont Ja tradition historique des premiers Evangiles a fourni les éléments. On dirait qu’elle « a jailli spontanément par une puissante inspiration ». C’est que ; < l’auteur est un grand mystique, le premier et le plus grand des mystiques chrétiens. Ce n’est sans doute pas assez dire : il faut ajouter qu’il était prophète. Le quatrième Evangile pourrait bien être une vision, comme l’.Vpocalypse johannique, et dans la même mesure ». Ibid., p. 284. G59. Cf. Strauss (n" 228).

230. 2° Opinion moyenne du plus grand nombre des criti</ues indépendants. — Le plus grand nombre des critiques cependant, même de ceux qui n’admettent i>as la conqiosition de notre Evangile par l’apôtre saint Jean, reconnaissent dans cet ouvrage un fond de tradition historique, comme faisait Renan.

D’après C. Wkizsakckkr, Das Apostolische Zeitalter der christlichen Kirche. 3* éd.. 1902. p. 5j8, b’i-,

« le caractère très particulier de cet Evangile, au point

de vue des idées et des tendances, ne s’explique que par sa dépendance à l’égard de l’enseignement de