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APOCALYPSE

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qu’au cil. XIX, 1 1 et ss. Les cli. xvii et xviii ralentissent, d’une manière étrange, l’action, d’abord rapide, du drame. 8'^ La description de la Jérusalem céleste est peu cohérente. (Cf. xxi, 2 et xxi, 9 ; xxi, 2^ qui cadre mal avec la situation et spécialement avec XX, 15.) 9" Dans l’ensemble, l’Apocalypse demande ime date tardive, la fln du premier siècle ; au contraire, le ch. XI, i-14, qui semble exiger l’existence du temple, doit être antérieur à 70. 10° Le particularisme juif le plus accusé (cf. vii, 1-8 ; xx, 7-9 ; xxi, 24 et ss.) côtoie dans l’Apocalypse un universalisme chrétien des plus décidés et même des tendances anti-juives. 11° A ce dualisme de tendances et de points de vue se rattachent certaines conceptions ditficiles à harmoniser, par exemple : l’attente de la préservation du temple, xi, i-3 et la description de la Jérusalem céleste où il n’y a plus de temple xxi, 22 et ss. ; le rôle de l’archange Michel à côté de celui du Christ, etc. 12° Enfin l’on croit apercevoir dans le texte de l’Apocalypse les traces d’un travail rédactionnel opéré sur des documents préexistants. Il arrive souvent que ces particularités se trouvent réunies dans la même section.

B. Faits attestant l’unité littéraire de V Apocalypse. En voici un aperçu très sommaire. 1° L’Apocalypse révèle un plan général arrêté et très étudié. Les péripéties du drame se groupent en trois séries, celle des sceaux, celle des trompettes, et celle des coupes. Chaque série comporte sept épisodes distribués selon la formule 4 + 3. Le dernier épisode de chaque série amène avec Ijeaucoup d’art le premier de la série sviivante. 2° Semés un peu partout à travers l’Apocalypse, on relève des symboles, des formules, qui s’appellent les unes les autres, se rejoignent et contribuent à relier fortement toutes les parties de l’ouvrage. 3" Certaines conceptions générales, un même esprit dominent et imprègnent tout le livre, y compris les ch. i-iii. 4*^ Enfin l’Apocalypse trahit une très réelle unité de style.

Je crois que, dans l’ensemble, ces obserA’ations, celles de la première catégorie et celles de la seconde, sont fondées, encore que beaucoup de critiques aient tendance à exagérer les phénomènes d’hétérogénéité. Le problème du mode de composition de l’Apocalypse est donc liosé par les faits eux-mêmes. Car vouloir les réduire par voie d’exégèse, ainsi que plusieurs, et tout récemment H. B. Swete, l’entreprennent encore, paraît une entreprise impossible. Qu’on lise, par exemple, l’explication que Swete donne du ch. XII. La forme même du récit demeure totalement en dehors de ses prises. De même en est-il pour beaucoup d’autres cas. Il semble donc indispensable de recourir, pour expliquer toutes ces particularités de forme et de fond qvie l’exégèse seule est impuissante à éclaircir, à une hypothèse touchant la manière dont l’Apocalypse a été composée, touchant les sources de l’Apocalypse. Cette hypothèse doit évidemment se tenir entre les limites que déterminent les deux séries opposées de faits indiquées plus haut. Aussi les théories qui ne tiennent pas suffisamment compte des indices d’homogénéité apparaissent-elles de plus en plus comme caduques. C’est le cas de la théorie rédactionnelle (Ueberarbeitungstlteorie) qui voit dans l’Apocalypse trois rédactions ou développements successifs d’une apocalypse primitive (Visciier, VôlTER, EuiJEs, etc.). C’est le cas aussi de la théorie des soui’ces, d’après laquelle l’Apocalypse serait le résultat de la fusion d’apocalypses diverses (Weyland, Spitta, J. Weiss, etc.). En revanche, la théorie des fragments, proposée par Yeizsakckek et reprise en particulier par Bousset, a le mérite de respecter les données diverses du problème et de ce chef elle est

digne de considération. En voici la formule très générale : '< Nous ne posons ni un écrit fondamental progressivement développé, ni un rédacteur assemblant mécaniquement des documents, mais un auteur, lequel cependant, en bon nombre d’endroits, ne crée pas de toutes pièces ses matériaux, mais utilise des fragments (écrits) et des traditions apocalyptiques plus anciens. » (Bousset.) Si l’on veut se rendre compte, dans le détail, du nombre et de l’importance des morceaux écrits utilisés, d’après cette théorie, par l’auteur de l’Apocalypse, il suffira de feuilleter le commentaire de Calmes.

Traditions apocalyptiques ou mieux tradition apocalyptique. C’est à l’existence et à l’histoire de cette tradition, bien plutôt qu'à la considération de soui’ces littéraires immédiates, (]uc Gunkel fait appel pour rendre raison des faits rapportés plus haut et de la composition de l’Apocalypse. (Schôpfung und Chaos in Urzeit und Endzeit, 1896.) Il y a longtemps qu’on avait été frappé de tout ce que ce livre possède en commun avec l’eschatologie des Projjhètes et avec les apocalypses juives, en fait de symboles et de conceptions. Gunkel estime que ce fonds commun est beaucoup plus considérable et beaucoup plus rigoureusement fixé qu’on ne le pense généralement. L’Apocalypse de Jean est, dans une large mesure, une édition nouvelle, chrétienne, de l’eschatologie juive traditionnelle. De là viennent les phénomènes signalés : conceptions disparates, application d’un matériel symbolique ancien à signifier des idées nouvelles, etc. La fixité des éléments traditionnels où puise l’auteur de l’Apocalypse suffît à expliquer tout cela sans qu’il soit nécessaire de recoiu-ir, du moins dans bon nombre de cas, à l’hypothèse de sources écrites.

Gunkel, et c’est là l’originalité de sa théorie, va plus loin. La tradition apocalypticjue juive ne suffit point à rendre raison de l’Apocalypse, poiu* ce motif qu’elle ne trouve pas en soi-même son explication. Si l’on doit maintenir qu’elle a pris corps en terre palestinienne, il s’en faut qu’elle puisse être considérée comme une création juive. Bon nombre des symboles qui lui sont familiers et plusieurs de ses conceptions essentielles appartiennent à ce fonds d’idées qui constituait le patrimoine commun des peuples de l’Asie antérieure et dont la patrie historique est la Babylonie. L’eschatologie judéo-chrétienne est fondée sur ce principe, clairement exprimé dans l’Epitre de Barnabe, vi, 13 : « I^oJ Trstôj tv. ï'^/v.-zv. w ; rà np&Tc.)>. Or la manière dont elle conçoit les origines est étroitement apparentée, et bien plus encore que les récits de la Genèse, aux conceptions que nous trouvons exprimées dans les épopées et poèmes mythiques de la Babylonie.

Bousset a accueilli ces suggestions, non toutefois sans réserve et tout en maintenant comme explication directe des particularités littéraires et réelles de l’Apocalypse sa théorie des fragments écrits. Personnellement, il attribue une part d’action, dans l'élaboration de l’eschatologie juive, au dualisme éranien.

Quelle position j^rendre dans ces problèmes compliqués et parmi ces solutions diverses ? 1° Il me semble que l’apologiste catholique fera bien de ne point écarter d’une manière absolue l’hypothèse de l’utilisation par l’auteur de l’Apocalypse de fragments écrits. En revanche je ne vois pas qu’il ait lieu d’accorder beaucoup à ce point de vue purement littéraire. 2° L’influence de la tradition apocalyptique juive, dans la composition de l’Apocalypse de S. Jean, a été sans doute beaucoup plus considérable, et c’est par cette influence que les caractéristiques de cet ouvrage me paraissent devoir être surtout expliquées. 3 » Si la religion babylonienne a foiu’iii quelque chose

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