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ÉVANGILES CANONIQUES

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parties de la Palestine ancienne, et qui fût capable de composer un Evangile où les détails topographiques se trovivent mêlés d’une façon si naturelle et si vraisemblable aux épisodes de la vie de Jésus ?

Mais le livre nous offre un dernier témoignage d’une précision et d’une sûreté qui ne laissent rien à désirer.

166. 111. L’ÉVANGÉUSTB s’iDKXTIFIE AU DISCIPLE AIMÉ DE JÉSUS, c’EST-A-DIRE A l’APÔTRE SAINT JeAN, ET DANS DES CONDITIONS QUI NE PERMETTENT PAS DE SUSPECTER LA VÉRITÉ DE CETTE IDENTIFICATION. 1" L’évangé liste s’identifie au disciple aimé de Jésus. En deux endroits : xxi, 24 et xix, ’6ï).

1° En XXI, ’2'i. — En xxi, i ! , nous lisons : « C’est ce disciple », savoir le disciple bien-aimé, dont il a été question plus haut, v. 20, « qui rend témoignage de ces choses et qui les a écrites. Et nous savons que son témoignage est vrai ».

Interprétation proposée par certains critiques. — La première pensée qui vient à propos de ce passage est ciue la parole y est tenue par d’autres que le disciple bien-aimé, présenté comme auteur de l’Evangile. Il est. en effet, question de lui d’une façon impersonnelle ; le verset précédent fait allusion à sa mort, et l’allusion se comprendrait bien après la mort déjà survenue ; on garantit la vérité de son témoignage, et cette garantie, exprimée à la première personne du pluriel, semble provenir d’un groupe, non d’un individu. Aussi a-t-on attribué ce témoignage aux presbytres éphésiens, éditeurs du livre (n"" 143-146). Mais ce témoignage lui-même ne peut se séparer du récit qui précède ; il fait corps avec le dernier chapitre du livre, qui a d’ailleurs toutes les apparences d’un appendice. On en est donc venu à penser que tout ce dernier chapitre avait été ajouté par les éditeurs.

Arrivé là, il semble impossible de s’arrêter à l’opinion du P. Calmes (n" 144), qui essaie de maintenir une certaine authenticité johannique à l’ensemble du chapitre final. Au jugement de la généralité des critiques, si l’appendice a été ajouté par les éditeurs, il doit être l’œuvre de ces éditeurs eux-mêmes ; et si l’on n’admet pas que Jean d’Ephèse soit Jean l’apôtre, ni qu’il ait composé notre document, les éditeurs ont dû ajouter tout exprès leur morceau pour ailirmer, par un artifice littéraire, la composition de l’Evangile par Jean d’Ephèse et l’identité de ce Jean d’Ephèse avec l’apôtre Jean. H. Holtzmann, Einleitting in das.. 7’., p. 455 ; Das Evangelium desJohanness p. 227 sq. ; J. Réville, Le quatr. Evang., p. 305 sq. ; Schmiedel. art. John, dans VEncycl. hibl., t. II, col. 2543 ; LoisY, Le quatr. E-ang., p. 926 sq. ; S. Rei-NACH, Orpheus, p. 3 18.

C’est dans cette hypothèse que nous avons accepté de nous placer jusqu’ici. Mais le moment est venu de la discuter, et à l’examen il ne semble pas qu’elle puisse se soutenir.

167. L^n réalité, le chapitre xxi est tout entier du même auteur que le reste de l’Evangile. — Le chapitre XXI est certainement de la même main que les vingt premiers. — Il est d’abord en connexion étroite aACC le reste de l’Evangile, au point de vue de l’ensemble des idées et des divers traits historiques. L’épisode de la pêche miraculeuse se relie à l’histoire précédente par la transition expresse : « Après cela, Jésus se manifesta encore », xxi, i, et par la remarque finale : « C’est ainsi que Jésus se manifesta, pour la troisième fois, après sa résurrection d’entre les morts », XXI, 14 Les deux disciples qui jouent le rôle principal dans cette scène. Pierre et le bien-aimé, sont précisément ceux que le quatrième Evangile associe le plus fréquemment et dans le même rap port : xiii, 23 sq. ; xviii, 15sq. ; xx, 2 sq. A côté d’eux, sont mentionnés, xxi, 2, Thomas, avec son surnom purement johannique de Didyme, et Nathanaël, qui ne figure sous ce nom que dans notre document ; ce dernier personnage est même présenté comme étant de Cana de Galilée, et ce renseignement est en harmonie intime avec le récit de sa Aocation, coïncidant avec le premier voyage de Jésus à Cana, i, 45 sq. Pierre est interpellé par le Sauveur : Si’uwv "Iwayjv, a Simon, fils de Jean », xxi, lô-i^, comme dansi, 42, au lieu du Siyojv Ba/nwvâ de Matth., xvi, 1-.

168. Beaucoup plus étroites et plus significatives sont les liaisons de notre chapitre avec le reste de l’Evangile, au point de vue de la langue et du style.

— Nombre de particularités littéraires, constructions de mots, tournures de phrase, qui sont caractéristiques du style des vingt premiers chapitres, se retrouvent dans l’appendice. Ainsi, èfocvipuztv îa^rcv, xxi, i (cf. vil, 4) ; à « ’ ; y à/j-VJ /r/w lot, XXI, 18 (cf. III, 5, I I ; XIII,

38) ; , uiévzoi, XXI, 4 (cf- IV, 27 ; VII, 13 ; xii, 42 ; xx, 5) ; ûii oÎjv, XXI, g (cf. IV, i, 40 ; xi, 6 ; xviii, 6 ; xx, 11) ; Sre oliv, XXI, 15 (cf. 11, 22 ; vi, 24 ; xiii, 12, 31 ; xix, 6, 8, 30) ; S(, uwv çiv llizpoi, XXI, 7 (cf. xi, 20 ; xaiii, 3). Il y a une correspondance exacte entre xxi, 1 1 et xii, 3 ; , pour l’emploi du génitif absolu a^ec le pronom TSTiOro ; suivi d’une proposition négative ; entre xxi, 16 et IV, 54, pour l’association de-a/o à C£^t£oî> ; entre XXI, 12 et XIII, 28, pour la façon de séparer oiSet’i du substantif par le verbe. Il y a encore un rapport très étroit entre xxi, 4 et xx, 1 4 ; entre xxi, 24 et xix, 35 ; entre xxi, aS et xx, 30. Comme l’auteur de l’Evangile, l’auteur de l’appendice aime à ouvrir des parenthèses, à fournir des explications, des précisions, suivant des procédés et parfois avec des formules tout à fait semblables. Comparer xxi, 7 avec iv, 44 1 45 (et vii, 5, 39 ; XIX, 31) ; xxi, 20 avec vi, 22-24 (et XI, 1-3) ; XXI, 8 avec xi, 18(et xviii, i-3) ; xxi, igavec II, 21 (et VI, 6, 72 ; VII, 3g ; viii, 6 ; xi, 13, 51 ; xii. 6, 33) ; XXI, 8, 23 avec xi, 51 (et xi, 30 ; xii, 6, 16 ; xiii, 18) ; etc.

Il paraît absolument impossible d’attribuer à une imitation réfléchie, ou à une certaine parenté littéraire, des accords aussi multiples, aussi complexes, dans le choix des expressions, dans la spécialité des formules, dans la liaison des mots et des phrases, dans la manière générale et les procédés particuliers d’exposition.

169. Enfin, il est souverainement invraisemblable que des éditeurs aient ajouté à l’Evangile qu’ils publiaient un appendice de cette nature. Leur conduite serait contradictoire. D"un côté, ils voudraient présenter le disciple bien-aimé comme auteur de lEvangile, y compris le chapitre final, puisqu’ils prennent soin de le bien relier à ceux qui précèdent, soit pour le fond, soit pour la forme, et le pourvoient d’une nouvelle conclusion visiblement imitée de la première. D’un autre côté, ils commettraient cette maladresse étrange de donner à leur addition toutes les apparences d’un appendice, puisqu’ils laissent sub sister la première conclusion du livre, au Heu de la supprimer ; bien plus, de parler de ce disciple, auteur de lEvangile, comme d’un tiers, en le présentant d’une façon objective, et en emploj’ant pour leur part la première personne du pluriel. La contradiction qu’il faudrait supposer est si incroyable qu’elle condamne décisivement l’hypothèse.

170. C’est dune l’és-angéliste qui, au f. 2’i, s’identifie au disciple bien-aimé. — Le chapitre xxi étant ainsi reconnu du n^me auteur que le reste de l’Evangile, il faut donc en venir à supposer que c’est Tévangéliste lui-même qui. au v. 24, se déclare discrètement le disciple aimé de Jésus et garantit la sincérité de son propre témoignage.