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EVANGILES CANONIQUES

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bouché les oreilles et se serait écrié selon sa continue :

« O Dieu bon, à quel temps m’a^ez-vous
« réservé, pour que je doive supporter de tels discours ! 

» Et il eût pris la fuite de l’endroit où il les aurait ouïs, v Dans Eusèbe, //. E., V, xx.

ISl. En dehors de Florinus, l’évêque de Lyon connaissait d’autres auditeurs de Polycarpe dont le témoignage concordait avec le sien. « Il en est, dit-il, qui ont entendu raconter à Polycarpe comment Jean, le disciple du Seigneur, étant venu aux bains à Ephèse, et ayant aperçu Cérinthe à l’intérieur, sortit aussitôt sans s’être baigné, disant : Fuyons, de peur que la maison ne s’écroule, pour abriter ainsi Cérinthe, l’ennemi de la vérité. » Contra Hæres., III, iii, 4 L’illustre docteur en appelle, en particulier, aux souvenirs de ceux qui ont entendu Polycarpe, à Rome, se réclamer auprès du pape Anicet, de ses relations avec l’apôtre Jean. Ainsi fait-il dans sa lettre au pape Victor, écrite, en même temps que celle de Polycrate d’Ephèse, à l’occasion de la querelle des Quartodécimans. « Comme le bienheureux Polycarpe se trouvait à Rome sous Anicet, il s’éleva entre eux sur divers sujets quelque controverse ; mais ils firent aussitôt la paix, sans s’être beaucoup mis en peine de cette question de la Pàque. Car, ni Anicet ne put amener Polycarpe à abandonner une coutume qu’il avait toujours oljservée avec Jean, le disciple de Notre-Seigneur, et les autres apôtres ; ni Polycarpe ne put la faire accei)ter d’Anicet, qui estimait devoir retenir l’usage reçu des anciens qui l’avaient précédé. Les choses étant ainsi, ils entrèrent en communion ; Anicet céda à Polycarpe l’honneur d’offrir l’Eucharistie dans l’Eglise et ils se séparèrent en paix, lacomnumion de l’Eglise universelle demeurant assurée et à ceux qui observaient la coutume et à ceux qui ne l’observaient pas. » Dans EUSÙBE, //. E., V, xxiv.

158. 3’^ Valeur de cette tradition. — Chose très digne d’attention, aucune voix discordante ne contredit ces nombreux témoignages. Les chrétiens d’Asie Mineure appuyaient leur pratique quartodéciniane sur l’exemple laissé par saint Jean : or, on ne soit pas qu’aucun de leurs nombreux contradicteurs ait essayé de les combattre sur ce terrain. Les Aloges eux-mêmes, si prompts à enlever aux montanistes l’appui des écrits johanniques, ne trouvèrent rien de mieux que d’attribuer ces écrits à Cérinthe, l’adversaire bien connu de saint Jean à Ephèse : ils ne songeaient donc pas à contester que l’apôtre fût venu eu Asie (n° 139).

Une tradition qui se présente dans des conditions telles, semble impossible à mettre en doute. Elle porte sur un fait public, durable, qui a eu de nombreux témoins et a dû faire dans toute la région une impression ineffaçable, savoir, le séjour de l’apôtre Jean à Ephèse. D’autre part, elle est attestée par des témoins de première valeur, indépendants les uns des autres, plusieurs appartenant à la région même qui a été théâtre du fait en question.

153. Valeur du témoif ; nage de saint Irénée. — Saint Ihknke est on ne peut mieux informé sur le fait qu’il rapporte. Le saint docteur tient ses renseignements d’un disciple immédiat de saint Jean, saint Polycarpe. Or, les détails qu’il donne à Florinus montrent qu’à l’époque où il entendit l’évêque de Smvrne, il était capable de bien observer et de bien comprendre. S’il estime que Polycarpe se réclamait de Jean l’apôtre, c’est qu’en effet Polycarpe présentait son maître Jean comme un témoin oculaire et un disciple direct de Jésus.

A supposer qu’il se fût trompé sur ce point, son erreur eût été promptement rectifiée.’Toute son

œuvre montre combien ouvertement il parlait de Jean d’Ephèse et l’identifiait à l’apôtre Jean, en se référant à la croyance publique des Eglises d’Asie Mineure et aux souvenirs de ceux qui avaient entendu comme lui Polycarpe. Les rectifications lui seraient sûrement venues de toutes parts. — Avant d’émigrer dans lesGaules, il put consulter en Asie Mineure, son pays d’origine, maints chrétiens qui avaient connu l’évêque de Smyrne ou d’autres disciples du fameux Jean. — A Lyon même, il ne vécut point isolé de l’Asie : l’évêque de cette ville, saint Pothin, et nombre de ses chrétiens, tels que Attale de Pergame, Alexandre de Phrygie, étaient des Asiates. La lettre des Eglises de Lyon et de Vienne, où ces personnages sont mentionnés, est elle-même adressée « aux fidèles d’Asie et de Phrygie ». Elle montre bien les rapports intimes qui unissaient le milieu habité par saint Irénée avec l’Asie Mineure. Eusèbe, //. E., , i. Et c’est ce que montre pareillement lalettre que saint Irénée écrit, quelques années plus tard, au pape Victor, en faveur îles Quartodécimans asiates. — Enfin, il est encore un endroit où saint Irénée se trouva en contact avec des auditeurs directs de saint Polycarpe : c’est à Rome, où l’évêque de Smyrne était venu au temps du pape Anicet, vers iS/J- Saint Irénée y vint lui-même, en 178, porter au pape Eleuthère la lettre que les chrétiens lyonnais lui adressaient de leur prison, en même temps qu’ils écrivaient à leurs frères d’Asie. Eusèbe, //. / :., V, iv. Nous avons vu également que, quelques années plus tard, vers 190, il envoyait au j)ape Victor un mémoire sur la querelle quartodécimane, dans laquelle était intéressée l’autorité même du Jean d’Asie Mineure (n>' 151).

Les occasions ne manquèrent donc pas à l’évêque de Lyon pour contrôler ses souvenirs au sujet du Jean dont se réclamait Polycarpe. Ces moyens de contrôle étaient des plus variés ; ils l’entouraient de toutes parts et s’imposaient comme forcément à son attention. Il est impossible que saint Irénée ait identifié par erreur le maître de Polycarpe avec Jean l’apôtre et qu’il ait persévéré si fermement dans cette erreur.

154. Valeur du témoignage de Polycrate. — Le témoignage de Polycrate, indépendant de celui de saint Irénée, n’est pas nujins décisif. C’est le témoignage de l’éAêque même de cette ville d’Ephèse où a vécu le Jean qui a si fortement impressionné la tradition asiate. Polycrate parle de ses cheveux blancs ; il a, dit-il, « soixante-cinq ans dans le Seigneur ». A supposer qu’il faille compter ces années à partir de sa naissance, et non, — comme il paraît plus jyroba])le — de son baptême, il a dû naître aiilour de 126 ; ses souvenirs peuvent donc se reporter facilement vers les années 140-150, alors que vivaient les propres disciples de Jean d’Ephèse, Polycarpe de Smjrne, Papias d’Hiérapolis, d’autres encore.

Polycrate n’est d’ailleurs pas un isolé : il appartient à une famille riche en traditions chrétiennes ; sept de ses proches, dit-il, ont été évêques. Eusèbe, //. E., V, XXIV. Enfin, la lettre où il parle du tombeau de l’apôtre Jean à Ephèse est un document public, adressé au pape, au nom des évéques d’.Asie : nul doute que, sur ce point capital, il ne reproduise la pensée de ses collègues et la croyance générale ayant cours autour de lui.

155. II. La tkadition au milieu nu ii’^ siècle. — La tradition, observée dans des conditions si exceptionnelles au dernier quart du ii* siècle, peut d’ailleurs être suivie beaucoup plus haut. Et d’abord, autour de l’an 150.

, S’. Justin, les Montanistes. — A cette époque, en effet, saint Justin attribuait expressément l’Apoca-