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ÉVANGILES CANONIQUES

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ces choses et qui les a écrites. Et nous savons que son témoignage est vrai. » — Quelles sont d’abord les choses qui sont censées attestées et écrites par ce disciple ?

144. 1° Le disciple bien-aimé est déclaré fauteur de tout l’Evangile. — Il est difRcile de supposer avec le P. Calmes, L’Evangile selon saint Jean, p. 34, ^72, que ce soient seulement les récits contenus dans ce chapitre final. — A son avis, les disciples de l’apôtre Jean auraient, après sa mort, trouvé écrit de sa main ce qui fait le fond de notre chapitre xxi, les versets 2-13 et 15-23, et ils l’auraient ajouté en supplément à son œuvre, moyennant l’addition de quelques versets, destinés à la soudure littéraire, et d’une nouvelle conclusion, vv. 24-25, où ils attesteraient que lui-même avait mis par écrit les deux récits qui précèdent, et où ils se porteraient garants de la vérité de son témoignage. — Mais la plupart des critiques estiment, avec raison, peu vraisemblable que les presbytres éphésiens, s’ils ont ajouté l’appendice, aient entendu restreindre à ce seul appendice le certificat d’origine johannique ; peu vraisemblable aussi qu’ils aient trouvé parmi les papiers de l’apôtre les récits dont ce chapitre est composé. D’ailleurs, à se placer dans cette dernière hypothèse, la garantie d’authenticité, fournie par les éditeurs, tout en visant directement le chapitre final, se rapporterait indirectement à l’Evangile entier, puisqu’ils le regardent comme étant du même auteur.

Au jugement de la généralité des critiques, le a*. 2^ est une certification directe de tout l’écrit, présenté comme œuvre du disciple que Jésus aimait. Weiz-SAECKER, Das Apostolische Zeitalter der cJiristlichen Kirche, 1902, p. 516 ; Rexax, Vie de Jésus, 13’éd., 1867, p. 537 ; L’Eglise chrétienne, 187g, p. 62 ; H. È-OLTzyixys, Einleitung in das A’. T., p. 455 ; Har-NACK, Chronologie, t. I, p. 679 ; J. Réville, Le quatr. Evang., p. 306, n. a ; Loisy, Le quatr. Evang., p. 124, 132, gSo.

Quel est maintenant le disciple qui est ainsi présenté comme auteur de l’Evangile ?

148. 2" Ce disciple est identifié à Jean d’Ephèse, c’est-à-dire à l’apôtre Jean. — Les rédacteurs de l’appendice le supposent Inen connu dans le milieu où se publie l’ouvrage : là, on se demande s’il ne doit pas vivre jusqu’à la venue du Seigneur,. 23. Or, de l’aveu général des critiques, l’Evangile a été publié en Asie Mineure — c’est la pensée de la tradition à la fin du 11° siècle ; ses plus anciens témoins, saint Justin, les montanistes, saint Polycarpe, Papias et ses presbytres, saint Ignace, appartiennent à cette contrée ou sont en relations étroites avec elle ; l’Apocalypse, que l’on reconnaît être au moins du même cercle littéraire, sinon du même auteur, se présente comme l’œuvre d’un Asiate et s’adresse à des Asiates, I, I, 4î 9 ; ii> ! " —’^ès lors, on ne peut douter qu’il ne s’agisse du fameux personnage d’Ephèse, connu de toute la tradition asiate du 11’siècle comme ayant été, à la fin du i", le dernier représentant de la génération aposloli((ue, sous le nom de Jean.

On rapporte une i)arole que le Sauveur aurait dite au sujet de sa longue vie : il passe donc pour un contemporain et un disciple direct de Jésus, Bien plus, les rédacteurs l’identifient au « disciple que Jésus aimait » ; or, ce disciple, à prendre l’Evangile dans son sens obvie, ne peut être qu’un apôtre et un des principaux apôtres : il assiste à la dernière Cène, il a le privilège de reposer à côté de Jésus, partout on le voit en relations intimes avec Simon Pierre. Dans l’intention des éditeurs, le Jean d’Ephèse, présenté comme auteur de l’Evangile, doit donc être identitié par les lecteurs à l’apôtre saint Jean. A. Jublichkr, Einleitung in das N. T., 1906, p. 370 sq. ; Schmiedel,

avi.John, à&n^VEncrcl. biblica, t. II, col. 2552 ; Loisy, Le quatr. Evang., p. 124, 132, 926.

Ce fait, incontestable, éclaire singulièrement toute la tradition du 11* siècle. Les critiques reconnaissent que le quatrième Evangile ne s’est répandu dans l’Eglise que muni de son dernier chapitre ; il en était pourvu dès le moment de sa publication, donc au début du 11° siècle, et même à la fin du i". Or, l’attribution de l’œuvre au disciple aimé de Jésus, et l’identification de celui-ci, d’un côté avec Jean d’Ephèse, de l’autre avec Jean l’apôtre, y apparaissaient d’une façon si claire, que ses jjremiers lecteurs durent immédiatement le recevoir et, à leur tour, le communiquer, comme Evangile de l’apôtre saint Jean. Ainsi s’expliquent l’ancienneté et la fermeté de la tradition constatée sur ce point, et ce fait étonnant qu’un Evangile, venu assez longtemps après les autres et notablement divergent à l’égard des autres, ait pu néanmoins d’aussi bonne heure, et sans que l’on voie d’abord trace d’opposition, prendre sa place à côté des Synoptiques, pour constituer avec eux le tétramorphe sacré.

146. 3° Cette identification ne peut être suspectée.

— C’est donc le témoignage du dernier chapitre de l’Evangile qui a dû infiucncer toute la tradition postérieure. Peut-on suspecter un tel témoignage ?

Dans l’hypothèse où nous nous sommes placés, le témoignage en question serait fourni par les presbytres qui ont publié notre Evangile, à Ephèse, à la fin du 1" siècle. Il ne pourrait donc être récusé qu’en portant contre les éditeurs du livre l’accusation de fiction littéraire ou de faux : pour assurer le succès du livre, les presbytres éphésiens l’auraient fait passer indûment pour une œuvre apostolique. Loisy, J.e quatr. Evang., p. 132. — Mais comment croire qu’à Ephèse même, aussitôt après la mort du fameux Jean, sinon de son vivant, on ait prétendu, d’une façon aussi ouverte, lui attribuer faussement la rédaction du quatrième Evangile, alors qu’il était si aisé de savoir si, oui ou non, il avait été disciple de Jésus, s’il avait eu des renseignements personnels sur sa vie, s’il était pour quelque chose dans la composition de l’ouvrage publié dans ce milieu ? Et comment croire, dans l’hypothèse où cette prétention aurait été contraire à la vérité, que la fraude, si facile à reconnaître et à confondre, ait, au contraire, si pleinement réussi, qu’elle aurait influencé immédiatement et unanimement la tradition locale ?

— De telles suppositions ne peuvent se soutenir sérieusement.

Le témoignage de l’appendice, même mis au compte des éditeurs du livre, offre donc, à raison du temps et du lieu où l’Evangile a été édité, et en le rapprochant de l’ensemble de la tradition asiate, les plus fortes garanties de vérité.

Ce témoignage peut d’ailleurs être contrôlé, non seulement par la critique interne de l’Evangile, comme nous le verrons bientôt, mais encore par l’examen d’un point d’histoire important et gros de conséquences pour l’authenticité de notre document. Il s’agit de la question du séjour de l’apôtre saint Jean à Ephèse.

Confirmation historique du témoignage de la tradition : l’apôtre Jean résidait â Ephèse à la fin du I’siècle.

147. Importance de la question. — Le quatrième Evangile a été publié à Ephèse, à la fin du i" siècle, et il est attribué à l’apôtre saint Jean : est-ce que l’apôtre Jean, palestinien d’origine, est venu effectivement en Asie Mineure, et résidait à Ephèse, à l’époque où l’ouvrage qu’on lui attribue a vu le jour ?

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