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ÉVANGILES CANONIQUES

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D’autre part, dans les morceaux où les trois Synoptiques marchent de front, on remarque parfois des divergences dans les expressions, les détails, ou le groupement des sentences reproduites, qui paraissent peu conciliables avec l’hypothèse d’une utilisation de l’un par les deux autres. Cf. Marc, xiii. 9-1 3 = Matth., XXIV, 9-1 4 = J.iic, XXI, 12-19. — Ailleurs, Matthieu et Luc s’accordent pour donner un texte plus court, et sans qvi’on voie encore de motif à leur abréviation commune, comme s’ils dépendaient d’une autre source que notre second Evangile. Marc, ix, 13-28 = Mattli., xvii, 14-20 = Luc, ix, 87-44^. Cf. Marc, XIV, 30, 72 = Matih., xxvi, 34, ^5 = Luc, xxii, 3/J, 61 ; Marc, xvi, '^^Matth., xxviii, 7 = Luc, xxiv, 7. — D’autres fois, le texte de Marc, notablement plus court que celui des deux autres Synoptiques, ou bien, avec celui de Luc, notablement plus court que celui de Matthieu, a tout l’air d’un abrégé par rapport à un document antérieur plus développé. Marc, i, 12-13 : = : ^ Matth., IV, i-ii 3 : 1 Luc, iv, i-13 ; Marc, xii, 38-40 = Luc, XX, 4^-47 = Matth., xxiii, 1-89. Cf. Marc, xii, 35-37 = ^"f> ^^' ^i-^li = Matth., xxii, 4 1-46 ; Marc^ xiii, 82-37 ; = Luc, xxi, 34-36 =z Matth., XXIV, 36-5 1. En particulier, Marc, iii, 22 (calomnie des scribes sur le pouvoir de Jésus à l'égard des démons) paraît supposer quelque chose comme Matth., XII, 22-24 =^ Luc, XI, 14-15 (expulsion actuelle d’un démon).

Ces divers phénomènes requièrent, semble-t-il, comme source des Synoptiques, un document plus ancien que Marc, et dont ce second Evangile dépendrait comme les autres. — L’induction est confirmée par ce fait que certains passages communs à Marc et à Matthieu paraissent, malgré leur parallélisme général, indépendants. Si l’on compare, par exemple, Marc, VII, 1-2^ = Matth., xv, 1-20, on constate des transpositions de sentences, et une précision de certains détails en Matthieu, qui se conçoivent mal du premier évangclisle utilisant le second. Comparer également Marc, iii, ii-13 avec Matth., xvi, i-4. Dans Matth., xx, 22-28, et xxi, 20, on comprend, au contraire, difficilement l’omission de détails contenus dans les passages parallèles, Marc, x, 88-89, ^^ XI, 21.

69. 6° Des observations antérieures il semble donc résulter, que Matthieu et Luc, non seulement n’exi)loitent pas Marc dans la mesure et de la manière que l’on attendrait, s’ils le prenaient comme fond narratif de leur Evangile, mais encore qu’ils dépendent, pour les récits, d’un document différent de Marc, tout en lui étant analogue, et que Marc luimême dépend de sources écrites antérieures. Dans ces conditions, les rapports constatés entre nos trois Synoptiques pourraient s’exvliquer par leur dépendance, non plus à l'égard de Marc et des I.ogia simplement, mais à l'égard de sources narratives et de recueils de discours, antérieurs au second Evangile lui-même. Cf. SpiTTA, Streitfragen zur Geschichte Jesu, 1907.

Il ne serait aucunement surprenant que la rédaction de nos Evangiles canoniques ait été ainsi précédée et préparée par une série de travaux plus ou moins complets, tendant plus ou moins parfaitement à la forme d’Evangiles. Cela s’accorde exactement avec le témoignage que saint Luc place en tête de son livre, Luc, i, i.

Les apôtres, en effet, commencèrent par prêcher oralement l’Evangile ; mais on ne dut pas tarder à mettre cette prédication par écrit : à mesure que l’on avançait, il devenait plus précieux de ne i)as laisser perdre le souvenir précis et fidèle des témoins. Bien plus, sitôt que l’Eglise franchit les bornes de la Palestine, quand de simples convertis, parfois des étrangers, furent établis missionnaires de la bonne

nouvelle, il devint pour ainsi dire nécessaire de consigner pour leur usage l’essentiel des souvenirs gai-dés par les disciples de Jésus : d’abord les principaux discours, les éisisodes les plus instructifs ; puis, à mesure que l’on s’intéressait davantage à la vie terrestre du Sauveur, une esquisse des principaux faits de sa vie, un tracé plus complet de l’ensemble de sa carrière, tel qu’on avait coutume de le présenter dans la catéchèse publique aux iidèles, sans compter les récits spéciaux relatifs à son enfance. Ainsi ont pu se constituer, en particulier, un document nai-ratif résumant, à l’usage des missionnaires chrétiens, la vie publique du Sauveur d’après la catéchèse des apôtres et tout spécialement de saint Pierre (n" 86) ; d’autre part, un recueil de ses discours jugés les plus utiles à l’instruction des fidèles. Inutile de dire qu'à une époque où l’on pouvait encore si facilement consulter les témoins, les mêmes documents ont dû. rapidement se diversifier dans le détail, se compléter et se répandre en des recensions différentes.

Nos trois Synoptiques ont fort bien pu être basés sur un ou plusieurs de ces documents primitifs, ou Evangiles partiels, qu’ils auront diversement traités, abrégés ou développés, suivant leur point de vue personnel, leur but propre, et aussi leurs sources d’information spéciales sur les points particuliers.

Ce doit être la tâche de la critique de chercher à déterminer avec plus de précision la nature et le nombre des travaux antérieurs, supposés par nos Evangiles canoniques. Mais y parviendra-t-elle jamais ?

70. A consulter. — L. C. Filliox, Lntroduction générale aux Evangiles, 1889 ; Th. Calmes, Comment se sont formés les Evangiles ? 1899 ; E. Jacquier, Histoire des livres du A T., t. ii, 4' éd., 1906 ; Camerlynck et Coppieters, Evangeliorum secundum Matthæum, Marcum et Lucam Synopsis, 1908,

IV. Les auteurs de nos Évangiles

Après avoir déterminé l'époque de composition de nos quatre Evangiles, l’authenticité des textes actuels, le rapport des trois Synoptiques entre eux, nous pouvons maintenant aborder la question importante des auteiu-s auxquels nous devons nos documents sacrés.

Pour plus de commodité, nous examinerons la question, en premier lieu, pour les Evangiles attribués à des disciples : saint Marc et saint Luc ; ensuite pour les Evangiles attribués à des apôtres : saint Matthieu et saint Jean.

1. — L’auteur du 11^ Evangile, saint Marc 1. D’après la critique externe

I. Etat du témoignage traditionnel. — A la fin du II* siècle, la croyance est établie dans l’Eglise que notre second Evangile a été composé par saint Marc, disciple de saint Pierre, à Rome.

71. TertuUien. — C’est ce qu’atteste Tkbtullien, à Cartilage : « D’entre les aiiôtres, dit-il en s’adressant à l’hérétique Marcion, Jean et Matthieu nous donnent la foi ; d’entre les disciples, Luc et Marc nous la renouvellent. » Adv. Marcion., IV, 11 (ci-dessus, n" 4).

Clément d’Alexandrie. — Clément d’Alexandrie cite également notre second Evangile sous le nom de Marc, Liher Quis dives salvetur : ' y ; Aduml/rationes ; et r.iconte dans quelles circonstances le discijjle de saint Pierre entreprit de mellre par écrit, pour les fidèles de Rome, la prédication de son maître (cidessus, n° 3).