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ÉVANGILES CANOxXIQUES

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Ce problème a reçu les solutions les plus variées ; on peut dire qu’on a proposé tour à tour, ou à peu ])rès, toutes celles qui se peuvent imaginer. Nous nous bornerons à indiquer les principales d’entre elles, en insistant sur celles qui obtiennent plus généralement faveur aujourd’hui, et nous tâcherons de tirer ensuite les conclusions les plus probables.

II. Diverses solutions proposées. — Les solutions proposées se ramènent à trois. Ou bien les Evangiles dépendent les uns des autres, les auteurs plus récents aj’ant utilisé l’œuvre de leurs devanciers : c’est l’hypothèse delà dépendance mutuelle, ou de l’utilisation réciproque. Ou bien ils dépendent d’une source commune, et cette source elle-même peut être : soit di tradition orale, soit un ou plusieurs c/ocwmen/s écrits primitifs.

32. I I. — Hypothèse d’une dépecdancs mutuelle, ou d’une utilisation réciproque. — Dans cette hypothèse, les évangélisles se sont connus les uns les autres, et les plus récents ont utilisé l’œuvre de leurs devanciers. Les combinaisons possibles sont avi nombre de six, suivant que l’oniilace tel ou tel des Evangiles en premier lieu, et tel ou tel autre en second. Toutes ont été mises en avant. Trois surtout ont rallié des sulTrages autorisés.

i" forme. — L’une fait apparaître les Evangiles dans l’ordre où ils sont rangés présentement dans le Canon : saint Matthieu aurait écrit le premier ; saint Marc se seriiit servi de son Evangile ; saint Luc les aurait eus tous deux entre les mains. L’hypothèse avait été suggérée par saint Augustin, cjui. parlant de saint Marc, observe qu’il senil)le avoir suivi saint Matthieu, « tanquam pedissequus et brevialor ejus » {De consensu evang., i, ii, l^). Elle a été reprise et développée par de nombreux critiques catholiques : HuG, Danko, Patrizi, UE Valroger, AVallox, Schanz, Baguez.

2’forme. — La seconde adopte l’ordre suivant : Matthieu, Luc, Marc. Elle a été proposée par Gries-BACH, Commentatio qua Marci Eyangelium totume Maithæi et l.ucæ commentariis decerptum esse nionstratur, 1789, 1790. Saint Matthieu aurait écrit le premier son Evangile en grec, d’après ses propres souvenirs ; saint Luc aurait utilisé saint Matthieu en le complétant par la tradition orale ; saint Marc aurait fait un extrait de saint Matthieu et de saint Luc, en j’mêlant quelques informations particulières.

3* forme. — La troisième suit l’ordre : Marc, Matthieu, Luc. Elle a été soutenue i)ar Koppe, Marcus non epitomator Maithæi, 1782 ; Storr, L’eber den Zi’eck der e^’angeliscfien Gesciticlite des Johannes, 1786 ; De fontibus E^’angeliorum Mattliæi et J.ucae, 1794. Pour lui, saint Marc aurait mis d’abord par écrit la prédication de saint Pierre ; saint Matthieu et saint Luc, chacun de leur côté, auraient utilisé ce premier Evangile, en le complétant d’après leurs propres informations.

Cette dernière hypothèse est combinée aujourd’hui par un grand nombre de critiques avec l’hypothèse documentaire, comme nous le verrons tout à l’heure.

53. Modifications récentes de la 1" forme. — Divers critiques récents ont renouvelé la première de ces hypotlièses, en lui faisant subir une moditication importante. — Dès le xvi’siècle, Grotius, Annot. in tit. jMattli., avait émis l’idée que saint Marc s’était servi de l’original hébreu de saint Matthieu, cl qu’à son tour le traducteur grec de saint Matthieu s’était servi de saint Marc. Celte combinaison a élc reprise par Th. Zahn, Kinleitung in das.V. T., t. H. 1899. D’après ce critique, Matthieu aurait d’abord écrit son Evangile cnaraméen ; Marc aurait utilisé ce Matthieu

araméen, en l’abrégeant ; à son tour, le traducteur grec de Matthieu se serait inspiré du second Evangile, au i)oint de vue de la forme seulement ; Luc aurait utilisé Marc et des sources secondaires.

La même hypothèse a été adoptée, avec quelques modifications encore, par plusieurs critiques catholiques. — D’après Belser, Einleitung in das ^eue Testament, 1901, Marc dépendrait de Matthieu araméen et de la prédication de saint Pierre ; Luc aurait utilisé Marc, Matthieu araméen et grec, et la tradition orale. — Le P. Bonaccorsi, / tre primi Vangelie la critica letteraria ossia la Questione sinottica, 1904, adopte à peu près le système de Zahn.

— Le P. Calmes, Comment se sont formés les Evangiles, 1899, l’amende d’une façon sérieuse, en supposant que la réaction de Marc sur Matthieu n’a pas eu lieu seulement pour la forme littéraire, mais aussi pour le fond, c’est-à-dire que Marc aurait servi en partie de source pour la composition même de Matthieu canonique. L’hypothèse ainsi complétée se rapi>roche de l’hypothèse documentaire que nous aurons à exposer ci-après.

54. S 2. — Hypothèse d’une dépendanca commune â l’égard de la tradition orale. — Dans cette seconde hypothèse, nos Sjnoptiques auraient pour source commune la tradition orale, ou la catéchèse évangélique, prêchée d’abord par les apôtres, puis par les missionnaires chrétiens. Les apôtres racontaient la vie de Jésus-Christ et répétaient ses principaux enseignements : leur prédication ne tarda pas à se fixer dans un cadre assez uniforme ; à force d’être répétés aux fidèles, les discours du Sauveur, et même le récit de ses œuvres, prirent une forme presque invariable, et en quelque sorte stéréotypée. Missionnaires et catéchistes ne purent mieux faire que de s’assimiler cette prédication apostolique et de la reproduire à leur tour le plus fidèlement, par conséquent le plus uniformément, possible. C’est cette catéchèse qui aurait été utilisée, à des degrés divers et suivant des points de vue différents, par nos trois premiers évangélisles.

L’hypothèse a été énoncée d’abord par Herder, Vom Erlôser der Menschen nach den drei ersten Evangelien, 1796 ; Regel der Zusammenstimmung unserer Evangelien, 1797. Son patron principal a été Gieseler, Historisch-hritiker J’crsuch ùber die Entstehung und die frûhesten Schicksale der schriftlichen Evangelien, 1818. — Elle a été adoptée de nos jours par un grand nombre de critiques : soit prolestants, comme ^YESTcoTT, Godet, Wrigut, Veit ; soit catholiques, connue Kaulex, Cornely,

KXABE.NBAUER, FoUARU, Le CaMUS, FiLLION, ctC.

§ 3. — Hypothèse d’une dépendance commune à l’égard de documents écrits. — Dans cette troisième hypothèse, les raiq>orls constatés entre nos Synoptiques seraient dus à leur utilisation d’un ou de i)lusieurs documents communs.

55. Un Evangile primitif. — D’après les uns, il y aurait eu à l’origine une sorte d’Evangile primitif, qui aurait été utilisé par les auteurs de nos trois j>remiers Evangiles. Mais cette hypothèse même a été soutenue sous des formes assez variées.

In Evangile primitif araméen. — D’après Lessing, Aeue Hypothèse iiber die Evangelisten als bloss menschliche Schriftsteller betrachtct, 1778 (publié, en 1784, dans Theol. Nachlass) la source connnune serait un protévangile araméen. dont nos Synoptiques ne seraient que des extraits, traduits en grec. La même hypothèse paraît avoir été reprise par Ber-TiiOLi), liistor. krit. Einleitung in die Schrifien des A.