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ÉVANGILES CANONIQUES

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Cette dépendance, admise parlvEiM, Hacsrath, Holtz-MANX, surtout Krexkel, Josep/iiis iind I.iikas, 18g/|, a été contestée depuis i)ar les critiques les plus en vue, ScncERER, Harxack, Zaiin.Wellhausex. Cf. V. Stantox, The Gospels as historical Documents, t. II, if)09, p. 263-2’y4 ; E. Jacquier, Hist. des livres du N. T., t. III, 1908, p. 101-108. Salomon Reinach, Orpheas, 6" éd., 1909, p. 3-25, se contente de dire : « Notre Luc atteste la connaissance des.4 « //VyH/7e.s de Josèplie, publiées en yS, ou, du moins, d’une source de cet ouvrage. »

S6. Les allusions à la ruine de Jérusalem. — Le seul événement postérieur aux temps é^angéliques auquel les Synoptiques fassent véritablement allusion est la ruine de Jérusalem, accomplie en l’an’^o. Mais on peut encore se demander si la façon dont ils en parlent oblige à renvoj er leur composition après cet événement accompli, ou si elle ne peut se comprendre de leur part auparavant. L’allusion à la destruction de la ville sainte se présente, dune part, dans le grand discours eschatologicjue. prononcé, la dernière semaine, sur le mont des Oliviers, et reproduit avec des variantes par les trois Synoptiques, Matth., xxiv, 2, 15 sq. ; Marc, x » ii, 2, 14 sq. ; Luc, xxi, 6, 20 sq. ; d’autre part, dans la parabole du festin nuptial, rapportée par saint Matthieu, xxii, i-14, où il est dit que le roi, irrité du mauvais accueil fait à ses envoyés, lance ses armées contre ceux qui les ont mis à mort, les fait périr à leur tour et livre leur ville aux flammes.

Or, de l’aveu des critiques, l’allusion contenue dans le discours eschatologique, tel que le relaient saint Marc et saint Mattliieu, revêt une forme très générale et imprécise, qui se comprend diflicilement sous la plume d’écrivains composant avec le souvenir des faits accomplis. — L’allusion est beaucoup plus netle dans la rédaction du discours faite par saint Luc, et dans le texte delà parabole reproduite par saint Matthieu ; mais il s’agit d’une prédiction du Christ : la précision relative des détails ne peut-elle s’attribuer au Sauveur lui-même, et est-il impossible d’admettre que ses déclarations ait été consignées, sous cette forme autlienti([ue, avant la réalisation du fait ?

S7. La description du monde palestinien. — Si l’on a égard à la description du monde palestinien faite dans les Evangiles, on peut être assuré que nos écrits ont vu le jour à une époque très rapprochée de l’an ^o, sinon antérieure. Cette date de 70 est, en effet, capitale dans l’histoire judéochrétienne dui" siècle : elle marque la séparation entre deux mondes très distincts, entre deux ordres de choses tout à fait dilTérents.

Le monde palestinien, antérieur à 70, était un monde à part, au point de vue politique, social et religieux. La Judée, d’abord gouvernée (4 av. J.-C6 ap. J.-C.) par le roi Archélaiis, fils d’Hérnde le Grand, est ensuite administrée par un procurateur romain, placé sous la défiendance du légat im{)érial de Syrie, tandis que la Galilée obéit à Hérode Anlipas, le télrar([ue vassal de Rome, et à ses successeurs. L’administration romaine laisse une certaine autonomie aux institutions locales ; le sanhédrin juif garde en partie ses attributions judiciaires. C’est une situation extrêmement complexe ([ue créent les rapports des deux pouvoirs, vassal et suzerain ; le mélange même de la civilisation étrangère avec les mœurs héréditaires de la nation juive se traduit en des détails très [>arlicularisés. Surtout, la ville de Jérusalem a une physionomie extrêmement personnelle, si l’on peut ainsi dire, avec ses nombreux monuments profanes et religieux, avec son temple magnilique, reconstruit par Hérode, avec ses grands prêtres si influents, avec ses castes si remuantes de sadducéens, phari siens et scribes, avec sa vie religieuse incomparablement intense autour des parvis sacrés.

Mais voilà que ce monde palestinien, si minutieusement caractérisé, disparait tout d’un coup, en 70. La Palestine est saccagée par les armées romaines ; les cités populeuses sont dévastées ; Jérusalem est, après un long siège, brûlée et détruite de fond en comble ; de ses monuments il r.e reste que des ruines ; de son temple et de sa vie liturgique, plus qu’un souvenir.

Or, il est remarquable que le monde palestinien, reflété en nos Evangiles, n’est pas celui qui succéda à la ruine de Jérusalem, mais bien celui qui précéda la catastrophe. Ce qu’on retrouve dans nos écrits, c’est la situation politique, sociale et religieuse, contemporaine du Sauveur, telle qu’elle a été reconstituée par la critique moderne. Nous y saisissons sur le vif les relations délicates du pouvoir romain et des autorités juives, le conflit des attributions judiciaires du sanhédrin avec celles du procurateur de Rome. Pharisiens, sadducéens et scribes s’agitent bien vivants autour de la personne de Jésus. Jérusalem nous y apparaît avec ses monuments encore debout, avec ses grands prêtres révérés, avec sa vie religieuse en plein exercice.

Un tel état de choses ne se comprend que dans deux hypothèses. Ou bien les rédacteurs évangéliques sont des Palestiniens qui ont connu eux-mêmes la Palestine contemporaine de Jésus ; ou bien, s’ils utilisent des souvenirs, des traditions, des documents se rattachant à la première génération chrétienne, ils ont eux-mêmes composé leur œuvre très peu de temps après cette première génération, à une époque où ils pouA’aient encore avoir des renseignements extrêmement précis et décrire avec une exactitude parfaite un monde aussi compliqué et tout à coup disparu. Il faut, en effet, se souvenir que les anciens n’avaient point le sens archéologique ; les habiletés de l’art moderne leur faisaient totalement défaut pour la reconstitution dupasse. Des évangélisles postérieurs à’yO, et sans attache étroite avec la jiériode antérieure, n’auraient jamais pu s’abstraire suflisamment des conditions de leur temps pour que leurreprésentation du monde ancien n’en fût nulle part influencée. Cela est d’autant plus significatif que le tableau évangélique du monde contemporain de Jésus n’est rien moins qu’intentionnel, mais résulte d’une multitude de traits épars, jetés sans ordre tt sans dessein, au fur et à mesure des circonstances les plus variées.

Dans l’une et l’autre hypothèses, nous devons dé^ clarer la rédaction de nos premiers Evangiles, sinon antérieure à l’an’^o, du moins de très peu postérieure à cette date. ^ ii. ^rgg-- s.,.

28. Conclusion. — L.e qualricme Evangile date des années HO-lOlK — Le témoignage interne des Evangiles s’accorde donc avec le témoignage externe de l’histoire pour reporter d’abord l’époque de la composition de nos documents avant le commencement du il’siècle.

C’est là un point que l’on peut dire reconnu aujourd’hui par l’unanimité des criti(pies, s’il s’agit des trois premiers Evangiles. — En ce qui concerne le quatrième, le plus récent, les critiques actuels s’accordent généralement à donner l’an 125 comme la limite extrême que l’on ne saurait dépasser, quand on veut fixer l’Age de cet écrit, et ils opinent volontiers pour la période 1 00-1 10 comme la plus tardive à laquelle on puisse songer. Des critiques de marque etdes plus indépendants, comme MM. IIarnack, Loisy, etc., vont encore plus loin et estiment que l’ouvrage a vu le jour entre 80 et no, plus probablement entre 90-100. C’est exactement la date que lui a toujours