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EUCHARISTIQUE

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mages, l’Eucharislie. C’est le cas pour S. XiciUmiore, S. Théodore Studite, Pierre le Siciliex. A leur suite viennent Thkophylacte, Samonas de Gaza, Euthy-Mius ZiGABiîXus, et bien d’autres. (Voir Jlgie, l.’épiclèse et le moi antitype de la messe de S, Basile, dans Echos d’Orient, t. IX, 1906, p. igS-igS.)

Cependant ni Photius, ni Michel Cérulaire n’avaient songé à signaler ce point comme divergence entre les deux Eglises (Hergexuoether, Photius, t. III, p. 601, 769). D’ailleurs, outre que nombre d’écrivains byzantins se contentent d’attribuer la consécration au S. -Esprit sans dire si elle s’oiière au prononcé des paroles de l’institution ou à l’épiclèse, on trouverait facilement plusieurs textes où cette attribution au S. -Esprit va de pair, comme chez les anciens docteurs, avec la croyance à l’efficacité consécratrice des paroles de J.-C. C’est le cas, au xii’siècle, pour Théodore d’Axdida (P. G., CXL. /^i" » 456), pour le commentaire liturgique communément mis sous le nom de S. Germain (P. G., XCVIII, 433), au xiv" siècle, pour Théodore DE Mélitène(/*. G., GXLIX, 948, 907, 961). De plus, l’Eglise syrienne ne semble pas avoir subi l’influence du Damascène, puisque Jean de Dara, au ix* siècle (Comm. in cap. Il eccl. hierarch., dans Opéra S. Ephreni syr.-lat., ad calcem, t. II, p.31), et DenysBarSalibi au xii’(Expos. Liturg., éd. Labourt, Paris, 1903, p. 62, 61, 78, 80, 82), demeurent très explicitement iidèles à la tradition représentée par S. Jean Clirjsostome et Sévère d’Antioche.

4° A partir du xiv’siècle, la controverse avec les Latins amène les Grecs et, à leur suite, quelques autres Orientaux, à poser leur théorie de l’épiclèse en divergence dogmatique entre leur Eglise et l’Eglise romaine.

La question de l’épiclèse ne fut pas soulevée au concile de Lj’on (1274). On ne dut commencer à l’agiter qu’au commencement du xiv’siècle, et il semble bien que l’initiative de la controverse doive être attribuée à certains Latins séjournant en Orient. C’est à ceux-ci que Nicolas Cabasilas (-j- vers 1363) et SiMÉoN de Thessalonique répondent en rééditant la théorie damascènienne et en ne reconnaissant aux paroles de J.-C. que la valeur d’un simple récit (P. G., CL, 429 seq. ; CLV, 297, 782 seq., 95 1). Au concile de Florence, on demanda aux Grecs de s’expliquer sur l’épiclèse. Cette demande embarrassa les Orientaux, qui, raconte l’historien grec Dorothée, avaient décidé de ne pas soulever cette question parce qu’ils n’avaient pas sur ce point des idées bien claires (Mansi, t. XXII, col. 1012). Sans nier l’efficacité des paroles de J.-C, ils inclinaient à la théorie damascènienne. Au cours des discussions, Isidore dk Kiev défendit cette théorie, tandis que Jean de Torc^iemada exposa les bases traditionnelles de la doctrine occidentale. Mais le 5 juillet 1489, Bessarion déclara au nom des Giiecs ([u’ils se ralliaient à la doctrine de leur grand docteur S. Jean Clirysostome et reconnaissaient aux paroles de J.-C. toute la vertu de la transsubstantiation. Si ce point ne fut pas inséré au décret d’union, ce fut — et cela sur la demande des évêques grecs — pour ne pas inlliger à l’Eglise orientale le déshonneur de faire supposer qu’elle avait professé jusqu’alors une croyance contraire. Mais Eugène IV l’inséra un peu plus tard dans la lettre aux Arméniens (IIkiele, Hist. des conc, trad. Delarc. t. XI, p. 451 seq.). Marc Eu-GENicrs, d’Ephèse, le fougueux adversaire de l’union, publia [)eu après le concile un petit traité où il reprend contre les Latins la thèse de Cabasilas, d’une manière plus exclusive encore (P. G., CLX, 1080 seq.).

Telle est aussi la doctrine exprimée par Jérémie II, Gabriel de Philadelphie, la confession de Dosithée et de MoGHiLA, le synode de Jérusaleui (1672). la réponse patriarcale et synodale de l’Eglise de Cons tantinople à l’Encyclique de Léon XIII en 1896’. (Voir les textes dans Riley Gummey, op. cit., p. 822 seq.)

Cependant, en Russie, la métropole de Kiev a professé jusqu’au xviii’siècle la doctrine de la consécration par les paroles de J.-C. Cette doctrine eut de même ses défenseurs en Moscovie. L’opinion grecque, longtemps combattue très vivement, ne triompha que grâce à l’influence des deux frères grecs Liiciior-DÈs et à la condamnation portée par le patriarche de Moscou, JovcniM, en 1690, puis par son successeur Adrien. C’est ce dernier qui inséra la doctrine grecque dans la formule du serment que doivent prêter les évêques russes le jour de leur sacre (G. Mirkovitcii, Du moment de la consécration (en russe), Vilna, 1886)2.

Chez les autres Orientaux, la controverse n’a pas été aussi vive. Les Arméniens grégoriens adoptent de nos jours l’opinion grecque. Cette opinion, professée peut-être alors par quelques Arméniens, fut formellement rejetée par le synotle de Sis, en 1 342 (Heiele, op. cit., t. IX, p. 556 ; Denz., 544 | 1820-1]). Au xviii’et au xix siècle, plusieurs tentatives furent faites pour inculquer cette erreur aux Melkites. Mais Benoit XIII s’empressa de prohiber une telle doctrine, et Pie VII renouvela très sévèrement cette défense (Collectio Lacensis, t. II, col. 439-4 40, 55 1). _’n sj’uode ruthène et un synode maronite ont formulé sur ce point, en 1720 et 1786, la doctrine catholique (ibid., col. 30, 196-7). Deux conciles plus récents ont fait de même pour les Melkites et les Syriens unis.

5" En Occident, où, comme on l’a vii, la tradition de la consécration par les paroles de JV.-S. s’est maintenue sans altération durant tout le moyen âge, quelques théologiens catholiques, à partir du nyi" siècle, ont soutenu, relativement à l’e/Jicacité de l’épiclèse pour la consécration, une opinion se rapprochant plus ou moins de la doctrine grecque.

Pour Catharin et Christophe de Ciiefeontaines, la forme de l’Eucharistie est l’épiclèse, conditionnée par les paroles de J.-C. Dans la messe latine, cette épiclèse est l’oraison Quam oblationem, qui précède le récit de l’institution. Pour Lebrin, Touttée, Renau-DOT, la forme de l’Eucharistie est bien dans les paroles de N.-S., qui sont cause efriciente ; mais leur efficacité est conditionnée par l’épiclèse, qui est cause inipétratoire. On range souvent, à tort, Lequien et Com-BEi-is parmi les partisans de cette opinion. En réalité, Lequien, Combefis et Hoppe, tout en reconnaissant comme forme les paroles de J.-C, attribuent à l’épiclèse et, en général, aux prières du canon, une sorte de nécessité liturgique. Au xix* siècle, Schell n"a pas craint d’avancer qu’il y avait deux formes pour le sacrement de l’Eucharistie : dans la liturgie latine, les paroles de rinslilution ; dans les liturgies orientales, l’épiclèse (Schell. Kath. Dogmaiik, i. III, Paderborn, 1893, p. 539). Enfin Raischen. op. cit., p. 100, trad. Decker cl Ricard, p. 124, a émis l’opinion suivante : dans les liturgies orientales, ou bien l’épiclèse doit disparaître, ou bien la consécration n’est achevée fiu’a[)rès cette formule. Mais cette opinion nous paraît inadmissible ; car, d’une part, elle condamne un fait liturgique authentiquement attesté ;

1. A la fin du xvii" siècle, la théorie de Cabiisilas était ciuore loin d’être générale chez les Cirées, puisque plusieurs synodes, dans les professions de foi forinidées contre les protestants, partagent encore la croyance catholique ; Ainsi en est-il de hi piofession de foi de Païsiosde Claza, en 166(>, de celles du synode de Cliyprc en 16C8, de Chio en 1()7’2, d’Antioche en 16<18, 1(571, l(175.

2. PiEURK MoGuu.A, métropolite de Kiev, et ses disciples enseignaient la doctrine catholique de la consécration