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EUCHARISTIQUE

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logie et l’apologétique. C’est l’hypothèse de DomCv-GiN dans un Mémoire sur le tlièine apostolique de Vanaphore, encore manuscrit, mais dont les grandes lignes ont été indiquées par Dom Socben, Le canon primitif de la messe, dans les Questions ecclésiastiques, avril 190g. Seulement, d’après Flnk, qui a étudié de près la question (Z’fti- Testament uns. Ilerrn und dieervandten Schriften, Mayence, 1901, p. i^’Jlôo), la Constitution égyptienne est postérieure aux Constitutions apostoliques, leàqnelles, on le sait, possèdent l’épiclèse explicite à double membre. Si l’on admet, comme y inclinent plusieurs auteurs, que la liturgie dé ce dernier recueil, appelée liturgie clémentine parce qu’elle est censée transmise par S. Clément de Rome, représente en somme la liturgie la plus voisine des temps apostoliques, il semble ditlicile de ne pas tenir l’épiclèse proprement dite pour une pièce tout à fait primitive. Pour souligner ce qu’il y a encore d’hypothétique dans ce problème d’histoire liturgicjue, je tiens à noter ici qu’un des derniers auteurs qui aient traité e.r professa ce sujet (Varaixe, L’Epiclèse eucharistique, Briguais, igso), pense, contrairement à l’opinion vers laquelle j’incline, que répiclèse n’est pas primitive et qu’il n’y eut jamais d’épiclèse dans la messe romaine. Ses argviments ne me paraissent pas convaincants, mais il Caul reconnaître qu’il y a des didicultés de part et d’autre.

Sans prétendre trancher cette délicate question d’origine, on peut trouver à l’épiclèse certains fondements scripturaiies. Ainsi, Ilebr., ix, 14, où l’auteur inspiré semble faire allusion à l’intervention du S. Esprit dans le sacriiice du Christ, contrastant de ce chef avec les sacriticcs mosaïques. (Comparer, dans les prières du missel romain avant la communion <lu prêtre, l’expression : Qui voluniate Patris. coopérante Spiritu Sancto, pcr mortem tuam mundum s’ii’ificasti. ) Ainsi encore, le discours après la cène (Joan., xiv-xvii), outre qu’il accentue très nettement l’activité générale du S. -Esprit à côté de celle du Père et du Fils dans la nouvelle économie du salut, nous semble, pour ainsi dire, situer spécialement son intervention dans le mystère eucharistique par rapport à la série des actes qui concourent à ce mystère. Ainsi enlin, le récit évangélique de la conception surnaturelle de Jésus en Marie de Spiritu Sancto {Matth., 1, 18-20 ; Luc, 1, 35) constitue un fondement scripturaire de 1 épiclèse en vertu d’un raisonnement. tli(’ologique, c’est-à-dire à raison de l’analogie entre l’incarnation et la transsubstantiation, attribuées l’une et l’autre par apiiroprialion au S. -Esprit, au Verbe par qviclfjues anciens Pères et quelques liturgies. Disons dès maintenant que cette analogie est, au demeurant, la meilleure explication de l’épiclèse. Remarquons aussi tout de suite qu’autre chose est d’admettre l’épiclèse comme universelle ou même primitive, autre chose de lui reconnaître une valeur essentielle pour la consécration. Toute la question est là. Elle ne peut être tranchée que par la tradition patristique qui est, dans l’espèce, la plus sûre interprète de la liturgie. Car, primitive ou non, l’épiclèse n’en est pas moins, à une éi)0(pie donnée, un fait liturgique et, partant, une ditliculté dont il faut demander à l’ancienne littérature ecclésiasticpie une solution autorisée.

IV. Données de la tradition ecclésiastique. —

1" 1.(1 plupart des textes des trois premiers sii’rles, et plusieurs encore aux siècles suis’anls, parlent de la prière consécratoire en général, c’est-à-dire de ce que nous appelons aujourd’hui le canon. C’est certainement le sens qu’il faut donner aux termes de prière, invocation Q7 : t/.yr, 71 :), supplication, et autres sembla bles, où l’on aurait tort de voir l’épiclèse proprement dite. Cependant un hon nombre de ces textes indiquent déjà le râle prépondérant des paroles de J.-C. et leur efficacité propre.

Pour S. JcsTiN (I Ap. XIII et lxv-lxvi), ce qui « eucharistie )’ou transforme le pain et le viii, c’est « la formule de prière et d’action de grâces y, mais c’est aussi « la formule de prière (ou : la parole-prière) qui vient du Christ ». Pour S. Iri’ : née (Contra hær., i, XIII, 2 : IV, xviii, 4 ; V, H, 3), c’est « l’invocation de Dieu (rr.j kT.i/.y-r.zi-j TîO Qîc->), la formule de l’invocation » (riv /c/cv -zii îrtz/yiTîw ;), mais c’est aussi « la parole de Dieu ». Pour Eirmiliex de Cksarée (inter epist. Cypriani, ep. lxxv, 10), c’est « l’invocation auguste ». Pour Origèxe (In jLatth., hom. xi, 14 ; Contra Cels., VIll, 33), et S.GrégoiredeNvsse(0/’. ca^ec/ ;., xxxvii), c’est « la prière, la prière faite sur le pain et qui le sanetiiie », mais c’est aussi « la parole de Dieu et l’invocation », ou simplement <> la parole de Dieu dite sur le pain ». Pour EusiiBE (De laud. Constant., xvi, circalin., A G., XX, 14, 25), ce sont « les prières et la mystérieuse 550/s/(a « ; pour S. Athanase (Serm. ad baptiz., cilédans P. G., LXXXYl, 2^01), « les grandes et admirables prières et les saintes supplications qui font descendre le A’^erbe ». PourS. Ambroise (/>e/î’f/e, IV, X, 154 ; De niyst., ix, 50-54), c’est « le mystère de la prière sacrée, la bénédiction divine ». mais c’est aussi, et d’une manière très précise, « la bénédiction du Christ et la consécration par les paroles du Christ ». Ainsi ces expressions de prière, i/n’ocation désignent habituellement le canon de la messe, sans autre précision ; mais plusieurs d’entre elles désignent les paroles de X. -S., toujours supposées comme formule centrale. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre S. Cyrille de Jérusalem et S. Basile, deux Pères cpie l’on oppose souvent, à tort, crojons-nous, à la thèse catholique. Le premier, tout en signalant l’invocation du S. -Esprit et en attribuant à la troisième personne divine la transsubstantiation, n’entend pas fixer le moment précis du mystère à l’épiclèse proprement dite. Pour lui, le temps de la consécration va de la iin du Sanctusk la lin de l’épiclèse, et toute cette partie de la liturgie répond au nom général d’ « invocation (- : -t/î// ; 71ç) de ia sainte et I adorable Trinité ». Catecli. xxiii, 7 ; xix, 7 ; xxi, 3. Le second, S. Basile, cxprimeuneidéeanalogue quand il appelle « paroles de l’invocation » (rie zi- - : r(//y ; 7-o)ç r/r, ijy-c/) les prières que la tradition a insérées dans le rite eucharistique, ayant et après le récit évangélique de l’institution. De Spir. S., xxvii.

2" A partir de la seconde moitié du iiv" siècle, nous constatons que la consécration est attribuée à la fois à J.-C. et au S.-Esprit, et les attestations de l’épiclèse

! proprement dite commencent. Mais des affirmations

très catégoriques, tant en Orient qu’en Occident, surtout à partir du iv* siècle, indiquent que ce sont les paroles de l’institution qui jouent le rôle de forme, et non pas l épiclèse.

L’attribution au S. -Esprit paraît dans la Didascalie, VI, XXI, 2 ; XXII, 2. Elle est aussi dans la pensée de S. Cyprien (Epist. Lxv, 4)- Ce dernier ne laisse pas cependant d’allirmer que le prêtre tient à l’autel la place du Christ souverain prêtre, dont il reproduit les gestes augustes (^/>. lxiii, 10. 14). Au iv" siècle. S. GuÉc.oiRK DE Xysse trausuict l’une et l’autre allirmalion, mais en précisant la seconde : car il seud)le bien attribuer aux paroles de J.-C. l’opération instantanée de la consécration (P. G., XLV, 90-97 ; XLVI. 582, 805). S. Grégoire de Nazianzk (£'/>. clxxi) entend sans doute aussi designer ces dernières quand il signale la parole qui attire le Verbesur l’autel et qui. comme un glaive, sépare le corps et le sang du