Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/800

Cette page n’a pas encore été corrigée

1583

EUCHARISTIE

1584

cium quod offerimus. C’est dans cette relation de l’Eucharistie à la croix que consiste l’essence du sacrifice eucharistique ; et si on veut préciser son caractère représentatif, on le trouve très nettement marqué dans les paroles de l’institution : « Ceci est mon corps livré pour vous)>, « ceci est mon sang répandu pour vous, le sang de l’alliance «.

C. — La place de l’Eucharistie

dans le christianisme

La dernière objection d’A. Réville, dans le passage cité plus haut (col. lo^g) se prenait de la prétendue « inutilité î de l’Eiuharistie. Depuis le xvi° siècle, les controversistes protestants ont bien des fois répété cet argvuiient : la foi seule peut nous unir au Clirist ; la chair ne sert de rien. Cette objection a déjà été résolue ci-dessus (col. 1561), en tant qu’elle prétend s’appuyer sur Joan., vi, 63. Mais comme elle part de prémisses plus générales et dépend de toute une conception du christianisme, il importe, pour l’écarter délinitivement, de considérer le mystère de l’eucharistie, tel qu’il se présente dans la synthèse de la doctrine catholique. Cette considération pourra servir aussi à corriger ou à compléter ce qu’il y a souvent d’étroit ou d’imparfait dans la conception que des catholiques eux-mêmes se forment de l’eucharistie. Au reste, nous n’aurons guère ici qu’à reprendre et à coordonner ce qui a déjà été exposé ci-dessus d’après TEcrilure et les Pères, et nous le ferons, autant que possible, en reproduisant leurs propres paroles.

Notre-Seignevir lui-même, dans le discours rapporté par saint Jean, a marqué le lien étroit qui unit l’Eucharistie à l’Incarnation : descendu du ciel pour donner la vie au monde, le Christ se donne comme pain de vie à tous les chrétiens ; et ceux qui ne le mangent pas ne peuA-ent ni vivre ni ressusciter. Si l’on tient pour superflue cette union physique, si on lui préfère la seule union par la foi, il faut aller jusqu’au bout, regarder l’Incarnation comme superflue, et. repoussant la médiation du Verbe fait chair, appréhender immédiatement la divinité parla foi seule. QuiconquencACut pas ainsi renier le Christ, cjuiconque confesse que nul liomme ne peut s’unir à Dieu sinon en s’unissant au Fils de Dieu incarné, ne peut pas plus répudier l’Eucharistie que l’Incarnation, puisque c’est par l’Eucharistie que le bienfait de l’Incarnation est appliqué à chaque fidèle. La nature humaine, blessée à mort par le péché, n’a pu être vivifiée qu’en prenant contact avec la divinité, dans l’unité de la personne du Christ ; mais cette vivification collective de l’humanité ne s’achève que par la vivification individuelle de chaque homme ; il faut que notre corps mortel prenne contact avec la chair vivifiante du Christ, afin que, selon l’expression des Pères, ce ferment divin fasse lever la masse ; sans cette union-là, nous n’avons pas la A’ie en nous et nous ne serons pas ressuscites au dernier jour. Cette parole du Christ a été prise à la lettre par ses interprètes les plus autorisés, depuis S. Ignace d’Antioche jusqu’à S. Cyrille d’Alexandrie, en passant par S. Irénée. S. Grégoire de Nysse, S. Jean Chrysostome. Nous ne pensons pas avoir le droit do lui prêter un autre sens (cf. ci-dessus, col. 1578. sur la nécessité de l’Eucharistie).

De plus, l’union des clirétiens au Christ n’est pas seulement une union individuelle, mais aussi une union sociale : ils forment un seul corps, l’Eglise ; mais cette unité n’est assuréequepar la participation à un même pain eucharistique. Comme les grains de blé épars se ramassent dans l’unité d’un seul

pain, ainsi les fidèles sont unis entre eux dans l’unité du corps du Christ. Ils deviennent « concorporels ».

« consanguins » au Christ ; d’un mot, ils deviennent

ce qu’ils reçoivent. le corps du Christ, et étant le corps du Christ, ils sont animés par l’Esprit du Christ.

Mais ce corps est une victime : de même que le Christ ne s’est incarné que pour nous sauver, il ne se donne à nous dans l’Eucharistie que pour nous appliquer les fruits de sa mort. C’est donc par l’Euciiarislie que nous participons à la passion : la nouvelle alliance a été célébrée, nous n’en jouissons que si nous recevons le sang qui la consacre ; la victime unique a été ofïerte à Dieu, nous ne communions à son sacrifice qu’en mangeant sa chair et en buvant son sang.

Et puisque, comme il a été dit plus haut, le Christ nous assimile à lui-même dans l’unité de son corps, c’est chacun de nous, c’est l’Eglise entière qui avec lui s’ofTre en sacrifice.

On voit ainsi comment l’Eucharistie a, dans l’économie de notre salut, un rôle unique et suprême : c’est elle en cfTet qui achève l’œuvre de l’Incarnation et de la Rédemption ; par elle, Jésus-Christ s’unit à chacun des hommes dont son Incarnation l’a fait le frère, et il applique à cliacun d’eux les fruits de la mort qu’il a sul)ie pour lui ; par elle, il récapitule en lui riiumanité tout entière, l’anime par sa vie, l’unit dans son corps, la consacre en l’offrant avec lui à son Père.

Bibliographie. — On a indiqué au cours de cet article les monographies où sont traitées plus particulièrement les diverses questions. Pour n’en pas reprendre ici la liste, on se contentera d’indiquer les ouvrages d’ensemble et seulement les plus importants.

Pour l’institution de l’Eucharistie, et la doctrine duN.T., V. W. Berning, />/e Einselzung der heiligen Eucharistie (Miinster, 1901) ; P. Batilfol, Etudes d’histoire et de théologie positive, 2° série, L’Eucharistie (3’éd. [Paris, 1906], p. 3-ioi, c’est à cette édition que sont faits les i-envois, sauf indication contraire ; 4’éd. [non encore parue], p. 1-160) ; G. Ravischen, L’Eucliaristie et la Pénitence durant les six premiers siècles de l’Eglise (Paris, igio), p. 50-60. — Les attaques les plus récentes contre l’institution sont celles de J. Réville, Les origines de l’eucharistie (Paris, 1908), et de M. Goguel, L’Eucharistie des origines à Justin Martyr (Paris, 1910).

Pourl’histoiredela doctrine eucharistique etl’exposé de l’argument de tradition, on consultera toujours avec fruit La perpétuité de la foi (Paris, 1670171.") et 1841). Parmi les ouvrages contemporains, il faut citer surtout A. Struckmann, L)ie Gegenwart Christi inderhl. Eucharistie nach den schriftlichen Quellen der yornizanischen Ze/V (Wien, 1906) ; du même. Die Eucharistielehre des hl. Cyrill von Alexandrien (Paderborn, 1910) ; F. S. Renz, Die Geschichte des Messopfer-Iiegriffs oder der alte Glaube und die neuen Theorien liber dus ff’esen des unblutigen Opfcrs (2 vol., Freising, 1901-1902 ; ainsi que le titre l’indique, ce livre est une thèse autant qu’une histoire (cf. supra, col. 1566 et 1578) ; mais on y trouve réunis des matériaux en très grand nombre) ; P. BatifTol, L’Eucharistie. — En dehors des historiens catholiques, on peut consulter E. B. Pusej-, The doctrine of the real présence, as contained in the Fathers from the death of S. John the Evangelist to the fourth gênerai coujicil (0-s.(or(, 1855 ; plaidoyer très érudit pour