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ANIMISME

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monde. Parmi ces esprits suljalternes se trouvent les âmes des ancêtres. C’est donc aux ancêtres qu’il importe de rendre un culte pour se les rendre favorables. L’adoration de ces esprits très nombreux a plus ou moins absorbé l’attention du sauvage, qui ne trouve plus le loisir, ni le motif de vénérer l’Etre supérieur auquel, pourtant, il croit. D’ailleurs, autant les esprits sont malveillants, autant le Dieu suprême est bon, favorable au genre humain. Partant, il est inutile de l’apaiser, de réclamer une bienveillance dont on peut se tenir assuré. (Cf. Borchert, Der Animismus, cap. 6. Geisterglaube, 168-170. Wilson, Westafrica. Leipzig, 1868. P. 1 54. Schneider, TV a < « /yôlker, t. 33, p. 41-46. IL 404-)

3) De ce que nous venons de dire on a pu déjà conclure que le fétichisme n’apparaît pas avi début, mais à la lin du déA-eloppenient religieux. L'élément primitif de la Religion est la croyance en Dieu. Le fétichisme a, comme dit Max Millier, toute une série « d’antécédents », sans lesquels il ne se conçoit pas. « Si un petit enfant nous présentait son chat et nous disait que c’est un vertébré, nous nous demanderions avec étonnement où il a entendu prononcer ce nom. Quand un adorateur de fétiches nous présente une pierre, et nous dit que c’est un dieu, notre première question doit naturellement être celle-ci : Où avez-vous trouvé ce nom de Dieu, et qu’entendez-vous par là? » (Max Mueller, Ursprung und Entwicklung der Jieligion, p. 254, ff-)

Il faut se garder de prendre pour fétiches tous les objets que les nègres conservent et traitent avec respect. On ne peut juger sûrement s’il s’agit d’un fétiche qu’après de longues observations. On voit parfois des anthropologistes et des ethnographes citer comme fétichistes des peuples qui ne savent ce que c’est qu’un fétiche. A ce compte, bien des personnes civilisées peuvent être considéi'ées comme fétichistes. Que penser des objets conservés avec respect dans les musées et les collections, des drapeaux, des armes et des canons pris sur l’ennemi et religieusement gardés comme des trophées ? Quant aux pierres sacrées, ce ne sont pas nécessairement des fétiches. Elles peuvent marquer la place d’un ancien sanctuaire, d’un champ de bataille, le tombeau d’un roi, ou la frontière de deux tribus.

4) Il y a une différence entre le fétichisme et l’idolâtrie, et Tylor a raison de dire qu'à l’origine les idoles n'étaient pas conçues comme des êtres vivants ou comme agissant, que ce furent à l’origine des symboles, confondus plus tard avec l'être symbolisé. Par où l’on voit que l’idolâtrie suppose une connaissance préalable de la divinité.

4° Critique de la théorie animiste des sacrifices. — i) Aussi loin qu’on puisse remonter dans l’histoire, on trouve de tout temps, chez tous les peuples, le sacrifice en vigueur, conjointement avec la religion, mais ni à l’une ni à l’autre on ne peut assigner une origine historiquement établie. Les plus anciens sacrifices connus dans l’histoire ont tous le caractère religieux. C’est le cas même pour les repas des morts, que les animistes présentent commme le commencement des sacrifices. Les faits qu’ils allèguent ne peuvent pas être récusés ; mais « il faudrait prouver, dit Borchert, que cette forme de sacrifice est la plus ancienne, et qu’elle ne renferme aucune pensée fondamentale de religion. Les repas et les sacrifices sont dans un rapport très étroit parce qu’en prenant les repas, on i-emerciait et on vénérait les dieux, et on leur offrait un don. C'était la coutxmie chez les Grecs et les Romains de prier les dieux avant et après les repas. De même que le culte des ancêtres suppose l’idée de dieu, de même les offrandes alimentaires supposent la notion de sacrifice. Le sacri fice n’est pas plus un produit de ce culte que les dieux eux-mêmes. Les dieux sont antérieurs au culte des ancêtres et des esprits ; le sacrifice est antérieur aux repas des morts, y (Borchert, Der Animismus, p. 189.)

2) Sans doute, comme le dit Tylor, le sacrifice est un « présent », il y a dans tous les sacrifices l’idée de don, puisqu’il y a aliénation d’un objet qu’on abandonne à la divinité, mais cette notion est incomplète : il n’est pas exact de ne voir à l’origine du sacrifice qu’un présent pur et simple, sans but et sans intention de la part du sacrificateur. L’homme qui fait un don à la divinité, a pour agir un motif. Quel est ce motif ? « En recherchant quelle idée se font de la divinité l’ensemble de tous les peuples, dit Borchert, nous avons constaté que l’humanité tout entière a toujours cru en un Dieu auteur du monde. L’homme se reconnaît, avec tout ce qu’il est et ce qu’il a, dépendant de Dieu : de là découle pour lui le devoir de manifester sa dépendance AÎs-à-vis de la majesté divine par des actes d’adoration. C’est par le sacrifice qu’il s’en acquitte le mieux. Quand un homme présente un don à la divinité, c’est avant tout dans l’intention de lui exprimer l’hommage de son entière dépendance. Il est absurde de soutenir que l’homme offre à Dieu, qu’il sait auteur et maître du monde, un présent selon la simple et habituelle acception du mot. » (Borchert, Der Animismus. p. 189.) A ce but jjrincipal s’ajoutent d’autres intentions secondaires telles que : action de grâces, prière de demande, expiation.

Il n’est pas étonnant que les peuples sauvages sacrifient en l’honneur des âmes, des mânes et des esprits, considérés comme investis de pouvoir sm* le gouvernement du monde et la direction de la destinée humaine. (Borchert, Der yinimisjuus, p. 189.)

3) A la définition que Tylor donne du sacrifice, il manque un élément : la destruction du don est nécessaire au sacrifice. Les présents sacrés qui ne subissent aucun changement ne sont pas des sacrifices au sens vrai du mot. Le sacrifice du don est un symbole. Le sacrificateur se substitue à lui-même, pour l’offrir à Dieu, un objet qui est sa propriété, quelque chose de lui. L’offrande prend la place du sacrificateur. (Cf. ScuopFER ScHAXZ, Der Opferhegriff, p. 209.)

« Le changement du don, par exeniple l’anéantissement, symbolise l’abandon complet du sacrificateur

à la divinité. Dans les lil » ations on atteint ce but en répandant le liquide ; il semble que l’homme se soit répandu devant la divinité. La mise à mort d’une victime signifie le don de la vie du sacrificateur. La combustion exprime l’emploi complet de ses forces au service de la divinité. La bonne odeur qui s'échappe de la combustion, symbolise à la fois le parfum spirituel du sacrificateur et le plaisir que Dieu prend au sacrifice. L’expression biblique « un sacrifice d’agréable odeur au Seigneiu- » est anthropomorphique. Il faut l’entendre dans le sens d’une gracieuse accej) talion du sacrifice. » (Borchert, Der Animismus, p. 192.)

L’effusion du sang, soit des animaux, soit de l’homme, n’a pas pour but de procurer aux dieux une jouissance sensible, comme le veut Lippert. Le sang symbolise la vie ; l’effusion du sang signifie l’abandon de la vie fait à divinité. Et les sacrifices sanglants sont en premier lieu des sacrifices d’expiation.

Les motifs invoqués par Lippert pour expliquer les sacrifices humains et le cannibalisme, sont fantaisistes. D’après le témoignage de Tliistoire, le sacrifice « par substitution » fut considéré comme insuffisant ; et on remplaça le symbole par la réalité, on immola l’homme lui-même à la divinité. « Les sacrifices