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EUCHARISTIE

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substantiation de toutes les transformations naturelles : dans celles-ci, il n’y a pas changement de toute la sul)stance d’un corps en toute la substance <l"un autre, mais seulement changement de forme substantielle, la matière étant le sujet de cette transformation ; l’agent secondaire, qui opère ce changement, ne peut atteindre plus profondément ; et encore n’est-ce que par une série de transformations accidentelles qu’il provoque et produit cette transformation substantielle. Par la transsubstantiation, au contraire, Dieu atteint immédiatement la substance et il l’atteint tout entière ; parce qu’elle dépend totalement de son action créatrice, elle peut être totalement convertie par lui.

Si l’on comprend cette ditTérence essentielle qui distingue, à son origine, la transsubstantiation de toutes les transformations naturelles, on la reconnaîtra aussi dans son terme. La substance du pain ne s’additionne pas au corps du Christ, n’entre pas en composition avec lui, elle est transsubstantiée en lui. C’est ici surtout qu’on constate combien l’analogie de l’assimilation vitale est décevante : le pain que nous nous assimilons par la nutrition accroît notre corps et répare ses perles : c’est que la matière que notre àme saisit en l’informant n’a pas été changée , « n la matière de notre corps, mais s’additionne à elle. Si, au contraire, selon la définition de Trente, toute la substance du pain est changée en toute la substance du corps du Christ, rien de pareil ne se produit : il n’y a point addition, mais conversion. i)’<)ù cette conséquence, que le corps du Christ n’éprouve aucun changement du fait des transsubstantiations dont il est le terme.

De plus, puisque l’action divine n affecte pas les accidents du pain, mais immédiatement et uniquement la substance, la conversion qu’elle opère appartient tout entière, par son terme comme par son principe, à l’ordre des substances et non pas à l’ordre des accidents. Sans doute, le Christ est tout entier dans l’hostie, corps, àme et divinité ; il y garde donc tous les accidents sensibles qui lui sont naturels ; cependant, s’il se trouve là, c’est en Aertu de l’action qui a changé en son corps la substance du pain ; cette action n’a donc pour terme immédiat que la substance, tout le reste n’y est que par concomitance naturelle. Il faut donc concevoir la présence du Christ à la façon dont on conçoit la présence d’une sulistance ; et, puisque la substance même corporelle n’appartient pas à l’ordre sensible, qu’elle est objet <le l’esprit, non de l’imagination ni des sens, elle est par elle-même inéteiulue ; il est aussi inexact de se la représenter comme ramassée en un i)t)int que de se l’imaginer comme diffuse et répandue dans un espace ; si elle est situéedans le lieu, c’est par les dimensions sensibles qui sont les siennes. Avant la transsubstantiation, la substance du pain est localisée par ses accidents propres ; api-ès la conversion, le corps dvi Ciirist, auquel le corps du i)ain a été changé, est présent dans le lieu qu’occupait le pain par le fait même <pi’il se trouve contenu sous les dimensions du pain ; mais, parce que ces diuiensions ne sont pas les siennes, il n’est pas mesuré par le lieu qu’elles circonscrivent, il ne s’y trouve pas localement.

On conclura de cette analyse qu’il faut écarter toutes les objections qui procèdent des imaginations spatiales : le corps ilu (>hrist, dit-on, sera éloigné de lui-même, il sera [)lus petit qu’il n’est naturelhMuent, ses dimensions seront multipliées autant de fois que sa présence, etc. Toutes ces objections méconnaissenl la position véritable de la doctrine calholique : If Christ est rendu présent daiis l’eucharistie non par une translation locale, non par une j)r(jduction naturelle, mais par une transsubstantiation ; et, parce

que cette action est transcendante à l’ordre sensible, la présence qui en est le terme n’implique rien qui puisse être perçu par les sens ni imaginé ni mesuré.

En imposant à l’esprit cette vérité par la définition de la transsubstantiation, l’Eglise l’engage dans la seule voie ouverte à l’intelligence du mystère eucharistique. On l’a montré en effet par divers arguments (S.Thomas, III'>. q. ~b, 2 ; cf. Billot, Z>e Eucliaristia ^, p. /|o6 sqq. ; en partant d autres prémisses, Schell, Dogmat. Tlieol., 111, p. 628, est arrivé à la même conclusion), la présence réelle ne peut se concevoir sans la transsubstantiation. Ce qui a été dit ci-dessus suffit, pensons-nous, à le faire comprendre ; la transsubstantiation seule, c’est-à-dire, d’une part, la conversion de toute la substance du pain en toute la substance du corps du Christ, et, d’autre part, la permanence des accidents sensibles du pain, nous permet d’aflirmer que le corps du Christ est réellenient présent dans l’hostie, ainsi que lui-même nous l’enseigne, et que cependant il n’est aucunement changé par toutes les transsubstantiations dont il est le terme, et qu’il ne reçoit, du fait de ces présences multiples, ni dimensions nouvelles ni relations spatiales nouvelles. Ouand le Verbe, à l’Incarnation, s’est uni réellement la nature humaine, il n’a éprouvé ni changement ni altération ; ainsi en est-il du corps du Christ, quand il devient présent dans l’hostie ; il est là parce que la substance du pain a été intégralement changée en lui, et que, maintenant, les accidents sensibles du pain déternnnent sa présence dans le lieu que le pain occupait ; quand ces accidents sont détruits, la présence cesse, et le corps du Christ n’en est pas plus changé, que Dieu n’est changé quand sa présence cesse dans une créature qui cesse d’exister.

Tout cela sans doute est mystérieux, parce que tout cela est divin ; mais les sens ni l’imagination n’ont rien à y opposer, parce que tout cela est étranger à leur domaine, et la raison n’y peut contredire, parce qu’elle n’y peut saisir avec certitude aucune impossibilité.

B.

Le sacrifice

La doctrine catholique du sacrifice eucharistique n’implique aucune dillicuUé particulière, si elle est bien entendue ; Bossuet écrivait, après avoir exposé la réalité de la présence du Christ : « Nous prions

« les prétendus réformés de considérer que nous
« u’emplojons pas d autres choses pour expliquer
« le sacrifice de l’Eucharislie, que celles cpii sont

i< enfermées nécessairemi’ut dans cette réalité. » (/ : ".<position de la doctrine catltolique. xvi.) Pour constater la justesse de cette remar([ue. il suffit de se reporter à l’étude qui a été faite plus haut (col. 1564 sqq.) des textes du Nouveau Testament. En vertu même de l’institution de Notrc-Seigneur, si son corps est présent au Saint-Sacrement, c’est connue la victime de la nouvelle alliance ; si le chrétien l’y doit nu

ger, c’est pour communier à ce sacrifice.

Dès lors apparaît clairenu^nt la vérité et la nature du sacrifice eucharistique : la messe est un vrai sacrifice, parce qu’elle représente réellement le sacrifice de la croix et nous en api)lique les fruits. On ne peut donc reprocher à la cloclrine catholique de méconnaître la dignité et la sutlisance du sacrifice de la croix ; le concile de Trente a ]>ris soin de le faire renuir([uer : c’est la même victime, c’est le même prêtre, seul le mode d’oblation diffère ; et, loin de dérogera l’oblation sanglante de la croix, l’oblation non sanglante de l’Eucharistie ne fait qu’eu dispenser les fruits (Sess. xxii, ch. 2, Dcnz.. ij-io I817]).

Nous retrouvons ici la doctrine si clairement exprimée par saint Cyprien : Passio est Doniini sacri/i-