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ANIMISME

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souffle ou respiration ne signifie-t-il pas la vie, ou le mot cœur ne design e-t-il pas le sentiment, l'àme, l’esprit ? Un enfant comprend facilement que ce sont là des images. Et, quand l’Indien de Spencer disait qu'à la mort l’un des deux cœurs de l’homme quittait son corps, il employait une métonymie, sans prétendre atlirmer réellement l’identité du cœur et de l'àme. Il est dans la nature de notre esprit, dont l’exercice est intimement lié à celui des sens, de recourir aux comparaisons sensibles pour mieux saisir les choses spirituelles.

C) La doctrine animiste sur le rôle des maladies, catalepsies, extases et autres phénomènes de l’inconscience, dans la découverte de l'àme, tourne dans un cercle vicieux. « On prétend prouver, dit Borchert, que par l’examen de ces maladies l’homme arrive à la découverte de son àme ; et pourtant, il en a déjà connaissance puiscpi’il la croit partie et qu’il la rappelle en criant. Nous voyons bien que la notion de l'àme, déjà trouvée, servit plus tard à expliquer les paralysies et autres formes de l’inconscience par le départ de cette àme, mais de ce que les insulaires de Fidji interprètent ainsi les maladies, il ne suit pas du tout que l’Homme primitif ait eu lui-même une conception si peu sensée. En outre, la généralité de cette croj’ance n’est pas prouvée ; on ne peut donc pas en faire un cas « typique)>. (Borchert, Der Aiiimismus, p. 13.)

D) Quant aux rêves, comment les animistes saventils que les sauvages les prennent pour des réalités ? Un enfant peut distinguer entre le rêve et la réalité ; un sauvage, ne le pourrait pas ? En tout cas, ni les rêves ni les visions n’ont pu amener le sauvage à la découverte de son àme. C’est plutôt le contraire qui est A’raisemblable. L’homme a trouvé la raison de ses rêves parce qu’il avait une àme qui pensait ; mais ce ne sont pas les rêves qui lui en ont suggéré l’idée.

E) Les faits, cités par les animistes, ne prouvent pas non plus que les sauvages crurent réellement à une àme des animaux, des végétaux et des objets inertes. Les sauvages, disent-ils, parlent avec les animaux comme avec les hommes ; un Indien cause avec son cheval comme s’il avait la raison ; d’autres saluent les animaux avec respect, ou leur demandent pardon avant de les mettre à mort. Ces exemples n’ont pas de valeur quand il s’agit de démontrer l’animisme fondamental dans le sens où l’entend Tylor. Car on en observe de tout semblables chez nos Européens. Combien de fois n’a-t-on pas entendu un cavalier causer avec son cheval ou un chasseur avec son chien ? Et quand le cheval ou le chien auquel on s’est attaché vient à mourir, n’y a-t-il pas bien des liommes très civilisés qui le pleurent comme un ami ? Il n’y a point là trace d’animisme. « On n’a pas le droit, dit Borchert, d’attribuer aux actions des sauvages d’autres motifs qu'à celles de l’homme civilisé. ') ((>f. Borchert, Der Animismus, p. 18.)

Quant à l'àme des plantes, Tylor dit à la page 553 de son i" tome : « En règle générale, tout ce qui a trait à l’esprit des plantes est fort ol>scur, soit que les races inférieures n’aient point d’opinion délinie à cet égard, soit qu’il soit très diflicih’de les retrouver. » Ceci ne l’empêche pas d’allirmcr ailleurs comme un fait incontesté que les sauvages attril)uent aux plantes une àme qui leur survit. Son oi)inion se base sur des expressions dont se servent certaines tribus en parlant des arbres ou des fleurs. Nous-mcme, ne disonsnous pas, comme ces sauvages, que les arbres respirent, qu’ils parlent, qu’ils murnuirent, qu’ils se fâchent, qu’ils meurent ! Tourcfiioi refuser aux sauvages le droit de parler en métaphores comme les gens civilisés ?

Les preuves en faveur de l'àme des objets inanimés

ne sont pas plus fortes ; c’est une question que Tylor trouve encore plus obscure que l’existence des âmes des plantes. Et cependant il conclut dans un sens atrirmatif. Les faits qu’il cite ont beaucoup d’analogues dans la vie des peuples civilisés. Un marin parle de son Aaisseau comme d’un être vivant ; ou baptise les vaisseaux ; on dit qu’ils obéissent, qu’ils courent, qu’ils fendent les eaux, qu’ils se couchent. Ne donne-t-on pas le nom d’amis à ses livres ; et n’appelle-t-on pas sa canne une iidèle compagne ? mais jamais nous n’avons cru que ces objets eussent une àme. Pourquoi le sauvage, plutôt que nous ?

La théorie animiste repose sur une exagération manifeste et une interprétation arbitraire des faits observés.

3" Critique de la doctrine animiste des esprits et des dieux. — Les animistes voient dans le culte rendu aux mânes, ou aux esprits qui animent la nature, l’origine de la Religion. Grâce aux hommages inspirés par la crainte, les esprits se seraient peu à peu élcA'és aux rangs de divinités dont enlîn l’une aurait dominé les autres. Cette conception ne trouve pas d’appui dans les légendes religieuses des peuples.

i) Historiquement, on a prouvé que les conceptions et les usages animistes ne se sont introduits que relativement tard dans des religions préexistantes. Les religions sont plus anciennes que l’animisme. « Aussi loin que j’ai pu pousser mes recherches, dit Max Millier, il ne m’a pas été possible de découvrir un seul peuple qui crîit exclusivement aux esprits des ancêtres sans croire à la divinité. Chez les peuples civilisés ayant une littérature, une histoire capable de servir de base aux recherches scientifiques, on ne trouve aucune trace d’un tel état. (jIax MuELLER, Anthropogische Religion, y>. 286.)

2) Ni l’histoire, ni l’ethnographie ne peuvent citer un peuple qui se soit élevé de l’animisme pur à l’idée monothéiste, sans une inlluence extérieure. Borchert a passé en revue tous les peuples de l’antiquité depuis les Indiens jusqu’aux Romains en passant par les Perses, les Egyptiens, les Sémites, les Hébreux et les Chinois. Il a étendu ce travail à toutes les races non civilisées connues de nos jours, ayant soin, dans le choix des témoignages, de rechercher la réalisation des trois qualités nécessaires que nous avons signalées. Voici les conclusions auxquelles il arrive par l’application d’une méthode rigoureuse :

« De tout temps, aiissi bien chez les peuples les

plus intelligents de l’antiquité que chez les races inférieures de nos jours, on constate la croyance en Dieu, non pas en un dieu que les hommes se seraient faits à eux-mêmes, mais en un Dieu auteur du genre humain et de tout le monde. Cette universalité de la croyance à un Dieu supérieur et auteur du monde, les animistes ne peuvent jias l’expliquer par leurs théories. Ils n’ont pu réussir jusqu’ici à rencontrer un seul peuple dont la religion se ])ornàt au culte des âmes et des nu’mes. Même les sauvages de la classe la plus l)asse et la nuiins déAcloppée ont au moins le soup(, 'on d’un être supérieur, auteur du monde et des hommes, et plus ancien que l’humanité tout entière. » (Borchert, Der Animismus, p. 44 157.)

Si cela est, si les races sauvages connue les peuples de ranti<(uité croient en un Dieu, auteur du monde, I)Ourquoi ne l’honorent-ils pas lui seul, et font-ils I)arl de leurs hommages aux autres esprits qui lui sont inférieurs ? La réponse est facile ; et c’est encore l’ethnographie qui la fournit. Pour le sauvage. Dieu a créé le monde, nuiis après cet acte de sa toutepuissance, il est rentré dans le repos ; dédaignant le soin de gouverner, connue indigne de sa grandeur, il laisse aux esprits la direction des affaires de ce