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EUCHARISTIE


M. GoGUEL (p. 87) arrive substantiellement au même résultat : « Les cléments constitutifs du dernier

« repas de Jésus sont la distribution du pain, accompagnée

de la parole « Ceci est mon corps », et la

« distribution de la coupe cscbatologique. » 

D’autres suppriment non seulement la consécration du viii, mais aussi celle du pain, et lui substituent une sentence cscbatologique ; c’est la conclusion de A. LoiSY, qui restitue ainsi cette sentence :

« Je vous dis en vérité que je ne mangerai plus de
« pain, jvisqu’à ce que je le mange nouveau dans le
« royaume de Dieu v (p. 53g) ; cette restitution avait

déjàétéproposéepar A. Andersen (I. L, p. 35) ; le même critique a essayé de prouver dans un article (Zeitscltrift fiir die Neiitestamentliche H’issenschaft, YI (1906), p. S’y sqq. et surtout 90) que les récits que nous lisons actuellement dans les synoptiques ne sont pas antérieurs à l’an 165.

y) On remarque enûn que « le quatrième évangile ne veut rien savoir de cette institution » (Loisy, p. 541).

h) Le fait de l’institution étant ainsi écarté, on chercbe à expliquer en debors de lui la célébration de l’Eucliaristie dans l’Eglise primitive.

Il est un point qu’on ne peut refuser de reconnaître : pour saint Paul déjà (I Cor., xi, 24), l’Eucbaristie est un mémorial de la Passion du Seigneur et elle est célébrée pour obéir à son précepte.

Aussi la plupart des critiques condamnent les hypotbèses fantaisistes qui prétendent expliquer l’origine de l’Eucbaristie par une imitation des rites de communion qu’on trouve dans d’autres religions ; S. Reinach a voulu voir dans l’histoire de la Passion et de la cène « la traduction antbropomorphique du sacrifice périodique du totem » (Orpfieus, p. 334 sq.) ; cette fantaisie a été réfutée par Gogukl. I. L, p, 14 sqq. Semblablement P. Gardner avait imaginé (77/t’crigin of the Lord’s siipper, p. 18) que saint Paul avait emprunté aux mj^stères d’Eleusis l’idée de l’Eucbaristie ; dans un livre plus récent (^KxpJoratio e’angeUc(i-, p. 455) il juge lui-même cette bypotbèse

« intenable)i. Cf. C. Clemen, Religionsgescliiclttliche

ErJ ; l(iriing des A’eiien Testaments (Giessen, 1901}), p. 185-207.

Cette constatation faite, deux bypotbèses sont possibles et ont été en effet, l’une et l’autre, défendues par des critiques : a) saint Paul a inconsciemment innové : /S) saint Paul a reproduit une tradition qui s’était formée à Jérusalem.

k) La première bypotbèse est ainsi défendue par LoisY :

« Saint Paul n’a fait qu’interpréter le souvenir apostolique

selon sa propre conception du Christ et du salut, de façon à voir dans le repas eucharistique, symbole effectif de l’union des fidèles dans le Christ toujours vivant, le mémorial du Crucifié, de celui qui a’vait livré son corps, versé son sang pour le salut du monde. Ce doit être lui qui, le premier, a conçu et présenta la coutume chrétienne comme une institution fondée sur une volonté que Jésus aurait exprimée et figurée dans la dernière cène. »

Il est vrai que l’apôtre déclare avoir reçu sur ce point un enseignement qu’il ne fait que transmettre ; mais M. Loisy l’interprète d’une « autosuggestion

« équivalente à une vision » :
« Paul n’a pas pris pour traditionnel un récit où il avait

mêlé sa propre doctrine ; le mélange s’est fait de lui-même, dans la région subconsciente de l’àme où se préjiarent les visions et les songes, et 1 Apôtre a présenté sa vision comme une réalité, sans s’arrêter à ce que les témoins du dernier repas n’avaient jioint attribué à Jésus les paroles que lui-même lui prêtait « (p. 532, n. 1).

fi) D’autres critiques estiment que saint Paul « 

avait

« déjà reçu de la tradition un récit du dernier repas
« de Jésus dans lequel il était expressément parlé
« d’une institution m (Goguel, p. i 86), et s’efforcent

d’expliquer sous quelle influence a pu si rapidement se créer cette illusion.

M. Jlelicher l’entend ainsi (p. 235-247) Jésus n’a pas pensé à instituer un rite, mais, dans le repas d’adieu, il a signifié, par une parabole en action, comment sa mort serait une source de bénédiction. Cette scène fît sur ses disciples une si profonde impression qu’ils la répétèrent, et en vinrent à regarder cette répétition comme prescrite par le Cbrist :

« C’eût été un miracle, qu’on n’eût pas très vite
« inséré dans le récit de la première cène les mots :
« Faites ceci en mémoire de moi », ou d’autres mots’( semblables » (p. 248).

D’autres critiques supposent une évolution plus compliquée : pour M. Gogvel (p. 131), « la fraction

« du pain a dû être à l’origine un simple phénomène
« social en rapjiort avec le genre de vie que menaient
« les premiers chrétiens » ; M. Hoffmann estime de

même que c’étaient seulement des « religiôse Picknicks » (p. 108). Voici comment on explique les transformations de cette institution :

i< Peu à peu, au moment où l’on commença à méditer sur la mort du Christ et à se renn’morer sajîassion, et peut-être sous l’influence d’apparitions du Ressuscité qui s’étaient produites quand les fidèles étaient à table, on se mit à considérer le repas qui assemblait les croyants comme une suite ou comme une reproduction des repas de Jésus, du dernier en particulier. De là à penser que Jésus était mystérieusement présent au milieu de ses disciples et que ce repas était un moyen de s’unir à lui, il n’y avait qu’un pas. » (Goguel, p. 133.)

La transformation décisive est opérée par saint Paul ; Aoici comment M. Goguel la décrit et l’explique :

« Les chrétiens (d’après saint Paul) ne mangent pas du

même pain parce qu’ils forment un même corps, ils forment un même corps parce qu’ils mangent le même pain. Ici apparaît la notion sacranientaire. Elle se trouve plus nettement encore dans l’idée que le pain et le vin sont le corps et le sang du Seigneur et mettent le fidèle en communion avec le Christ mourant. Sur ce point, l’euchnristie primitive a subi une transformation radicale. Entre le repas de l’église de Jérusalem et la cène corinthienne, une révolution s’est produite, le mot n’est pas trop fort. Il est très probable que la transformation est due à l’action de l’apôtre Paul, action inconsciente certainement, car en matière eucharistique, Paul n’a jias eu le sentiment d’innover » (p. 187).

G. — Le fait de l’institution

Il nous semble que l’exposé qui précède constitue déjà une preuve de ce fait : si des critiques qui ne manquent ni de science ni de talent ont dû se contenter des solutions que nous avons reproduites, c’est que, sans doute, ils avaient rendu le problème insoluble en en faussant les données. Il sullira, pour en déterminer les termes véritables, de discuter ra^jidement les hypothèses et les ai-guments que nous venons d’exposer.

a) Le témoignage de saint Paul et la pratique de l’Eglise primitive.

Le témoignage de saint Paul garantit d’abord avec évidence non seulement la célébration de l’Eucharistie dans l’église de Corintbe vers l’an 5^, mais encore ce fait que l’Eucbaristie y était célébrée comme un mémorial de la mort du Seigneur, et pour se conformer à une institution établie par lui.

Il nous force à remoiiter plus haut : saint Paul en effet s’autoi’ise d’une tradition qu’il a reçue et qu’il a transmise à son tour. Il est vrai (^u’il dit l’avoir reçue