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EUCHARISTIE

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I Cov., xi). La seconde série comprend certainement Ad., XX, I Cor., xet Ilebr., xiii, et très probablement Act., II.

Si l’on considère ces textes, ainsi qu’un théologien a le droit de le faire, comme inspirés et infaillibles, la discussion est tranchée : le récit de l’institution est trop formel pour qu’on puisse en éluder la force ; mais les adversaires qui attaquent ce dogme n’admettent pas l’inspiration de l’Ecriture ; pour discuter avec eux, l’apologiste doit donc, considérer simplement ces textes scripturaires comme des documents historiques. Les premières conclusions qu’il en tirera, c’est que, quand fut écrite la P" épître aux Corinthiens, vers l’an h~j, on célébrait dans l’Eglise l’Eucharistie comme un mémorial de la mort du Christ et que, en le faisant, ou obéissait à un précepte du Seigneur, que saint Paul avait transmis à ses tidèles comme ill’avait reçu lui-même ; cette institution était racontée dans des termes déjà consacrés qu’on retrouve, substantiellement identiques, chez l’apôtre et chez les trois synoptiques (les dilTérences de détail seront notées plus bas).

Ces constatations sommaires sont loin d’épuiser tout le contenu historique des documents, elles seront précisées et complétées ci-dèssous. Elles suffisent en ce moment à fixer le terrain de la discussion.

B. — La controK’crse

L’institution de l’Eucharistie par Notre-Seigneur n’a guère été niée avant le xix siècle ; même au début du siècle, plusieurs des critiques les plus radicaux la maintiennent encore : niée par A. Gi’roerer (Gescinchte des Urchristentliiiins, Ul(Slnl[gvvl, 1838), p. 204-ao6), ([ui fait ^"aloir surtout le silence de S. Jean, elle est défendue par 1). Stracss (f.ebeii Jesii, ii(Tiii)ingen, 1887), § 128. surtout p. 442), qui s’appuie principalement sur le témoignage de S. Paul. Cf. la seconde Vie de Jésus (Leipzig, 18- ; 4). S 85, p. 540 ; Grimm, liistitutio tlieol. dogrn. evangel. (lena, iSôg), p. 443, n. 4.

Depuis quinze ou vingt ans, au contraire, cette négation est devenue presque universelle chez les critiques libéraux. On peut mentionner, entre autres, A. JuELiciiER, Ziir Geschicltte der Ahetidma/ilsfeier in der dltesten Kirche dans Tlieulog. Abliandlungen C. von Weizsdcker gewidinet (Freiburg i. B., 1892), p. 215-250, surtout p. 288 ; SriTTA, /)/e//rt7/r/s//. Traditionen iiher Ursprung und Sinn des Abendmahls dans Zur Ceschichte und Literatur des Urchristen/ « ms, I (Gottingen, 18(j3), p. 205-33^, surtout 228 ; P. Gardner, The origin ofthe Lord’ssupper (London, 1898), p. 14, cf. du même E.rploratio evangelicit(London 190’ ;), p. 453 ; J. Hoi-i-mann, I)(ts Abendinalil lin l’rcliristentum (Berlin, 1908), p. 28 sqcj. ; A. Andersex, Dus Abendmuld in den zwei ersten Jahrliunderten nacli Christus’^ (Giessen, 1906), p. 52 ; J. Rkville, Les origines de V Eucharistie (Paris, 1908). p. 148s<(q. ; A. Loisv, Zes Evangiles synoptiques, H, p. 53/|-5’ti ; M. GoGiEi-, L’Eucharistie, des origines à Justin martyr (Paris, 1910), p. 82, 101 sq. Dans la 3’édition (1894) de son I/istoire des dogmes, l, p. 64, n. I, Harack se montrait très séduit par la théorie de Spitla, mais hésitait à s’y ranger, contre le témoignage si formel de saint Paul ; dans sa 4" édition (1909), 1, p. yô, n. o, il est plus ébranlé et conclut : (( non liquet ».

Les méthodes d’attaque des adversaires sont très variées, de môme que leurs essais de reconstruction ; on en trouverait un exposé sommaire dans les ouvrages catholiques de W. Bernixg, Die Einsetzung der heiligen Eucharistie (Mïmstew 1901), p. 1-21 ; de P. Bathm-ol, Etudes d’histoire et de théologie y^OAt <H’e, 2’série 3 (Paris, 1906), p. 53- ; 7 ; de G. Rauscurx, L’Eucharistie et la Pénitence (Pa.ris, 1910), p. 50-60 ; ou dans les ouvrages protestants ou rationalistes de K. G. Goetz, Bie Abendniahlsfrage (Leipzig, 1904), p. ioi-305, de A. Loisy, l. L, II, p. 535-538, et de M. GoGiEL, /. /., p. i-15. Il est impossible d’en suivre ici tout le détail ; il sutlira d’exposer les principaux arguments et les principaux systèmes.

Si l’on considère d’ensemble le courant d’opinion qui, depuis quinze ou Aingt ans, entraîne un si grand nombre de critiques, on constate qu’il n’est pas déterminé principalement par des considérations historiques et critiques qui soient spéciales à la question de l’Eucharistie, mais J)ien par des conceptions générales sur le rôle de Jésus-Christ comme fondateur de l’Eglise et de ses institutions. Les documents sont aujourd’hui ce qu’ils étaient il y a trente ans, et même leur valeur historique est plus généralement reconnue qu’elle ne l’était alors ; si maintenant on attache, sur ce point, une moindre créance à leur témoignage, c’est surtout parce qu’on ne reconnaît plus au Christ le rôle de fondateur qu’ils lui donnent. C’est ainsi, par exemple, que M. Goguel fait valoir cette considération, sans lui prêter, d’ailleurs, une valeur décisive (/./., p. 102) : « Il faut… considérer

« comme fort improbable que Jésus ait songé à une

.( reproduction de l’acte qu’il accomplissait. Jamais

« il ne paraît s’être préoccupé de ce que serait la Aie
« de ses disciples après sa mort. La pensée d’une
« cène que les disciples dcvraient répéter constituerait

à ce point de Aue une exception. » Cf. Juelicher, /. /., I). 244-245. Cette objection générale a été longuement réfutée ci-dessus, dans l’article Eglise (col. 1221-1248) ; on n’y rcviendra pas ici. On remarquera seulement que l’iinpossiljilité, que nous constaterons plus bas, d’expii<[uer l’Eucharistie en dehors de l’institution par le Christ, conlirme ce qui a été prouvc antérieurement du rôle du Christ comme fondateur de l’Eglise.

En dehors de cet argument, les exégètes critiques font valoir deux séries de considérations pour écai’ter la réalité historique de l’institution de l’Eucharistie par Jésus-Christ : a) ils cherchent à montrer que les textes ne la supposent pas ou lui sont contraires ; b) ils s’elTorcent d’expliquer sans elle la célébration de l’Eucharistie dans l’Eglise primitive.

a) A propos des textes, on fait A’aloir surtout les considérations suivantes :

« ) Les quatre récits de la cène se réi)artissent en

deux groupes : Marc-Matthieu ; Paul- Luc.

Le second seul mentionne exi)licitement l’ordre donné par Jésus de réitérer ce rite ; on en conclut que cet ordre n’est pas authentitiue :

« Il n’est pas douteux que cet ordre ait été iiilroiluit sous

rinnuence delà conviction que c’était pour obcirauChrist qu’ou célébi’ait la cène. S’il est facile, en effet, do coniproiidre comment rot ordre a pu être introduit dans un texte qui ne le contenait j>as primitivement, on no ])(Mirrait pas s expliquer, s il avait fait partie de la tradition originale, comment il aurait pu disparaître dans les textes de Matthieu et de -Marc. » (Goguiîl, /. /., p. 8’2.)

On ajoute que des deux textes où sont rapportées les paroles de l’institution, l’un, celui de S. Luc(xxii, 19) est d’une authenticité très suspecte (v. infra. col. 1553) ; l’autre, celui de S. Paul, rapporte non une tradition historique, mais une révélation personnelle de l’apotre (l Cor., xi, 2’S).

fi) Des récits de la cène ainsi corrigés, la plupart des critiques élaguent encore certains traits qui leur semblent des insertions tardives. O. Pilkideuer (Dus UrcUristenlum, I, p. G82) regarde comme i)rimitif le récit de S. Luc, en en retranchant les versets 19-20 ;