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qu’un organisme individuel. Schæfle, Lilienfeld, etc., affiriuent que la condition sine qita non pour que la sociologie puisse être élevée au rang- d’une science positive, c’est que la société humaine soit considérée comme un organisme vivant réel, composé de cellules, à régal des organismes individuels de la nature. Dans la Cifé moderne, M. Jean Izoclet, professeur au Collège de France, exalte et dccvitV/iyperzoaire, être social qui résulte de notre association comme Lomnies. C’est l’hyperzoaire qui donne l’àme et la vie, c’est lui qui nous fait une raison et une justice, et il est à chacun de nous ce que chacun de nous, pauA re jietit métazoaiie, est aux innombrables protozoaires ou cellules primordiales dont notre être est composé et dont notre cerveau pensant est la résultante.

31. Tarde, bien qu’admirateur et disciple de Comte, fait bonne justice de ces fantaisies creuses. « Le reproche que je fais à la thèse de l’organisme social, écrit-il, dans ses Etudes de psychologie sociale, c’est d’être le déguisement positiviste de l’esprit de chimère. Stérile en vérité — car elle ne nous découvre rien que nous ne savions déjà ; et ce qu’elle prétend découvrir, elle ne fait que nous le traduire en langage obscvu- — elle est remarquablement féconde en illusions, en discours chimériques, apocalyptiques parfois, et aussi en aveuglements systématiques. »

L’Etat socialiste. — D’une manière générale, les doctrines socialistes sont caractérisées par les attributions excessives qu’elles confèrent au pouvoir de l’Etat, attributions qui amoindrissent la légitime liberté des individus. Le socialisme admet que l’Etat a pour but de procurer directement et immédiatement le bien-être particulier et individuel des citoyens. En envahissant la sphère d’action des intérêts purement individuels, l’Etat méconnaît les droits innés de l’homme, tels que le droit de l’indépendance, de la liberté individuelle, le droit de propriété. Aussi le socialisme réalisé serait le tombeau de la liberté. l’Etat socialiste établirait le despotisme absolu en haut, l’esclavage sans espoir en bas.

L’Etat syndicaliste. — Dans la nouvelle conception sociale qui s’appelle le syndicalisme, les syndicats sont présentés comme les cadres de la société future, comme les organes d’un « fédéralisme économique » qui couvrira le monde d’un vaste réseau. Alors chaque association professionnelle aura l’absolue souveraineté de la profession. Les grands services de l’Etat actuel : les postes et télégraphes, l’instruction publique, l’administration de la guerre, de la marine, des travaux publics, etc., seront transformés en syndicats autonomes et maîtres absolus de leur organisation intérieure. Ainsi l’Etat sera transformé par le syndicalisme en une « Confédération générale du travail » agrandie. Conception par trop simpliste !

On oublie la rivalité des intérêts, la question de frontières entre certaines professions, on oublie la légitime intervention, entre employeurs et employés, d’un tiers intéressé qui est le reste de la nation, la masse des consommateurs. Politi(piement, l’intérêt général peut être en contradiction avec les intérêts spéciaux des groupes, et il peut souffrir de leurs querelles ou de leurs prétentions exagérées.

Voilà pourquoi IKlal, la grande association territoriale, au sein de laquelle évoluent toutes les autres, garde sur elles l’hégémonie et demeure le grand juge des conflits particuliers.

L’Etat libéral, né des principes de la Révolution française, a pour caractéristique : la souveraineté populaire, s’exerçant par le suffrage électoral, dans laliberté de droit commun, dans l’égalité de chaque citoyen devant la loi, sans distinction ou privilège de classe, de naissance, de profession ou de culte.

L’égalité des cultes, notamment, est d’autant plus hautement proclamée et réclamée par les pouvQÎrs et par l’opinion publique, qu’ils veillent tous jalousement au maintien du caractère « laïque » de l’Etat, à son indépendance absolue vis-à-vis de toute Eglise, autorité ou profession de foi religieuses.

D’après la conception libérale, l’Etat, c’est la force collective qui protège le libre développement des facultés de chacun et qui veille à ce que personne n’usurpe le droit de personne. Dtms la cité antique, ou le regardait comme pouvant et devant tout pour le bonheur de l’homme, il avait charge d’âmes : dans la société moderne, la formule est renversée : l’individu pris en lui-même n’a rien à attendre que de ses propres efforts, l’Etat se contente d’assurer l’ordre extérieur. La loi, cette arme puissante mise aux mains de l’Etat, est uniquement l’organisation du droit individuel préexistant de légitime défense ; elle a pour objet de réaliser l’accord et l’équilibre des libertés, elle est la juste limite imposée à l’exercice extérieur de la liberté humaine à raison de la coexistence des hommes.

Tel est le droit nouveau, l’Etat libéral, l’Etat moderne dont l’origine et les désastreuses conséquences ont été décrites par Léon XIII en ces termes : « Le pernicieux et lamentable désir de nouvcautés qui se manifesta au xvi^ siècle dans les questions religieuses, pénétra bientôt par une pente naturelle dans le domaine de la philosophie, et de la philosophie dans l’ordre social et politique. C’est à cette cause qu’il faut faire remonter ces principes modernes de liberté effrénée, i-évés et promulgués parmi les grandes perturbations du siècle dernier, comme les principes et les fondements d’un droit nouveau, inconnu jusqu’alors, et sur plus d’un point en désaccord non seulement avec le droit chrétien, mais encore avec le droit naturel.

« Voici le premier de tous ces principes : tous les

hommes, dès lors qu’ils sont de même race et de même nature, sont égaux entre eux dans la pratique de la vie, chacun relève si bien de lui seul qu’il n’est en aucune façon soumis à l’autorité d’autrui ; il peut en toute liberté penser sur toutes choses ce qu’il veut, faire ce qui lui plaît ; personne n’a le droit de commander aux autres. Dans une société fondée siuces principes, l’autorité publique n’est que la volonté du peuple, lequel, ne dépendant que de lui-même, est ainsi le seul à se commander. Il choisit ses mandataires, mais de telle sorte qu’il leur délègue moins le droit que la fonction du pouvoir, pour l’exercer en son nom. La souveraineté de Dieu est passée sous silence, exactement comme si Dieu n’existait pas, ou ne s’occupait en rien delà société du genre humain, ou bien comme si les hommes, soit en particulier, soit en société, ne devaient rien à Dieu, ou si l’on pouvait imaginer une puissance quelconque dont la cause, la force et l’autorité ne résidassent pas tout entières en Dieu même.

« De cette sorte, on le voit, l’Etat n’est autre chose

que la multitude maîtresse et se gouvernant elle-même, et dès lors que le peuple est censé la source de tout droit et de tout pouvoir, il s’ensuit que l’Etat ne se croit lié à aucune obligation envers Dieu, ne professe aucune religion, n’est pas tenu de rechercher quelle est la seule vraie entre toutes, ni d’en préférer une aux autres, ni d’en favoriser une principalement, mais qu’il doit leur attribuer à toutes l’égalité en droit, à cette fin seulement de les empcclier de troubler l’ordre public. » (Encycl. Immortale Dei, § Sed pcrniciosa.)

La réfutation complète de ces erreurs, qui constituent le libéralisme, sera donnée à l’article Libéralisme.