Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/77

Cette page n’a pas encore été corrigée

137

ANIMISME

138

la doctiiue d’une divinité suprême est le produit distinct et raisonnable de l’animisme, de même qu’elle est le complément distinct et raisonnable du polythéisme. >> (Tylor, op. cit., t II. p. li'ôô.)

3° La doctrine animiste des sacrifices. — Les deux principaux actes de la Religion sont le sacrifice et la prière, et en général il est admis que tous les peuples les ont connus et pratiqués ; mais sur l’ori<nne, le but et la délinition des sacrifices, les animistes ont émis des théories qu’il est bon d’examiner.

i) Ils assignent généralement comme origine aux sacrifices le service des morts. Les âmes, conçues comme des êtres matériels, continuent de Aivrc, après leur sortie du corps, d’une vie analogue à la vie terrestre. Il leur faut se nourrir ; de là les repas placés sur la tombe des morts ; il faut à leur service des hommes, des femmes, des animaux, des objets divers ; de là deux classes de sacrifices : sacrifice d’hommes et d’animaux dans le but d’envoyer leurs âmes dans l’autre monde au service des défunts ; sacrifices d’objets naturels dont l'âme devient la propriété du mort. D’après Lippert. les âmes des morts boivent le sang des victimes : (. Parmi tous les aliments que peut prendre l’homme, aucun ne s’assimile mieux à l'àme que le sang frais ; le sang humain est par excellence la nourriture des âmes. Et là se trouve la racine la plus profonde du cannibalisme. Le cannibale anéantit le corps, mais aussi l'àme ; il l’assimile à la sienne ; que ce soit par respect pour un ami, ou pour triompher d’un ennemi, rpi’il boive son sang, la dernière raison en est toujours l’idée de se fortifier l'àme. » (Lippert, Heligionen, p. 6.)

2) Quant au but poursuivi, d’après Tj’lor, le sacrifice n’est pas autre chose « qu’un présent offert à la divinité comme si elle était un homme… Le suppliant qui s’incline devant son chef en déposant un i)résent à ses pieds et en lui adressant une humble pétition, nous fournit le type anthropomorphique du sacrifice et de la prière.)i

A l’origine, ce ne devait être qu’un don. On donnait pour donner, comme l’enfant, sans se préoccuper des sentiments qui peuvent naître à cette occasion chez celui qui reçoit. Plus tard, le don est accompagné d’une intention du sacrificateur. Selon la reniarque de Tjlor, « les offrandes faites aux divinités peuvent se classer de la même façon que les dons terrestres. Le don accidentel fait à l’occasion d’un événement, le tribut périodique payé régulièrement à son seigneur, la redevance payée pour s’assurer la possession ou la protection de la chose acquise ; tous ces systèmes de dons ont leur contrepartie exacte dans les systèmes de sacrilices obserA es dans le monde… Une transition s'établit bientôt

« litre l’idée d’une valeur matérielle reçue et celle

d’un iiommage cérémonieux…, puis cette idée de la satisfaction causée à la divinité par la valeur intrinsèque des richesses ou des aliments qui lui sont offerts, fait liientùt place à l’idée de la satisfaction causée à cette même divinité par une olfrande respectueuse, bien que cette offrande en elle-même ne (loivc pas avoir beaucoup de a aleur aux yeux d’un personnage divin aussi puissant ». (Tyloh, op. cit., I. II, p. 506.) Eiilin l’on en vient à faire résider la vertu du sacrifice dans la renonciation Aoloiitaire à l’objet sacrilié.

Il y a <lonc trois théories : la théorie du don, la tliéorie de 1 iiommage, et la théorie de la renonciation. « On [leut remarquer dans ces trois tliéorics les modifications ordinaires fpii ont fait jiasser le sacrifice de la réalité pratique à l'état de cérémonie formaliste. On remiilace l’anticpie don ayant une valeur

intrinsèque par un don plus petit ou par un objet ayant moins de valeur, et enfin par un siiniile symbole. » (Tyloh, op. cit., tome II, p. 484-) Lippert pense qu’on olTrait aux dieux des sacrifices sanglants pour leur procurer la jouissance matérielle d’absorber le sang, répandu en leur honneur.

3) Ces dons parviennent à la divinité soit matériellement quand il s’agit des divinités de l’eau, de la terre, du feu qui consomment ces oft’randes, ou des animaux sacrés qui les mangent, soit « par l’abstraction de la vie, de la saveur, de l’essence, ou mieux de l’esprit ou de l'àme de l’objet offert. Quant à la partie matérielle, elle peut se corrompre, être emportée, consumée ou détruite, ou simplement rester devant le dieu «. (Tylor, op. cit., t. II, p. 49 1-)

4° La Religion et la morale. — Au point cle vue des rapports de la religion et de la morale, on peut résumer en deux propositions l’enseignement animiste.

i) Certains prétendent que l’homme primitif n’avait pas d’idées morales, parce que les sauvages n en ont pas. « Ce que nous reconnaissons comme le principe de la morale religieuse, dit Lippert, paraît manquer complètement à 1 homme primitif, qui n’a pas l’idée du bien et du mal au sens moral, là surtout où nous avons des témoignages de missionnaires sûrs et dignes de foi. » (Lippert, Seelen/ ; ult, p. io3.) Tylor n’est pas de cet avis, et croit à une certaine moralité des races inférieures primitives.

2) Mais tous sont d accord pour proclamer lindépendance respective de la morale et de la religion. Ce sont deux ordres de faits qui peuvent coexister, mais toujours à l’origine parallèlement. « Que le contenu de la loi morale soit sorti de la religion, dit Lippert, c est une aflirmation aprioristique qu’on ne peut admettre. » (Lippert, Religionen, p. 409.) « Les idées morales des sauvages, dit Tylor, reposent sur un terrain propre, elles sont engendrées par les traditions, et par l’opinion publifjue ; elles sont indépendantes des croyances et des cérémonies animistes qui existent auprès d elles. En un mot, l’animisme des races inférieures n est pas immoral, il est simplement dépourvu de morale. » Plus tard, « la religion, en substituant la doctrine des peines et des récompenses dans une vie future à la doctrine de la simple continuation delà Aie après la mort, a donné un but moral à la vie sur cette terre ». (Tylor, op. cit., t. II, p. 466.)

111. Critique de 1 animisme- — La meilleure réfutation qu on ait faite de l’animisme se trouve développée dans un remarquable travail intitulé : l>er Animisnius oder Ursprung und Entwicklurig der Religion ans deni Seelen Almen und Geisterkult, on D"" Alojs HoRCHERT, Pricstcr der Diozese Ermland. Freiburg in Brisgau, 1900.

Les limites de ce dictionnaire ne permettent pas d’entrer dans le détail de la discussion ; on se bornera à indicjuer ici les arguments ([ui portent le plus juste. 1) On fera quehpies observations générales sur le point de départ et la méthode des animistes ; 2) on criti « iuera la doctrine animiste des âmes individuelles ; 3) la doctrine animiste des esprits et des dieux ; 4) 1^^ théorie animiste des sacrifices ; 5) on parlera des rapports de la religion et de la morale.

i'> Ohservations générales. — Le point de départ de l’animisnie, c’est la conception moniste de 1 univers.

Le monde entier étant le produit dune évolution mécani « nic, la Ueligion elle-même s’y trouve engagée ; elle provient du développement naturel de l’homme. Mais comment Ihomme, descendu de l’animal, et d’abord sans religion, devint-il, à un certain moment, unêtre religieux ? D’où vient le phénomène religieux ?