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ESCLAVAGE

151’indigènes africains, mais de faire venir ceux que le conjoierce si malheureusement inau< ; uré par les Portugais avait déjà transportés en Espagne (voir Aimes, A Histin-y of Shiyery in Cuba, 1907, p. 7). Le rôle même attribué à Las Casas (Robertsox, Hist. de l’Anu’iiqae, trad. franc., t. I, 1829,). 290 ; Hkfi’xk, Le Cardinal Ximi’nès,.vm. franc., iS56, p. 408) a été contesté (Grégoire, Méni. de l Acad. des sciences morales et politiques, t. IV ; Dœllinger, Hist. eccl., t. III, § 160, p. 197 ; A. Cocui.v, L’AI/olition de Vesclayage, 1861, t. I, p. 286) ; s’il l’eut vraiment, il s’en repentit presque aussitôt (Helps, The Life of Las Casas, 1868, p. xui), car on le voit, en 151 8, présenter un projet de colonisation des îles américaines, dans lequel l’importation des noirs n’a aucune place, et qui semble même l’exclure (Robertsox, ouvr. cit., t. I, p. agi-So/J).

Quoi qu’il en soit, soumise d’abord au cardinal XiMÉ.NÈs, régent de Castille après la mort de Ferdinand, la proposition d’importer les noirs en Amérique avait été rejetée avec indignation par ce grand homme d’Etat et d’Eglise, qui refusait d’admettre qu’il y eût une race née pour la servitude (Héfélé, Le Cardinal Ximénès, Y>. 408). Mais, ayant pris le gouvernement, Charles Quint, après bien des hésitations, autorisa en 1517 un premier envoi en Amérique de 4-000 Africains, accordant le privilège de cette importation à un Flamand, qui le vendit à des marchands génois. Depuis lors se multiplièrent les asientos, traités ou contrats du gouvernement espagnol avec divers particuliers ou diverses compagnies pour fournir d’esclaves noirs ses possessions d’outremer. Au xvi* siècle, ces traités sont conclus par l’Espagne avec ses nationaux, au xvii’surtout avec des Portugais ; de 1702 a 1712 une Compagnie française, autorisée par Louis XIV, en oljlient le privilège ; de 1713 à 173/1, c’est la couronne d’Angleterre qui traite directement avec la couronne d’Espagne pour la fourniture des nègres. Toutes les nations, catholiques ou protestantes, recourent à la traite dans l’intérêt de leurs propres colonies ou, comme on l’a vu. pour le service, moyennant un gros profit, de colonies étrangères. C’est par milliers que jusqu’à la lin du xviii’siècle les noirs enlevés ou achetés en Afrique furent transportés dans les îles ou sur le continent de l’Amérique. De toutes les nations qui se déshonorèrent ainsi par la traite, la plus âpre et la plus impitoyable fut l’Angleterre. On peut signaler chez les autres quelque hésitation : Louis XIII, si l’on en croit Montesquieu (Esprit des Lois, xv, 4), ne permit le commerce des noirs que « quand on lui eut bien mis dans l’esprit que c’était la voie la plus sîire pour les convertir ^ ; l’Espagne, après la condamnation de l’esclavage en 1639 par le pape Urbain VIII, semble avoir renoncé)ov quelque temps à fairedirectemenl la traile(.i.MEs, A IlistoryofSlavery in Cuba, p. 17, 19), montra toujours une tendance à la limiter (ibid., p. 31, 3’(, 4’, 43, 4’i. ^91 61), et fut longtemps sans posséder de comi)toir en Afrique pour le commerce des nègres (ibid., p. 26, 38). Mais depuis le règne d’Elisabeth jusqu’au commencement du dernier siècle, tous les souverains anglais interviennent pour encourager et réglementer cet horrible lraûc(BRowNLOv, Lectures on Sla^ery and Serfdoniin Europe, p. 187-188), menacent de guerre d’autres puissances pour en assurer le monopole à leurs pays (A. CoGHiN, L.’Abolition de l’esclaa ; >, e, t. II, p. 288), forcent même leurs colonies récalcitrantes à le subir {ibid., p. II). Comment, d’ailleurs, eussent-ils iiésité, quand on voit Cuumwell donner un exemjjle plus révoltant encore, en faisant, par haine polilirpie et religieuse, la traite des blancs, et en lransi)ortant aux Barbades, à la Jainaï((uc, en Virginie, pour y

travailler comme esclaves, des milliers d’Irlandais de tout âge et de tout sexe, arrachés à leur patrie ?(.S^averv in British colonies, dans Brownloav, Lectures on Slai’ery and Serfdoni in Europe, p. ig3-203.)

C’est seulement au commencement du xix’siècle que des hommes inspirés de l’esprit chrétien, ^^’lLBER-FORŒ, Clarkson, Grenville, Scharp, Buxton, rougirent pour l’Angleterre, et s’etforcèrent de la réhabiliter en demandant l’interdiction de la traite. Au Congrès de Vienne, en 1815, une déclaration contre la traite fut signée par l’Angleterre, l’Autriche, la Fi’ance, le Portugal, la Prusse, la Russie, l’Espagne et la Suède ; l’engagement fut renouvelé en 1818 au Congrès d’Aix-la-Chapelle, et en 1822 au Congrès de Vérone. Elle fut abolie par la France en 1817, et. peu à peu, à cause des ditlicultés pratiques d’exécution, par « toutes les grandes puissances de la chrétienté ». (Voir A. CocHiN, L’Abolition de l’esclavage, t. 11, p. 291-296.)

1" L’esclavage moderne. — La suppression de la traite n’était pas l’abolition de l’esclavage, mais seulement celle de son mode le plus cruel et le plus meurtrier de recrutement. Mais une fois la traite supprimée en partie, — car la contrebande dura toujours, — restait l’esclavage lui-mcine, <iue ni les divers Congrès ni les nombreux traités du commencement du xix’siècle n’avaient fait disparaître.

L’esclavage datait, dans les colonies françaises, de la première moitié du xvii*^ siècle : par wne conséquence inattendue, il avait même reflué surlamétropole, car deux ordonnances furent nécessaires en 1762 pour empêcher d’exporter des colonies à Paris des esclaves noirs, en violation de l’axiome qui déclarait libre tout esclave ayant touché le sol de la France. Supprimé brusquement et avec trop peu de souci des transitions par la Convention en 1794. l’esclavage colonial fut en 1802 rétabli par le Consulat, et ne disparut délinitivemenl qu’en 18^8. Le domaine colonial de la France, diminué par les guerres de la Révolution et de l’Empire, ne se composait plus alors que de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Réunion et de la Guyane : je ne parle pas de I Algérie, à la fois ajoutée à la France et libérée de l’esclavage par la Rojauté en 1830. On verra dans l’Introduction de l’Histoire de l’esclavage de Wallon et dans le premier volume de [’Abolition de l’esclavage d’Augustin CocHiN comment, malgré la modération naturelle au caractère français, et bien qu’ayant été au début réglementée et à certains égards moralisée par le Code noir de 1685, la servitudeavait produit là ses fruits habituels d’orgueil, de paresse, de luxure, de cruauté, coriompant maîtres et esclaves. Malgré de belles et nombreuses exceptions, le clergé séculier lui-même s’amollit et se gala trop souvent à ce funeste contact ; mais les travaux des congrégations, Dominicains, Carmes, Jésuites, Pères du Saint-Esi)rit, Frères de Saint-Jean de Dieu, relevèrent le niveau moral des Indiens et des noirs : c’est en partie grâce à la formation clirélienne donnée à ceux-ci par ces admirables éducateurs que le décret du Gouvernement provisoire, préparé du reste par un puissant mouvement de l’opinion puliliquc dans les dernières années de la monarcliie de 1830, put en faire des hommes libres, sans mettre en péril ni la sécurité des colons ni la prospérité matérielle des colonies. (Voir . Cof.iiiN. t. I. p. 285-348.)

Même diminuées de la plus grande partie de l’Amérique du Nord par la fondation des Etats-Unis à la tin du xviii<^ siècle, les colonies anglaises, qui depuis cette épofpie n’ont cessé de s’accroître, représentent aujourd’iiui environ un quart du monde civilisé. Parmi ces possessions, les unes étaient, au commencement