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ESCLAVAGE

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leHarili et l’émir de Tunis garantit la liberté du culte aux chrétiens, libres et esclaves, résidant en Afrique. Mais le xiii’siècle vit plus encore : la création dordres religieux spécialement consacrés à la rédemption des esclaves.

Uun de ces ordres, celui des Trixitaires, fut fondé en 1198 par saint Jeax de Matha. sur les conseils de Termite saint Félix de Valois, et approuvé par le pape Ixxocent III. Il avait alors deux maisons, et. dans une première campagne au Maroc, racheta 186 esclaves : au xvi"^ siècle, il comptait plus de 300 maisons en France, en Espagne, en Angleterre. en Ecosse, et le nombre de ses rachats était incalculable. Au xvi* et au xvii’siècle, des Trinitaires espagnols fondent à Alger plusieurs liôpitaux pour les esclaves malades, un Trinitaire construit, en 1719, un hôpital d’esclaves à Tunis. Bien que le relâchement se soit introduit dans l’ordre, et que même pendant plusieurs années du xvii’siècle il ait interrompu ses « rédemptions ». on a calculé que. dej^uis sa fondation jusqu’en 178-. il rendit la liberté à 900.000 esclaves détenus dans les pays barbaresques.

L’ordre de Notre-Dame de la Mercy. fondé au XIII* siècle à Barcelone par un autre Français, saint Pierre Nolasque. et approuvé par Hoxorius III, puis par Grj^goire IX. donna ses premiers soins aux Espagnols captifs dans les royaumes arabes de Valence et de Grenade. Plus tard il étendit aux autres pays musulmans ses travaux apostoliques. L’ordre de la Mercy se recruta bientôt en France autant qu’en Espagne. Tout en gardant son siège principal dans ce dernier pays, il eut en France un vicaire général, qui dirigeait la rédemption des captifs français. Au xvii’siècle, l’ordre fut en grande faveur près de Louis XIII. qui ordonne aux évêcpies de lever des aumônes dans tout le royaume au prolit de ses rédemptions. Les Annales de l’ordre de la Mercj- ont été tenues de 121 8 à 1682 : pendant ces quatre siècles il racheta 490-736 esclaves. Aux trois vœux ordinaires, son fondateur en avait ajouté un quatrième, que devaient faire tous ses membres : demeurer en otage aux mains des infidèles, si cela est nécessaire pour la délivrance ou le salut des esclaves chrétiens : Et in Saracenorum pntestate manebo. si necesse fuerit in redemptionem Cliristi fideliiivi. Beaucoup de Pères de la Mercy accomplirent à la lettre ce voeu, et plusieurs mêmes trouvèrent dans son accomplissement la couronne du martyre. Entraînés par leur exemple, des chrétiens étrangers à l’onb’e les imitèrent : on cite un évèqiie espagnol, captif en Afrique, qui deux fois employa à raclieter d’autres prisonniers l’argent que son diocèse lui avait envoyé pour sa rançon, et se décida enfin à demeurer esclave toute sa "ie, alin d’assister et de soutenir d’autres esclaves en danger de perdre leur foi.

Ce danger était réel, car les musulmans d’Afrique étaient animés tl’un grand esprit de prosélytisme. Ils employaient pour attirer les esclaves à la loi de Mahomet tous les moyens, depuis les traitements les plus barbares jusqu’aux attraits les plus puissants : on en vit promettre la main de leur lille à un captif s’il voulait altjurer. Cervantes, qui avait été lui-même esclave à Alger, montre, dans une scène navrante d’une de ses comédies (L’I Tratto del Arget). une famille espagnole exi)()sée sur le marché d’Alger. Le père, la mère, les deux enfants exhalent, avec les accents les plus pathétiques, leur douleur à la pensée des ventes qui ont lcsséi>arer. Les parents se préoccupent avant tout de l’àme de leurs llls : Prometsmoi, dit le père à l’un d’eux, que ni menaces, ni promesses, ni présents, ni le fouet, ni les coups ne viendront à bout de te convertir, et que tous les trésors

du monde ne t’empêcheront pas de mourir dans le Christ plutôt que d embrasser la foi de ces Maures. » Beaucoup de chrétiens esclaves demeurèrent tidèles non seulement jusqu’à la soulTrance, mais même juscpi’à la mort. On vit se reproduire, à Alger ou à Tunis, les scènes de la primitive Eglise. Des homnu’s. des femmes, des enfants sacrifient leur vie plutôt que de renier Jésus-Christ. Les uns meurent sous la bastonnade ; d’autres souffrent des tourments encore plus horribles. Une femme est foulée aux pieds et a les mamelles crevées. Un petit garçon de treize ans. originaire de Marseille, reçoit plus de mille coups de bâton, on lui déchire la chair d’un bras « comme on ferait une carbonnatle pour la mettre dans le gril ». et on allait lui donner quatre cents autres coups de bâton, si un missionnaire ne l’eût racheté. Un mousse de Saint-Tropez, âgé de quinze ans, est suspendu par les pieds, on lui donne la bastonnade en le sommant d’abjurer, on lui arraciie les ongles des orteils et on lui coule de la cire fondue sur la plante des pieds, sansvaincre sa résistance. Un jeune homme de vingt-et-un ans. dont les menaces et les promesses avaient fait un renégat, se repent, renonce publiquement à la religion de Mahomet, et est brûlé vif. Comme aux premiers siècles encore, des chrétiens esclaves périssent tout ensemble pour la foi et la chasteté. Après avoir résisté pendant un an aux sollicitations d’une impudique patronne, « etreçuplus de cinq cents coups de bâton pour les faux rapports que faisait cette louve ». un esclave de vingt ans est conduit au supplice. Un autre, sollicité par son maître de commettre un acte honteux, puis sur son refus calomnié par celui-ci, meurt par le feu.

Il y avait donc à faire autre chose encore que de racheter les esclaves : c’est ce que vit saint Vixcext de Pall, qui. pris en 1605 par des corsaires, était demeuré deux ans esclave à Tunis. Il avait connu de près les misères physiques et morales de ces malheureux : les uns contraints de ramer sur les galères musulmanes, dont l’équipage se composait souvent de plusieurs centaines d’esclaves chrétiens, — les autres, que l’on traitait comme des forçats, travaillant presque nus, et la nuit enchaînés dans les bagnes.

— les autres exposés nus au marché pour être achetés par des particuliers qui les employaient soit au service domestique soit aux travaux des champs. Dans la foule qui peinait ainsi, il n’y avait pas seulement des laïques de tout sexe et de tout âge ; nombreux aussi étaient les prêtres, les religieux, le* religieuses, trop souvent exposés à perdre l’esprit ou les mœurs de leur état. Aussi lorsque, en 1642, Louis XIII. qui avait grande pitié des esclaves chrétiens, lit appel en leur faveur à la charité de saint Vincent de Paul, celui-ci n’hésita pas à envojer dans les pays barbaresques des prêtres de la congrégation delà Mission fondée par lui quelques années auparavant. Ils y devaient concourir, avec les deux ordres déjà existant s, au radiât des esclaves, mais ils devaient, de plus, y demeurer « pour assister à toute heure, corporellement et spirituellement, ces pauvres esclaves, pour courir incessamment à tous leurs besoins, enfin pour être toujours là prêts à leur prêter la main et à leur rendre toute sorte d’assistance et de consolations dans leurs plus grandes atllictions et misères ». Aidés par les consuls français, dont plusieurs furent d’admirables chrétiens, quelquefois même investis, quoique prêtres, des fonctions consulaires, ces missionnaires lirent des prodiges ; ils gagnèrent par leur charité, et aussi par la prudente réserve rjue leur aait recommandée leur supérieur, le respect des musulmans, et purent, sans trop d’obstacles, célébrer le ser^ ice diin dans les ^ ingt-cinq bagnes d’Alger, de Tunis et de Bizerte, administrer