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ESCLAVAGE

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blessa le sentiment public, alla jusqu’à adjuger les vagabonds comme esclaves à ceux qui les demanderaient.

« L’Angleterre, dit un historien, tomba au

dernier degré de la misère pendant les vingt années qui suivirent la destruction des monastères. » (Rogers, Sir Centuries of Work and Wages. p. 674.)

Divisés en plusieurs classes, auxquelles correspondaient des obligations plus ou moins étroites, les serfs paraissent avoir été assez nombreux en Allemagne entre le xi" et le xii" siècle (Biot, De l’abolition de l’esclavage ancien en Occident, p. 358). Dans les pays germaniques comme ailleurs, le sort des serfs de l’Eglise était plus doux et leur condition plus assurée (Hanauer, La constitution des campagnes de l’Alsace au moyen âge, 1865 ; Garsonnet, Hist. des locations perpétuelles, j). 501). Au xii® siècle commence le mouvement des affranchissements soit individuels, soit en masse. Le type de ces derniers est donné en 1 182 par Guillaume, archevêque de Reims, octroyant à la commune de Beaumont en Argonne une charte qui substituait les redcA-ances fixes aux exactions arbitraires : elle fut le modèle de tous les affranchissements collectifs accordés par les seigneurs en Lorraine et dans les provinces germaniques de l’est de la France (voir Mathieu, L’Ancien régime dans la province de Lorraine et Barrois, 1879, p. 272-275). La constitution en Allemagne de villes franches avec droit d’asile pour les serfs fugitifs eut, au xui’^ siècle, quelque influence sur la diminution du servage (Biot, p. 301). La liberté se répandit plus promptement qu’ailleurs dans les villes, nombreuses en pays germanique, dont la seigneurie et l’administration temporelle appartenaient aux évoques (Grandidier, LIist. de l’évêc/ié et des évêques de Strasbourg, 1777, t. II, p. 9^). Le servage, dit Janssen,

« était devenu fort rare au xv’siècle, et n’existait

plus guère que chez les paysans slaves de l’arrière Poméranie. Dans tout le reste de l’Allemagne, l’influence de l’Eglise avait fait prévaloir la loi souabe, qui dit expressément : « Nous avons dans l’Ecriture : Un homme ne doit pas appartenir à un autre homme. Nous avons encore l’axiome du droit impérial : Les hommes sont de Dieu, le cens à l’empereur. » Il ne restait qu’une attache à la glèbe fort mitigée, avec défense de quitter celle-ci, mais possession irréA’ocaI)le et transmission héréditaire en ligne directe. » (L’Allemagne et la lié forme, tr. franc., t. I, 1887, p. 267.)

Cette situation favorable ne dura pas. Dans la plupart des Etats de l’Allemagne, les paysans redescendent au servage plus strict dès le commencement du xvi° siècle, c’est-à-dire au moment où le servage s’éteignait en France et en Angleterre (Garsonnet, Hist. des locations perpétuelles, p. 502). L’histoire assigne à ce recul une double cause : la faveur avec laquelle les princes et les seigneurs accueillirent en Allemagne le droit romain, s’en autorisant pour s’altril)uer sur leurs sujets un pouvoir absolu et appliquer aux i^aysans la législation de l’esclavage ; la révolte de ceux-ci, excitée à la fois par cette tj^i’annie et par l’esprit d’indiscipline qu’avaient répandu les premières prédications de la Réforme (Janssen, t. II, p. 404, 475-477 ; t. ii, p. 492 et suiv.). Luther, qui avait d’abord reconnu la justesse partielle des revendications des paysans, et s’était posé en médiateur entre eux et les princes (ibid., t. II, p. 619), finit par se tourner tout à fait vers ceux-ci et les pousser à de A’iolentes représailles (ibid.^ t. II, p. 566, 569, bjo, 609). Le servage, dont il s’était toujours déclaré le partisan (ibid., t. II, p. 519, 609), et qu’approuvait aussi Mélanchton (ibid., t. II, p. 612), fut partout rétabli. A la fln du xviii" siècle, on le trouve en Aigueur dans tous les Etats de l’Allemagne (TocqukviLLE, L’Ancien Régime et la liéi’olution, 1860, p. 53-54,

359-360). Ce n’est qu’en 1807 que les paj’sans obtinrent en Prusse le droit de quitter leur village, et en 1850 l’accès de la propriété (Cavaignac, Revue des Deux Mondes, 15 août 1890 et i*^ novembre 1892). On trouvait encore en Meckleinbourg, dans la seconde moitié du xix’^ siècle, des restes de servage, comme la défense aux paysans de se marier ou de quitter la terre sans la permission du seigneur, et l’impossibilité pour eux d’être propriétaires (Broavnlow, Lectures on Slavery and Serfdom in Europe, p. 224).

Le servage passa, en Danemark, par les mêmes phases qu’en Allemagne, mais y fut aboli plus tôt. Il avait cessé lors de la conversion du Danemark au christianisme, au xii siècle. L’introduction du régime féodal le rétablit, et la réforme l’aggrava en sécularisant les domaines de l’Eglise, où les serfs avaient joui d’une situation privilégiée (Garsonnet, p. 305). Les historiens anglais Barthold et Allen sont d’accord pour voir dans l’appauvrissement phjsique et moral des paysans danois une conséquence de la révolution religieuse du xvi" siècle (cités par Dœllixger, L’Eglise et les Eglises). Aussi l’année danoise ne se recrutait-t-elle j)lus au xviii" siècle que de mercenaires étrangers, « vu l’état de servitude des paysans, le roi étant persuadé que ces serfs seraient de mauvais soldats ». (Williams, Hist. des gouvernements du Nord, t. II, p. 238.) Mais l’intelligente initiative du roi Frédéric V prépara, vers le milieu du siècle, la disparition du servage.

Dans les paj’s latins, où le progrès social ne fut pas contrarié par la révolution religieuse, le serA’age rural, l’attache à la glèbe, dura beaucoup moins longtemps.

Pendant les deux siècles de la domination wisigothe en Espagne, il semble qu’il n’y ait pas eu de différence légale entre le serf de la glèbe et l’esclave domestique : au moins la disposition du Code Théodosien, attachant à la glèbe l’esclave rural, n’est-elle pas reproduite dans le Forum judicum du vii « siècle. Le servage projjrement dit paraît s’être établi avec la féodalité, quand les diverses parties de l’Espagne, après avoir brisé l’une après l’autre le joug des musulmans, eurent adopté la forme de société qui prévalait au moyen âge dans toute l’Europe. Le servage, ou l’attache du paysan à la glèbe, qu’il ne peut quitter mais à laquelle on ne peut l’arracher, se rencontre désormais en Navarre, en Aragon, en Castille, en Léon, avec des conditions plus ou moins favorables selon les contrées. Dès le x’et le xi° siècle, les servos ou solariegos des royaumes de Castille et de Léon obtiennent la ûxité de tenitre et de redevance ; au xiii^ siècle, ils reçoivent le droit de marier leurs filles sans le consentement du seigneur ; au xiv’siècle, le solariego dcvient maître de disposer de ses meubles et, dans certaines conditions, d’aliéner sa teniire ; au xvi" siècle, il est devenu un A’éritable propriétaire. A la fin du xv’siècle, Ferdinand le Catholique avait supprimé les derniers restes du sefvage en Aragon, moyennant le paiement d’un cens, tout en laissant les villanos soumis à la juridiction seigneuriale et incapables d’aliéner leur tenure. On peut dire qu’au xvii’siècle le servage proprement dit n’existait plus en Espagne (Cardexas, Essayo sobra la historia de la proprietad territorial en Espana, 1875, t. I, p. 267 et suiv., 392 et suiv., 46 1 et suiv. ; t. II, p. 23 et suiv., 1 12 et suiv.).

Peu différente est l’histoire du servage en Italie. Après la chute delà domination gothique, qui priva les serfs des garanties du droit romain, se consolide au centre le pouvoir temporel des papes, favorable à la liberté, pendant qu’au nord dominent les institutions carolingiennes, dont nous avons déjà vu pour la France la bienfaisante influence, et qu’au sud se