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ANIMISME

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fétiches ? Question souvent difficile à trancher : pourtant, la majorité des témoignages cités par Tylor donne à penser que ces blocs et ces pierres étaient considérés comme des habitations des divinités, sinon eomme des divinités elles-mêmes. (Cf. Tylor, op. cit.,

p. 214.),..

c) Du fétichisme à l’idolâtrie il n y a qu un pas ; la transition est à peine sensible. « Quelcjues lignes tracées sur le bois ou sur la pierre, quelques parcelles enlevées, quelques couches de peinture, suffisent à transformer le poteau et le caillou en une idole. » (Tylor, o/J. cit., t. II. p. 209.) L’idole réunit donc les caractères du portrait et ceux du fétiche. Le rôle de l’image devait être, à l’origine, de représenter un personnage divin, « mais dans une phase postérieure, la tendance à confondre le symbole avec l'être syml)olisé a fait traiter l’idole comme im puissant être vivant)j. (Tylor, op. cit., t. II, p. 221.) H. Spencer croit trouver l’origine des idoles dans les portraits qu’on plaçait sur la tombe des morts ou dans leur ancienne maison.

3) Les esprits étaient, dans l’opinion des races jjrimitives, les causes personnelles des phénomènes terrestres, de la vie universelle. La nature, comme le corps humain, est réellement animée dans toutes ses parties ; et ce sont les esprits qui l’animent. Ces esprits sont des démons bons ou méchants. Ils se diversifient à l’infini : il y a les esprits gardiens spécialement attachés à chaque individu : les esprits des volcans, des sources, des rivières et des lacs ; les esprits des arbres, des bosquets et des forêts ; les esprits incarnés dans les animaux, et en pai’ticulier dans le serpent. La crainte de ces esprits, qui dominent toute la nature, a porté les sauvages à chercher le moyen de calmer leur fureur, et de s’attirer leur sympathie, sinon leur protection. Ils leur rendirent un culte ; le culte s'éleva peu à peu juscfuaux honneurs divins, et les esprits que Ion avait pris l’habitude de vénérer, d’adorer, finirent par acquérir rang de dieux.

4) L'àme himiaine est le type d’après lequel les races inférieures ont construit non seulement leur conception des esprits, mais aussi leurs idées de 1-a divinité. « Tous les peuples ont fait de l’homme le type de la divinité ; en consécpience la société humaine et le genre humain deviennent le modèle qui sert à constituer la société divine et le gouvernement divin. Les grands dieux occupent au milieu des esprits moins élevés la même position que les chefs et les rois au milieu des hommes. Ils dilTèrent sans doute des âmes et des êtres spirituels inférieurs, mais la diff"érence qui existe entre eux porte plutôt sur le rang que sur la nature, ce sont des esprits individuels qui dominent des esprits individuels. Au-dessus des âmes des trépassés, au-dessus des mânes, audessus des génies locaux, au-dessus des divinités des rochers, des soin-ces et des arbres, au-dessus de la foule des esprits bons ou mauvais, se trouvent ces diA’inités puissantes dont l’influence ne s’exerce plus seulement sur des intérêts locaux ou individuels, mais, quand il leur plaît et comme il leur plaît, peuvent agir directement dans leur vaste domaine, conti'ôler tout ce qui se passe et faire exécuter leurs ordres par les êtres spirituels inférieurs qui ne sont que leurs domestiques, leurs agents et leurs aides de camp. « (Tylor, op. cit.. t. II, j). 822.)

Ces dieux, sinon tous, au moins les principaux, se rattachent au culte de la nature. Les dieux naturels représentent le ciel et la terre, la pluie et le tonnerre, l’eau et la mer. le feu. le soleil et la lune. Le culte rendu à ces êtres supérieurs permet d’entrevoir déjà dans la civilisation primitive les types familiers des grandes divinités, qui n’ont pris tout leur

développement que dans le polythéisme le plus élevé. Outre ces divinités, il y eut une autre classe de dieux puissants, qui n'étaient pas visibles, mais reni])lissaient certaines fonctions importantes concernant l’harmonie de la nature ou la vie de l’homme. Telles les divinités qui président â la naissance des enfants, à l’agriculture, à la guerre, les divinités d’outretombe.

5) L’une de ces divinités acquit l)ientôt la suprématie sur les autres ; ce n’est pas encore le monothéisme, mais cette doctrine y tend et finira par a aboutir. L’idée d’une divinité suprême se produit sous diff'érentes formes chez les races inférieures. Tantôt c’est l’ancêtre primordial qui occupe le premier rang ; tantôt c’est un des dieux de la natiu-e, comme le soleil cpii anime tout ou la lune qui envelopije tout. D’autres peuples se représentent le Panthéon céleste sur le modèle des gouvernements politiques terrestres : les âmes et les esprits, circulant dans le monde, sont les simples sujets ; l’aristocratie se compose des dieux proprement dits, et le roi est le dieu suprême. Mais en général, la théorie que l'âme anime le corps a amené les hounnes qui partagent cette croyance à supposer l’existence d’un esprit divin qui anime la masse énorme de la terre ou du ciel ; il ne faut qu’un pas de plus pour que cette idée se transforme en une doctrine d’après lac|uelle l’univers serait animé par une divinité plus grande encore, divinité présente partout, l’Esprit du monde. D’ailleurs quand la philosophie spéculative sauvage ou civilisée, s’occupe de résoudre le grand problème fondamental que présente le monde, elle cherche une solution en remontant du composé au simple, et en essayant de discerner une cause première qui prévaut dans l’univers et au delà de l’univers. Si ces raisonnements se produisent au sein d’une théorie, cette dernière réalise cette cause première en imaginant vine divinité suprême. De cette façon, on en ariùve en poussant à leur limite extrême les conceptions animistes sur lesquelles repose la philosophie de toute religion, aussi bien chez les peuples sauvages que chez les nations civilisées, on en arrive, disonsnous, à l’idée d’une âme du monde, pour ainsi dire, d’un créateur, d’un vivificateur, d’un souverain de l’univers, en un mot, d’un grand esprit. ÇThOR, op.cit., t. II. p. 433.) Cette curieuse conception se réalise par deux moyens c|ui ont été tous deux adoptés même par les sauvages. Le premier, « c’est de confondre tous les attributs des grands pouvoirs polythéistes en un seul être plus ovi moins impersonnel ». Le second, « c’est de reculer les limites de la spéculation théologique et de la faire pénétrer dans la région de l’infini et de linnommé « : on suppose alors une entité divine sans figure, et sans contour, « reposant dans le calme au delà et audessiTs du monde matériel ». (Tylor, op. cit., t. 11.

p. 434.)

Voilà donc comment, par un développement purement humain de sa nature, l’homme primitif en est arrivé à l’idée dun Dieu suprême. Il n’est pas besoin de faire appel à une civilisation plus élevée qui aurait fourni aux sauvages ces conceptions ; il est inutile de recourir à l’hypothèse d’une « dégénérescence » qui explicjuerait cette croyance « comme les restes mutilés et corrompus de religions plus élevées >'.

« Regardées comme des produits de la religion naturelle, ces doctrines de la suprématie divine ne semblent en aucune façon dépasser la puissance de raisonnement qui existe chez le sauvage… Il a existé

et il existe encore bien des peuples sauvages ou barl)ares qui se sont fait d’un dieu suprême une idée telle qu’ils ont pu y atteindre i)ar eux-mêmes sans le secours des nations plus civilisées. Chez ces races,