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ESCLAVAGE

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prêtre ou diacre un esclave, à reml)ourser au maître le double de la valeur de celui-ci. Mais l’esclave restera affranchi de fait : « Il devra, dit le concile, continuer d’occuper le poste ecclésiastique auquel il aura été appelé. » Le concile d’Orléans de b’68 prive pendant un an de la l’acuité de célébrer la messe l’évêque qui a ainsi attenté au pouvoir des maîtres. Celui de 549 réduit cette interdiction à six mois : il permet au maître de conserver ses droits sur l’esclave, mais lui défend d’en exiger des services incompatibles avec sa nouvelle dignité : si le maître cesse de respecter le prêtre dans l’esclave, l’évêque qui a ordonné celui-ci a le droit de le réclamer pour lattaclier à son Eglise, à charge de payer au maître la A-aleur de deux esclaves. Ces dispositions, renouvelées trois fois dans la même ville en moins de quarante ans, semblent indiquer la rapidité avec laquelle une telle discipline tombait en désuétude. Elles ne visaient, sans doute, que des cas exceptionnels ; car on possède des formules d’affranchissements souscrites par des maîtres dont les esclaves paraissaient appelés au sacerdoce.

« Pensant, dit l’un d’eux, au salut de mon àme, à

celui de mes parents et de mes proches, pour l’amour du Christ qui nous délivre de la tjrannie de Satan, j’ai résolu de délivrer du joug de la servitude un de mes esclaves, appelé X., alin que, lié au service divin, il ne cesse de prier pour la rémission de ses péchés, pour moi et pour les miens, et que, montant successivement les degrés de la sacrée hiérarchie, chaque jour de plus près et plus familièrement il ait le moyen de solliciter pour nous la miséricorde divine. « (Boxva-LOT, iVoin’eUes formules alsatiqites, dans lievue liistovique du droit français^ 1863, p. 442.)

Le consentement du maître était aussi exigé pour les esclaves quivoulaiententrer dans les monastères : mais l’affranchissement préalable paraît n’avoir pas été demandé, et, à moins d’une opposition formelle, le consentement était présumé. Cela résulte du quatrième canon du concile de Chalcédoine (4ôi) et d’une constitution des empereurs LiioN et ANTHi’ ; Mi[ ; s(Co(/e/ « s/., 1, III, 38). Quand l’Eglise se heurtait au ve/o du maître, elle ne passait pas encore outre, mais elle exhortait celui-ci, et au besoin payait la rançon de l’esclave.

« J’ai appris, écrit saint Gukgoire le Grand (Ep, , Yl, 

xii). que le défenseur Félix possède une jeune tille nommée Catella, qui aspire avec larmes et un véhément désir à l’état religieux, mais que son maître ne veut pas le lui permettre. Or, je veux que vous alliez trouver Félix, et que vous lui demandiez l’àme de cette tille ; vous lui paierez le prix convenu, et vous l’enverrez ici par des personnes graves, qvii la conduiront au monastère. Et faites cela vite, alin que votre lenteur ne fasse’courir aucun danger à cette àme. » Mais bientôt les interventions de ce genre cessèrent d’être nécessaires : un concile tenu à llome en ôgô, sous la présidence du même pape, lit de l’entrée dans la vie monasti(pie une cause de liberté pour tous, sans aucune condition du consentement, exprès ou tacite, du maître ; car, disent les Pères de ce concile, « si on arrèleimprudeniiiient les vocations, on refuse quehjue chose à Celui qui a tout donné », si invaute retiiiemus, illi iiivenimur iiegare (jiinedaiii, qui dcdit oniiiia. Déjà la même règle avait été posée en Orient par une novelle (v, 2) de Jistimkn, en faveur des esclaves qui ont quitté la maison de leur maître poiu- le monastère, sans avoir commis ni crime ni délit. Ajoutons qu’une fois moine, l’ancien esclave pouvait parvenir aux plus hautes dignités de son nouvel état : Gukgoiui- : de Tours (De s’il. Patrum, 5) raconte l’histoire d’un jeune esclave arverne, Portianus, qui, nuiltrailé i)ar son maître, se réfugie dans un couvent : le barbare l’en arrache, puis, frappé de cécité en punition de ce sacrilège, le

restitue au monastère : ce même esclave, devenu moine, puis abbé, sortira un jour de sa retraite pour arrêter et réprimander le roi franc Thierry, fils de Clovis, dans sa marche dévastatrice à travers l’Auvergne.

Les conciles de l’époque barbare sont de leur temps. Dans un petit nombre de cas exceptionnels, on les voit s’inspirer de la législation en vigueur. Chez les Wisigoths, les Bourguignons, les Alemans, les Bavarois, les Francs, certains crimes ou délits, en l’absence de paiement de la composition exigée, entraînaient pour i^eine la servitude. Deux fois, dans l’intérêt des mœurs ou dans celui de la discipline cléricale, l’Eglise agit de même. Le premier concile d’Orléans, en 51 i, déclara, dans son deuxième canon, qu en cas de rapt le coupable deviendrait l’esclave du père de la femme outragée, ou se rachèterait de l’esclavage ; et par son cinquième canon, le troisième concile de Tolède, en 689, condamna à être vendues les femmes qui habiteraient sous le toit d’un clerc. Quelques années plus tard, un concile tenu à Reims en 625 déclarera, dans son l’j' canon, qu’un homme libre ne peut être réduit en esclavage ; mais ce canon, qui vise seulement le crime de plagiat, puisqu’il prononce la confiscation des biens de celui qui s’en est rendu coupable, laisse évidemment subsister la servitude pénale.

2° Les serfs ecclésiastiques. — La dévotion des peuples, des rois et des grands, surtout depuis les invasions, enrichit les évêchés et les nionastères. Que les donations qui leur furent faites aient été quelquefois excessives, c’est ce qu’ont reconnu les historiens les jdIus sincères de la vie monastique, depuis le vénérable Bède (Ep. ad Eghertum) jusqu’à MoNTALEMBEUT (Les Moines d’Occident, t. V, 1865, p. 216). Mais il faut ajouter qu’elles toiu-nèrent dans une large mesure au profit des esclaves. L’opulence nouvelle des églises et des couvents leur permit de racheter beaucoup de captifs, en un temps où l’une des anciennes sources de l’esclavage s’était rouveite, et où les marchés regorgeaient de nouveau de prisonniers de guerre (3" concile de Lyon, 583, canon 2 ; 2* concile de Màcon, 585, canon 5 ; concile de Reims, 625, canon 22 ; voir dans Yaxoski, De l’abolition de Vesclayage ancien au moyen âge, p. 40-47. et surtout dans Lesne, // « s/o/z-é" de la propriété ecclésiastique en France, t. I, 1910. p. 46-48, ’55’]-36g, de nombreux exemples de captifs ou d’esclaves rachetés par des évêques du vi’et du vu’siècle). Cependant, à un autre point de vue, les libéralités dont les Eglises furent l’objet paraissentà quelques historiens avoir entravé les efforts faits par elles en faveur des esclaves. La fortune mobilière existant à peine à l’époque où commença à se constituer le patrimoine ecclésiastique, c’est par des dons de terre que la i)iété des fidèles se traduisit. Comme les domaines ainsi donnés étaient le plus souvent garnis de serfs et d’esclaves, l’Eglise se trouva, elle aussi, proi)riétaire triioiiimes. Mais elle se trouva, en même temps, en iiréseiu-e d’un problème assez délicat, car il était interdit à ses représentants, évêcpies ou al)l)és, d’aliéner les biens dont ils n’étaient que les déi)ositaires ou les administrateurs. Quehiues-uns surent lournerla règle, comme fit le moine anglais saint Wilfrid, qui, ayant reçu en dt)n pour y fonder un monastère, un domaine sur lequel résidaient deux cent cinquante esclaves des <leux sexes, commença par lesba|)tiser et les affranchir (BÈDE, Ilisf. eccl., IV, I 4). Mais la plupart prirent possession des immeubles tels qu’ils étaient donnés. Les serfs d’Eglise furent-ils donc plus malheureux que d’autres par l’impossibilité d’être affranchis ?