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ANIMISME

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craignent la vengeance de Tcsprit du serpent, lui souhaitent la bienvenue comme à un ami venant de la terre des esprits… Les Stiens du Cambodge demandent pardon à un animal qu’ilsviennent de tuer.etc. » (Cf. Tylor, op. cit. tome I, p. 5^4, 545 et ss.)

Quant aux plantes, il est tout naturel qu’on leur ait aussi attribué une àme, ijuisqu’elles présentent comme les animaux et comme l’homme les phénomènes de la vie et de la mort, de la santé et de la maladie. Et cette àme ressemble à celle des hommes ; elle peut sortir de la jjlante ; son départ produit la maladie et parfois la mort. « Les Karens disent que les plantes ont leur « là » (Kelali) ; et ils essayent de rappeler l’esprit du riz malade tout comme ils rappellent un esprit qui a quitté le corps de l’homme… Les Dayaks de Bornéo attribuent aussi au riz son .. Samangat podi » ou esprit du riz, et célèbrent certaines cérémonies pour retenir cette àme, dans la crainte que la récolte ne vienne à manquer. (Cf.TvLOR, op. cit., t. I, p. 552.) D’après Spencer, les plantes sont animées pai" les âmes des ancêtres. La sève de certaines plantes a la Aertu d’enivrer ; elles la doivent aux mânes qui l’habitent. Le sauvage qui boit cette sève peut s’incorporer l'àme des ancêtres, dont il devient le possédé.

Quant aux objets inanimés, quoiqu’on puisse dire en général que la plupart des races inférieures y admettent l’existence d’une àme, il y a lieu de citer pai-ticulièrement trois peuples qui fournissent l’exemple d’une croyance explicite précise : les Algonquins, qui occupaient une grande partie de l’Amérique du S^ord, les insulaires du groupe des îles Fidji, et les ivarens de la Birmanie. D’après Mariner, « les Fidjiens vont jusqu'à attribuer aux ol)jets inanimés la même chance qu’ils prêtent aux hommes et aux porcs, (^uand une hache ou un ciseau Aient à être usé ou cassé, ils s’imaginent que son àme entre au sei-vice des dieux. Une maison est-elle démolie ou renversée, sa partie immortelle trouve où se placer dans les plaines du Bolotoo, où se rassemblent les àines après la mort. » (Cf. Mauiner, Tonga Isl., vol. II, p. 129.) D’après E. B. Cross « les Karens croient que chaque objet a son Kélah. Les haches, les couteaux aussi bien que les arbres et les plantes possèdent chacun son Kélah indépendant. Le Karen, ai-mé de sa hache et de ses outils, peut bâtir sa maison, couper son riz, conduire ses alTaires après sa mort comme auparavant. » Les tribus qui croient à l'àme des choses inanimées, sacrilient des objets qu’elles destinent à accompagner le mort : les Algonquins enterrent les guerriers avec leur mousquet, leur casse-tête, leur calumet, etc. Cette offrande a pour but de transmettre l’esprit de ces objets au delà de la tombe, de sorte que le mort se retrouve en leur possession et s’en sert.

2" La doctrine animiste des esprits. — De cette conception de l'àme individuelle est sortie la conception des esprits. 1) Le saunage Aoit dans l'àme humaine l’explication de la vie et de la mort, des ])hénomènes psj’chologiques normaux et anormaux ; de même, il attribue à des êtres, conçus sur le modèle de l'àme hunuiine, les dilTérenls événements heureux ou malheureux qui affectent l’humanité, et les phénomènes i)iij’siques du monde extérieur. « Dès que l’iiomme en est arrivé à concevoir l’existence d’une àme humaine, cette conception a dû lui servir de type, d’après lequel il a élaboré non seulement ses idées relatives à d’autres âmes inférieures, mais encore ses opinions par rapport aux êtres spirituels en général, depuis le petit lutin qui se joue dans les grandes herlies jusqu’au Créateur ou maître du monde, jusqu’au Grand Esprit. » (Tyloh, op. cit., t. II, p. i/|3.) Mais Tylor ne s’exx)liquc ni sur l’ori gine de ces esprits, ni svir la manière dont l’homme arrive à les connaître et à croire en eux. Quand il parle de leur nature, il n’est pas plus précis. D’abord il distingue deux classes d'êtres spii-ituels : les mânes et les esprits : puis, dans la seconde partie de son ouvrage, il semble les confondre. « La similitude de natiu-e de l'àme des morts et de celle des autres esprits, dit-il, se remai-que à tous les degi-és de l’animisme, depuis ses phases les plus grossières jusqu'à ses phases les plus élevées. » (Op cit., t. ii, p. 144') En fait, on considère les âmes des morts comme une des classes les plus importantes des démons et des dieux. La différence entre les mânes et les esprits est donc insensible. Il n’y en a même pas du tout, d’après Herbert Spencer, qui voit dans tous les esprits, démons et dieux, des âmes d’ancêtres, élevées peu à peu par l’imagination des sauvages à un rang supérieur.

2) Les esprits conçus sur le modèle des âmes humaines peuvent, comme elles, « exister ou agir, libres d’errer à travers le monde, de s’incarner pour un temps plus ou moins long dans un coi-ps solide, soit dans un corps humain, soit dans les animaux, les A'égétaux ou les objets inertes. » (Tylor, op. cit., t. II, p. 160.) Cette théorie de l’incarnation des esprits est importante pom* expliquer certains usages a) Elle explique la maladie, causée quelquefois pav la possession qu’a prise de l’homme un esprit, qui le harcèle, le ronge, et le déchire. Le moyen de guérir, c’est de se débarrasser de cette àme du démon, par l’exorcisme.

h) La croj^ance à l’incarnation des esprits dans des objets inanimés donne naissance au fétichisme. Un fétiche est un ojjjet quelconque qu’un esprit a choisi poiu" y habiter, ou dont il se sert comme d’un médium pour exercer une influence. Cejiendant, avant d'être adopté pour fétiche, l’objet doit subir certaines épreuA^es ; et si le possesseur n’en est jîas satisfait, il le rejette pour en chercher un plus puissant. « Le fétiche Aoit, comprend et agit ; son possesseur l’adore, lui parle familièrement comme à un ami intime, répand sur lui des libations de rhum et, au moment du danger, il s’adresse à lui à grands cris comme pour renouvcler son énergie. » (Cf. Tylor, op. cit.. t. II, p. 206.) Selon Tylor, le fétichisme est primitif, parce que la croyance en l’incarnation des esprits est contemporaine des origines de l’animisme. Selon Spencer, au contraire, le fétichisme n’apparaît que plus tai’d, quand l’homme a atteint un staik- plus avancé de son développement religieux et social. D’après Lippert, ce sont les âmes des morts qui habitent les fétiches. « Si l'àme humaine se sépare du corps et lui survit, si elle sort du tombeau et rentre dans les corps pour les rendre nuilades, ou même les faire mourir, rien ne l’empêche de prendre possession des objets, d’y habiter et de se manifester par eux. Pom- désigner cette conception nous nous servons du terme de fétiche. » (Lippert, Die Religionen der europaisclien Kiiltur^ôUer in ihrem gescliichtlichen Ursprunge, p. 10.) Plus tard le fétichisme s'élargit. Les serpents et les vers, les poissons et les animaux, en un mot tous les aninuiux, peuvent dcA-enir la demeure d’une àme, et par conséquent des fétiches. Il en est de même des bâtons, des lances des nu)rceaux de bois, des plantes et des arbres. La terre elle-même est féticiie, ainsi que les astres, le soleil, la lune et le ciel tout entier. (Lippert. Seelenknlt. p. 36 ss.) La religion procéderait donc d’une double source : l’une principale qui est le culte des âmes, l’autre secondaire, le culte des fétiches.

Du fétichisme on peut rapprocher l’adoration des blocs de bois et de pierres. Y faut-il voir des représentations idéales de certaines divinités, ou de vrais