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ESCLAVAGE

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comme chi’ctienne par celui quin’aA-ait pu triompher de sa vertu : pro fideet caslitate occisa est, disent les Actes d’une esclave martyre (Acta S. Diilae, dansles Acta Sanciorurn^ mars, t. III, p. 552). Il serait trop long de rappeler tous les esclaves martyrisés pour le Christ : citons seulement ici, parmi les femmes, Blandine à Lyon, Ariadne en Phrygie, Sabine à Smyrne, Potamienne en Egypte, Félicité àCarthage ; parmi les hommes, Evelpistus, l’élève de saint Justin, à Rome, Porphyre, le disciple et le serviteur de l’exégèle Pampliile, à Césarée, Agricola immolé à côté de son maître à Milan. Les réponses faites parles esclaves martyrs aux questions des magistrats sont parfois d’éloquentes revendications de la liberté morale reconquise. « Qui es-tu ? » demande le préfet de Rome à Evelpistus. « Esclave de César, mais chrétien, ayant reçu du Christ la liberté, et, par sa grâce, ayant la môme espérance que ceux-ci. » (Acta S. Justini, 3, dans Rcixart, Acta martrrum sincera et selecta, 1689, p. 44-) « Comment, étant esclave, ne suis-tu pas la religion de ton maître ? » demande le juge à l’esclave Ariadne. « Je suis chrétienne », répond-elle simplement (Pio Franchi de Cavalieri, Note agiograflcJie, dans Stiidie Testi, VIII, p. 18).

« Chez nous, écrit l’apologiste Lactance (Dw.

Inst., V, 17), entre le riclie et le pauvre, l’esclave et le libre, il n’j' a pas de différence. » Cet effacement des distinctions sociales dans la primitive société chrétienne a vivement frappé même des penseurs incrédules.

« Les réunions à l’église, à elles seules, eussent

suffi, dit Rexax, à ruiner la cruelle institution de l’esclavage. L’antiquité n’avait conservé l’esclavage qu’en excluant les esclaves des cultes patriotiques. S’ils avaient sacrifié avec leurs maîtres, ils se seraient relevés moralement. La fréquentation de l’église était la plus parfaite leçon d’égalité religieuse. Que dire de leucharistie, du martyre subi en commun ? Du moment que l’esclave a la même religion que son maître, prie dans le même temple que lui, l’esclavage est bien près de finir. » (Rexan, Marc Aurèle, p. 610. Cf. du même L’Antéchrist, p. i-) ?>.)

2° L’esclavage sous les empereurs chrétiens. — BoissiER a écrit que sous l’Empire chrétien, c’est-à-dire pendant les siècles qui vont de la conversion de Constantin à la chute de l’Empire romain, « le sort de l’esclave fut rendu plus dur » (Des origines du christianisme ; Revue des Deux Mondes, " mars 1882, p. /t9). Cette assertion est inexacte. Le mouvement commencé en faveur des esclaves fut accéléré par les lois que promulguèrent à leur sujet les empereurs chrétiens. On s’en rend compte en parcourant le Code Théodosien, le Code Justinien, les A’ovelles de divers empereurs.

Sous Constantin, lois défendant de marquer les condamnés et les esclaves au visage, « où réside l’image de la beauté divine » ; abolissant le crucifiement, supplice ordinaire des esclaves ; en vue de prévenir l’exposition ou la Aente des enfants, accordant sur le trésor public et même sur le domaine privé de l’empereur des aliments aux familles pauvres ; déclarant coupables d’homicide les maîtres dont les mauvais traitements, énumérés avec un accent d’indignation et d’horreur, auraient causé la mort de leurs esclaves ; donnant à la manumission prononcée dans les églises, en présence du peuple et des prêtres, le pouvoir de conférer les droits de citoyen, et donnant même ce pouvoir à la seule volonté d’affranchir, exprimée par un clerc ; déclarant abolis les combats de gladiateurs ; défendant aux administrateurs des terres domaniales « de séparer les enfants de leurs parents, les sœurs de leurs frères, les femmes de leurs maris », principe qui s’étendit peu à peu à tous les

partages d’immeubles ; déclarant libre l’esclave chrétien qu’un Juif aurait circoncis (lois de 315, 3 16, 3g, 32 1, 325, 334, 335 ; Code Théod., IX, xl, 2 ; XI, xxvii, i ; IX, XII, I ; IV, VII, i ; XV, xii, i ; II, xxv, i ; XVI, xix, i ; Code Just., l, XII, I ; SozoMÈNE, Hist. eccl., , 8). Il est à noter que plusieurs de ces lois sont adressées à des évcqiies, et que quelques-unes avaient été réclamées par des synodes provinciaux.

Sur un point, Constantin aggrava la législation relative aux esclaves : non content de maintenir le sénatus-consulte Claudien, qui depuis l’an 53 de notre ère condamnait à la perte de la liberté la femme libre qui avait eu commerce avec l’esclave d’autrui, il condamne à mort, en même temps que son complice, la matrone qui aurait commerce avec son propre esclave {Code Théod., IX, ix, 1). Il se peut que le désir de corriger les mauvaises mœurs de son temps lui ait fait dépasser la mesure. Mais on remarquera qu’il ne fait pas de différence entre la faute de la matrone et celle de l’esclave. Au risque d’ouvrir une parenthèse un peu longue, je dois faire remarquer, à propos de Constantin, avec quelle légèreté a été incriminée la législation des empereurs chrétiens sur les esclave*. Dans son livre sur Antonin le Pieux et son temps (1888), M. Lacour-Gayet cite (p. 203) le rescrit d’Antonin déclarant le maître qui a tué son propre esclave aussi coupable que s’il avait tué l’esclave d’autrui (Digeste, I, vi, i, § 2), et ajoute : « Croirait-on qu’il s’est trouvé un empereur près de deux cents ans plus tard, Constantin, pour apporter une restriction à la loi absolue d’Antonin, et pour déclarer qu’il n’y aurait crime d’homicide pour le maître que lorsqu’il aurait tué son esclave d’un seul coup ? Que l’on compare sur ce point l’empereur païen à l’empereur chrétien, et qu’on dise de quel côté se trouvent la vraie justice et la vraie humanité. » La Aérité est que Constantin n’apporta aucune restriction au rescrit d’Antouin, mais, statuant sur un cas différent, déclara (Code Just., IX, XIV, i) que le maître ne sera pas puni pour homicide si son esclave, après avoir été fouetté ou mis en prison, mem-t après plus d’un jour, c’est-à-dire sans qu’on puisse savoir si la mort est naturelle ou a été causée par les coups ou l’emprisonnement. Il ne semble pas, étant donné le droit de correction laissé aux maîtres, que cette solution soit critiquable ; surtout, il n’y a pas lieu de comparer « l’empereur chrétien » et « l’empereur païen », car en mai 3 12, date de cette loi de Constantin, celui-ci n’était pas encore converti au christianisme.

Je résume la législation de ses successeurs : lois de Constance permettant aux membres du clergé et aux fidèles de racheter, même de force, les esclaves prostituées par leurs maîtres ; de Valentinien, commençant à relàclît* l’obligation héréditaire de la profession théâtrale ; de Gratien, libérant complètement de cette servitude les comédiennes couvcrties au christianisme ; de Théodose, interdisant d’entretenir dans les maisons privées des troupes d’esclaves musiciennes, rendant la liberté à tous les enfants Acndus jiar leurs pères, interdisant à des comédiens de vie dissolue la possession d’esclaves chrétiens ; d’HoNo-Rius, mettant lin pour toujours aux combats de gladiateurs ; de Ttiéodose II, permettant aux esclaves prostituées d’implorer le secours des évêques et des magistrats et de recevoir d’eux la liberté ; de Léon et Ànthémius, autorisant tout citoyen à se présenter devant les magistrats pour réclamer la libération de ces malheureuses, et défendant de faire monter malgré elle une esclaA-e sur le théâtre (lois de 343, 37 1, 380, 385, 391, 394. 404, 4-28, 468 ; Code Théod., XY, xviii, 1 ; VII, 2, 4 ; IIL iii, i ; XV, vii, 12 ; vui, 2 ; Code Just., i, IV, 14 ; Tiiéodoret, LIist. eccl., V, 26).

Le seul empereur du iv’siècle qui n’ait pris