Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/741

Cette page n’a pas encore été corrigée

1465

ESCLAVAGE

1466

racheter. Mais ils sont considérés comme des êtres méprisables. On les oblige à ^lorter un costume ignoble et ridicule. En certains jours de fête on les excite à boire avec excès, jjour que le spectacle de leur ivresse dégoûte les jeunes gens libres. Surtout on selFraie de la supériorité de leur nombre. Ils sont l’objet de la plus sévère surveillance. On leur tend même des pièges, aiin de supprimer le trop plein de leur population. On tue sous le moindre prétexte les plus vigoureux. L’institution de la crrptie, attestée par Aristote, est un massacre périodique d’ilotes, dont sont chargés tous les ans les jeunes Spartiates. Les ilotes étaient cependant employés à la guerre, comme auxiliaires et servants des guerriers libres : mais malheur à ceux qui se distinguaient trop par leur vaillance ! Thucydide (Guerre du Péloponèse, IV, 80) raconte l’histoire de deux mille d’entre eux qui, en récompense de leur Ijelle conduite, furent affranchis, promenés de temple en temple couronnés de fleurs, et que l’on tua secrètement ensuite. (Sur les serfs de la glèbe, et particulièrement les ilotes, voir Wallon, t. I, p. 92-125 ; Fustel de Coulaxges, Le droit de propriété à Sparte, dans Journal des Sai-ants, février, mars, avril 1880 ; Claudio Jannet, Les institutions sociales et le droit cii’il à Sparte. 2’éd., 1880 ; C. LÉcRivviN, Ilelotae, dans Dict. des ont. grecques et rom., t. II, 2’partie. 1891, p. ô^-’ji ; Castellam, // diritto internazionale prii-ato riell antica Grecia, dans Siudie docuntenti di Storiae Diritto, 1893, p. 267.)

Nous savons peu de chose des esclaves proprement dits, dans les pays où domine le servage rural ; ils étaient relativement peu nombreux, puisque dans les cités plus ou moins organisées sur le type de Sparte n’existaient ni commerce ni industrie, l’emploi des j esclaves s’y réduisant au seul service domestique. C’était tout le contraire dans les pays démocratiques, dont l’Attique demeure le type le plus en vue, mais qui comprenaient la plus grande partie de la Grèce. A l’inverse des Spartiates, les citoyens d’Athènes exercent des professions. « Nul n’y rougissait de son métier, à moins qu’il ne fût notoirement sordide ou immoral, et ce n’était pas une humiliation j)our Cléon d’être tanneur, ni pour Démosthène d’être le fils d’un armurier. » (Guirauu, ouvr. cité, p. 53.) Mais c’est au moyen des esclaves que les Athéniens étaient négociants, industriels, agriculteurs. Non seulement on y emplojait ses propres esclaves, mais encore on en prenait à loyer de maîtres pour qui cet autre genre de commerce était une excellente spéculation. Les navires, les comi)toirs. les bouti([ues, les ateliers, les mines, étaient remplis d’esclaves, — qu’il s’agît de la grande industrie, comme la concession minière où Nicias en occupait i.ooo, de la moyenne, comme la fabrique de boucliers de Kejjhalosavec 120 esclaves, de la petite, comme la fabriquc d’armes exploitée par le père de Démosthène avec 22 esclaves, ou sa fabrique de meubles dans laquelle travaillaient 20 esclaves. De même pour les champs : les petits ou mojens propriétaires de l’Allique les cultivaient directement à l’aide de leurs esclaves, car le servage et même le colonat y étaient inconnus. Atuknice VI, 272) prétend que dans l’Altiipie, qui ne dépassait guère en étendue le déparlement de la Seine, et où le nombre des citoyens s’élevait à 20.000 et celui des étrangers libres à 30.ooo, il y avait 400.ooo esclaves. Dùl-on (Wallon, t. I, p. 254) estimer ce chiffre exagéré de moitié, il n’en reste pas moins que l’immense majorité de la poimlalion, la presque totalité des travailleurs manuels, se conqiosait d’esclaves. La concurrence ser ile aail éliminé peu à peu les ouvriers libres, et réduisait à i)resquc rien le salaire de ceux qui persistaient à travailler. Aussi

l’Etat était-il obligé de recourir aux expédients pour nourrir les citoyens pauvres, les payant pour aller voter à l’agora ou pour siéger dans les tribunaux, dont le service, dans la seule ville d’Athènes, absorbait chaque année le tiers des citoyens, appelés par le sort à juger.

La situation des esclaves n’était pas très dure dans l’Attique. Leur vie était protégée, le meurtre d’un esclave par un autre que son maître étant puni à l’égal de celui d’un homme libre. Mais le maître pouvait infliger à son esclave toute espèce de châtiment : le meurtre seul était puni, et d’une peine relativement douce (voir les textes indiqués par Beauchet, art. Servi, dans le Dict. des ant., t. III, 2’partie, 1904, p. 1262). XÉNOPHON (Economiques, 2) parle d’esclaves travaillant enchaînés. L’esclave était souvent mis à la torture dans les procès, même civils, où son témoignage était requis. S’il n’était pas permis de l’injurier publiquement ou de le battre, comme à Sparte, et si on ne lui faisait pas, comme à Sparte, porter un costume qui le distinguât des hommes libres(Ps. Xénopiion, Gom-ernenient des Atliéniens, ), nulle part peut-être on ne lui montrait plus de dédain que dans l’orgueilleuse Athènes. Platon, dans sa République, blâme les maîtres qui sont durs envers leurs esclaves, k au lieu de les mépriser, comme font ceux qui ont reçu une bonne éducation ». Xénopiion (Econ., 13) s’exprime ainsi : « Les autres animaux apprennent à obéir, grâce à deux mobiles : le châtiment, fiuand- ils essaient de désobéir, et, quand ils se prêtent au service, le bon traitement. Ainsi les poulains apprennent à obéir aux dresseurs… De même les petits cliiens, qui sont inférieurs à l’homme sous le rapport de l’intelligence et du langage… Quant à l’éducation des esclaves, qui se rapproche de celle de la bête, ils sont très faciles à plier à l’obéissance. En satisfaisant les appétits de leur ventre, on se fait bien venir auprès d’eux. Il faut aussi exciter leur émulation par des distinctions, des louanges, des présents. » On a remarqué la comparaison des esclaves avec les animaux : ils étaient traités, en effet, comme tels : certaines maisons riclxes étaient conduites comme de véritables haras, et la fécondité des couples serviles subordonnée à la Aolonté et à l’intérêt du maître. « Nos esclaves, écrit Xénophon,

— qui ne craint pas de prêter à Socrate ce langage,

— ne doivent pas engendrer d’enfants à notre insu. » {Econ., 9.) Si le maître ne voulait pas élever l’enfant de l’esclave, il l’exposait. Aristote va jusqu’à permettre non seulement d’exposer les enfants, mais encore de faire avorter les femmes des esclaves (Politique, IV, XIV, 10). Comme les Spartiates, par des moyens moins cruels en apparence, mais plus immoraux (car rien ne venait limiter la fécondité des ilotes), les Athéniens arrêtaient la croissance trop rapide de la population servile. Ils ne le faisaient point par crainte, car chez eux les esclaves, très disséminés et toujours sous la nuiin du maître, se montraient rarement turbulents et dangereux comme dans les pays de servage (voir cependant Thucydide, VII, 27). Mais ils agissaient ainsi par calcul : un esclave « né dans la maison « coûtait cher à nourrir et à instruire pendant les longues années où il restait improductif, tandis qu’en Attique une somme beaucoup moindre, 200 francs, re|)résentait le prix mojen d’un esclave tout formé. (Sur l’esclavage athénien, voir Wallon, I. I. p. II 8-333 ; CiUiRAUD, Etudes économiques sur Idntiquité, p. 44-(J71 121-130 ; Brants, Ue la condition du tra^-ail lihre dans l’industrie athénienne. liew de rinstr. publique en /ielgique, 1883, p. iod-117 ; Mauri, // salario liberoe la concurrenza sen-ile in Atene, Sludie Docum. di Storiae Diritto, 1890, p. 97-1 19.)

Passons du fait à la théorie. Celle-ci n’a pas devancé