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ANIMISME

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de Tàme, qiii s’est rendue sur les bords du fleuve de la mort, mais, qui, repoussée, est revenue ranimer le corps. Les nègres de la Guinée expliquent la folie ou l’idiotie par le départ prématuré de l'àme, le sommeil est pour eux l’exemple temporaire d’une pareille absence. Puisqu’il en est ainsi, on doit chercher tous les moyens d’empêcher le départ des âmes ou même de les ramener quand elles se sont enfuies. Quelquefois on a chez les Fidjiens le plaisant spectacle d’un gros homme couché de tout son long et criant de toutes ses forces pour faire rcvenir son àme. « Le rappel des âmes est une des fonctions importantes des sorciers et des prêtres.

c) Celte conception des absences momentanées et des voyages de l'àme permet au sauvage d’expliquer les rêves et les visions. Le sauvage rêve souvent, même éveillé ; il prend son rêve pour une réalité ; il croit que les événements vus en rêve sont vraiment arrives et que les objets de ses rêves et visions existent réellement. Il s’explique les rêves de deux façons : ou bien c’est une évocation des choses A-ues par l'àme partie en exciu-sion, ou bien, c’est une visite du double de la personne ou de la chose dont il rêve. Les visions sont des apparitions réelles des âmes de certaines personnes, visibles quelquefois, mais non pour toujours et pour tout le monde.

Voilà par quel processus le sauvage et par conséquent l’homme primitif arrivent à la connaissance de l’existence et de la nature de l'àme. L'àme est donc pour lui un double de sa personne, que constitue le souffle de la respiration, le cœur, ou le sang ; dont le départ définitif se manifeste par la mort ; dont l’absence momentanée détermine les maladies, les diverses formes de l’inconscience, les rêves et les A’isions. Cette conception des àmes-fantômes ou âmes-errantes a conduit les hommes à se les figurer comme de véritables êtres matériels, modelés selon la forme du corps qu’ils animent, n’ayant d’ailleurs ni chair, ni os, ni nerfs « mais légers et subtils comme des corps purifiés, éthérés ou vaporeux ». (Cf. Tylor, op. cit., t. I, p. 53 1.)

B) SuRvn’AXCE DE l’ame après la mort. — L'àme ainsi conçue ne meurt pas avec le corps. Cette croyance à la survivance du double est une conséquence de l’animisme. Puisque les rêves et les visions s’expliquent en grande partie par la visite des âmes des morts aux rêveurs ou aux visionnaires, ces âmes sont donc toujoui’s Aivantes. Mais, toutes n’ont pas la même destinée : les unes s’incarnent successivement dans difi'érents corps ; les autres vont dans un autre séjour.

a) La transmigration des âmes peut être soit une noTivelle naissance soit une incarnation dans un autre corps quelconque d"homme. d’animal, de plante, ou dans un objet matériel. Ainsi, pour citer un exemple qie Tylor emprunte à une relation des Jésuites de la Nouvelle France, iG35. p. 130 : « Les Indiens de l’Amérique du Nord enterraient sur les bords des routes, les petits enfants qui venaient de mourir, de façon à ce que leur àme put entrer dans le corps des femmes qui passaient près de leurs tombeaux et renaître ainsi une autre fois. » En général ce sont les âmes des ancêtres ou des parents qui reviennent animer le corps des enfants, et ainsi s’expliquent les ressemblances physiques et morales et les phénomènes d’atavisme. Cette croyance en une résurrection terrestre de l'àme est tellement enracinée chez les sauvages que plusieurs d’entre eux n’hésitent pas à se suicider pour renaître ou plus heureux ou plus riches. Certaines races au teint foncé se figuraient, en voyant les blancs, que c'étaient

les âmes des morts qui revenaient sois cette forme ; d’où le proverbe : « Meurs noir, ressuscite blanc. » En outre l'àme de l’homme mort peut encore venii" animer les animaux, soit certains oiseaux, soit les ours, soit surtout les serpents, comme le pensent les Zoulous d’Afrique, qui les traitent avec beaucoup de respect.

h) La survivance du double ou àme, sans métempsychose, est une autre conception des peuples sauvages. L'àme, qui est en elle-même un principe éthéré, est capable de survivre au corps sans avoir besoin de son concours, mais le mode de son existence et son séjour ne sont pas conçus de même façon par tous les peuples.

Quelques-uns pensent que les âmes des morts continuent à habiter dans les environs de leurs anciennes demeures, et hantent surtout les tombeaux où sont ensevelis leurs corps. Elles interviennent dans les événements et s’intéressent encore à leurs parents ; certaines peuplades les honorent et cherchent à les retenir, tandis que d’autres essayent par tous les moyens de s’en débarrasser et vont jusqu'à abandonner la maison où mourut quelqu’un.

D’autres veulent que des âmes habitent un monde des esprits. Ce séjour est localisé dififéi’emment, tantôt sur la terre, dans des montagnes escarpées comme au sommet du Kina-Bolu où est situé le paradis de la race indienne de Bornéo, tantôt dans de délicieuses vallées comme le Coaibaï des Haïtiens ou dans une île placée du côté de l’Occident, suivant les Australiens.

La croyance à un monde souterrain est aussi très répandue chez les races inférieures et se retrouve dans les civilisations plus avancées ; il suffit de citer l’Amenti des Egyptiens, le Schéol des Hébreux, l’Hadès des Grecs, l’Orcus des Romains.

Quant à la condition des âmes dans ces demeures, on peut classer en deux catégories les théories des diff"érentes races inférieures. La première, qu’on peut appeler avec le capitaine Benton et Tylor la théorie de la continuation : la vie future est la reproduction de la vie présente, — et la théorie de la rétribution : les hommes changent de condition en entrant dans le monde des morts, et cette condition dépend de leur conduite sur la terre.

c) Quelle que soit la croyance des sauvages sur le mode de survivance de l'àme après la mort, — qu’elle reste dans le voisinage du tombeau, qu’elle erre sur la tei-re, ou qu’elle prenne place dans le monde des esprits, — tous admettent que l'àme ne sera définitivement en possession du repos auquel elle aspire, que le jour où elle aura reçu les honneurs des funérailles. Jusqu'à l’accomplissement de ces cérémonies, suivant le rite du pays, — que le cadavre soit enterré, exposé, ou brûlé, — l'àme est condamnée à demeurer sur la terre, et elle tourmente les vivants. De là l’importance des rites funéraires. Parmi ces usages, l’un des plus ordinaires est le banquet des morts, destiné à assouvir la faim des âmes dans le tombeau. Divers peuples y ont ajouté des sacrifices humains et d’autres pratiques superstitieuses, point de départ d’un Aéritable culte.

C) Attribution d’ixe ame analogue a celle de l’homme, aux animaux, aux végétaux et aux objets INANIMÉS. — Le sauvage donne aux animaux, aux plantes et aux objets inanimés une àme analogue à celle de l’homme ; l'àme qui est chez eux cause de la vie est séparable du corps. « Et en elTet, dit Tylor. le sauvage de l’Amérique du Xord discute avec son cheval comme si ce dernier était un être raisonnable. Les uns épargnent le serpent à sonnette parce qu’ils ^