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EPIGRAPHIE

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der de froment, de vin et d’huile, dans la paix ». On confie le seuil de la porte à Dieu et au Christ : « Ils garderont à jamais mon entrée et ma sortie » (i. e. toutes mes actions) ; « II me bénira à l’entrée et à la sortie. » On s’encourage en songeant que « c’est le Dieu des puissances qui garde l’entrée » ; « S’il est avec nous, qui sera contre nous ? » ; « Jésus, né de Marie, habite là ». Les appels à l’hôte divin se font plus pressants : « La victoire est au Christ, arrière Satan ! » ; « Le Christ toujours vainqueur est là, foi, espérance, amour. Il relève le malheureux de la poussière, il retire le pauvre du fumier » ; « Il est médecin et dissipe tous les maux » ; « Il est sauveur ». La croix participe à son rôle protecteur : « La croix est victorieuse » ; « La croix présente, l’ennemi est sans force » ; « Par ce signe je suis vainqueur de mes ennemis ».

Ces quelques détails — c’est un choix très restreint — sont des indices précieux qui nous permettent de constater combien profondément le christianisme avait pénétré ces populations, qui, longtemps, em-ent si mauvaise réputation. La même foi, les mêmes prières, les mêmes emprunts à l’Ecriture se retrouA-ent dans l’épigraphie funéraire ; mais là, ce qui ressort surtout, c’est la croyance à la résurrection. Quel devait être le sort des âmes justes, affranchies par la mort ? la vision immédiate ou l’attente, dans l’Hadès, du triomphe final ? Sur ce i^oint la croyance des premiers siècles était hésitante (Le Blant, Recueil, II, p. 396-411). Mais tous attendent jiour leurs morts la résurrection, s’attachant à cette vision d’espoir de toute l’ai-deur de leur foi. Nulle part, peut-être, cette attente de la résurrection n’est affirmée avec plus d’insistance que sur les marbres de la Lyonnaise : surrectura citm (dies) Drii adi-enerit, surrecturus in XP°, resiirrecturus cum sanctis in spe resuvrectionis vitæ aeternae, reviennent sur toutes les tombes. Le Blant s’est demandé pourquoi cette foi si explicite, si appuyée, alors qu’ailleurs elle s’exprime avec plus de discrétion. Soiqiçonnant que le dogme ne s’affirmait que parce qu’il était combattu, il a montré que, de fait, cet espoir de la résurrection, proclamé si haut, était une réponse aux doctrines gnostiques qui avaient fait tant de ravages dans la Lyonnaise (Recueil, n"’liù’j, 478 ; cf. t. II, p. 161-168 ; Nous’. Recueil, p. xxi).

On pourrait accumuler les exemples, comme aussi passer en revue les autres dogmes du credo. Quelques références suffiront. En attendant la résurrection, les corps des défunts sommeillent dans la tombe ; avant de moiu’ir, ils ont pourvu à la sécurité de leur dépouille, que la vigilance de leurs descendants entoure d’une sollicitude inquiète : des amendes, des anathèmes, des adjurations doivent les protéger contre les violateurs ; on ambitionne le voisinage d’une tombe sainte, pour bénéficier de la sécurité que garantit la présence des martyrs ; souvent même les saintes espèces déposées auprès de la dépouille mortelle lui assurent l’immunité contre les attaques du déiuon (Le Blant, Recueil, I, p. 896 suiv. et commentaire du n" 492 ; Nous’. Recueil, p. xxi ; cf. Dict. d’Arch. chrét., s. v. Ad sanctos, Ampoules de sang, notamment col. 1757-1759 ; Anges, col. 2141-2144).

On aura vite constaté que les éléments fournis par les sources monumentales ne donnent pas à la théologie historique une base indépendante suflisante. Nous pouvons du moins, grâce aux inscrii^tions qui contiennent des éléments dogmatiques, constater dans quelle mesure les écrivains ecclésiastiques traduisent la pensée de leurs contemporains ; discerner les pi-éoccupations de telles et telles générations, percevoir l’écho des querelles ; surtout retrouver quelque chose de la mentalité chrétienne des humbles, de ceux

qui n’ont pas écrit de livres, mais dont les modestes épitaphes sont venues à nous, alors que tant de savants commentaires se sont perdus. Dans ces insci’iptions, d’un grec ou d’un latin souvent bien incorrect et d’une lecture malaisée, nous entrevoyons quelque chose de ce qu’ont pensé, cru, espéré, aimé et attendu ces lointaines générations, si proches de nous dans la foi, et, du même coup, ces vieilles pierres prennent pour le chrétien qui les épèle un puissant intérêt : il y sent vibrer des âmes.

h) Sacrements. — Nous avons déjà parlé du saisissement causé par l’apparition de la Roma sotterranea de Bosio (163/J) : les Catacombes, livrant le secret du christianisme primitif, le montrèrent si voisin dans ses dogmes, sa discipline et ses symboles, de l’Eglise du xvi" siècle, dont le protestantisme proclamait la déchéance, qu’il y eut des conversions, les premières qu’ait opérées l’arcliéologie. Or, s’il est un sujet où la continuité entre la primitive Eglise et celle d’aujourd’hui soit le mieux attestée par les monuments, c’est bien sur certains points de la discipline sacramentaire. La preuve en est facile, bornons-nous à quelques détails.

Le Baptême nous apparaît, dans nombre d’inscriptions, comme une nouvelle naissance : renatuSy mv.y.c/A-Mrjijîiç, renosatus ; on en conserve la date comme celle de la naissance à la xie^Monum. Eccles. liturg., n" 4224 ; Syxtus, p. 155-156) ; c’est une illumination (^M-ricry-s ;), le baptisé est un illuminé (vii^wriTTî ;) ; il marque d’un sceau, ^-^py.yic (cf. l’inscription d"Abercius ) ; il confère la grâce, tellement que, pour signifier

« baptisé », l’expression « accepta gratia » fait

souvent place à des formules plus brèves, auxquelles personne ne se trompait : ’c consecutus », ^i perce pit » : par lui on devient « iidèle », fîdelis, pdelis factus, TTiTTîç. Voir Dictionnaire de Théologie, s. v. Baptême, col. 233-244 ; I^ict. d’Arch. chrét., s. v. Baptême ; Syxtus, p. 154 suiv. ; Doelgeh, Die Firmung in den Denhmâlern des christlichen Altertums, dans Romische Quartalschrift, 1905, p. i-41)’Le baptême des enfants est expressément attesté. Le petit Posthumius Euthemion, mort à 6 ans, venait de recevoir le baptême (Monum. Eccles. liturg., 3447) ; Ingeniosa est morte régénérée à 4 ans (Syxtus, p. 156) ; on connaît d’autres petits chrétiens de 3, de 2 et d’un an. Aucun texte ne révèle mieux la sollicitude des parents pour ces tout petits que l’épitaphe d’Apronianus, (7^0 » *' annum et menses nos’e{m) dies quinque, cum soldu (= solide) amatus fuisset a majore sua et s-idit hune morti constitum esse petis’it de Aeclesia ut fidelis de seculo recessisset (Monum., 3429). La mort vient-elle à prévenir cette pieuse hâte, on essaie de se persuader que Dieu se laissera toucher par tant d’innocence, et que la croix gravée sur la tombe couvrira de son ombre sacrée la faute originelle inefi’acée. Ainsi s’efforçaient de croire les parents du petit Theudosius, qnem pura mente parentes optabant sacro fontes baptismale tingui, improba mors rapuef, set summi rector Olimpi præstabet requiem membris, uhi iiobile signum præfîxum est cruces Chr(ist)ique vocavetor ères (Bueche-LER, Carmina epigraphica, I, 770). Sur ce dernier texte, voir Le Blant, Nous’. Rec, ° 33 1 ; Rev. d’hist. et litt. relig., XI, p. 232-239.

Comme le baptême anticipé, le baptême tardif apparaît sur les monuments éi>igraphiques. Un chrétien meurt à 35 ans, 57 jours après son baptême (Syxtus. p. 156) ; combien d’autres, enfants ou hommes faits, que la mort surprit au lendemain de leur baptême, et qui partirent avant d’avoir déposé l’aube baptismale « in albis recessit », << albas suas octabas Pascæ ad sepulcrum deposuit », cf. Dict. d’Arch.