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EPIGRAPHIE

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éléments, tous, même les plus rebelles à l’assimilation, avaient trouvé leur place dans le puissant ensemble créé par les conquêtes et la politique de Rome. S’il n’y avait pas eu fusion, il y avait unité.

Celle-ci tenait d’al>ord à un pouvoir central exceptionnellement fort, qui savait être le maître, se faire accepter ou s’imposer. Mieux encore que l’histoire générale, les inscriptions nous font entrer dans le détail de cette action puissante et continue qu’eut l’administration romaine dans toutes les parties de l’empire. Non contente de j^^ouverner de haut et de loin, elle s’insinue juscpie dans les moindres détails, faisant régner l’ordre et la dépendance partout où la prudence lui commande de ne pas imposer l’absolue sujétion,

A ce premier facteur d’unité extérieure s’ajoutaient d’autres agents d’une action jikis profonde. Les voyages, le commerce, l’immigi’ation ne créaient pas seulement des courants d’échange ; ils étaient propres à faire cheminer les idées, à propager les influences, à transmettre les éléments de civilisation. Or les inscriptions nous font assez voir qu’on voyageait beaucoup dans l’antiquité. Il suffira de citer cette femme gauloise qui lit 69 étapes pour aller en Italie « commémorer la mémoire de son mari très doux » CIL,

V, 2108) ; ces deux toutes jeunes lilles, Maccusa et Victoria, venues de Gaule en Macédoine, ob desiderium a’uitculi, et mortes peu après leur arrivée à Edesse (compléta cupiditate amoris…, fati miinus complerimt), Bull, de curr. hellén, 1900. p. b ! -2Athena, XXIII, p. 22 suiv. ; ou encore ce marchand d’Hiérapolis qui se vante d’avoir doublé ^2 fois le cap Malée

(DlTTEXBERGER, Syll.-, 872).

Dans ce dernier cas, les traversées avaient pour but le négoce. Or ce renseignement n’est pas isolé : nous suivons, aux inscriptions qu’ils ont laissées, la trace des hardis commissionnaires de l’antiquité. Nous connaissons les gros négociants organisés en corporations ou sociétés qui tiennent les grands einporia de Délos, d’Alexandrie ou de Pouzzoles ; nous connaissons leurs pourvoyeurs, par exemple ces chameliers de Palmyre dont les caravanes allaient chercher, sur le golfe Persique, les denrées d’Extrême-Orient et les convoyaient vers la côte méditerranéenne ; nous retrouvons le long des fleuves de la Gaule, les factoreries et les boutiques des détaillants étrangers. Souvent, le hasard du colportage les amenait à se fixer là où les retenait leur négoce, et c’est ainsi que les Orientaux essaimaient en Occident, marquant de leurs colonies tous les marchés de quelque importance, de Rome à Pouzzoles, jusqu’à la Bretagne et la Germanie. Cf. P. Schefi-eu-Boi-CHORST, Zur Geschichte der Syrer in Abetidlande (Mittheil. d. Instit. f. bsterreich. Geschiclitsfovschung,

VI, p. 521-550) ; L. BRKniEH, /.es colonies d’Orientaux en Occident, au commencement du moyen ài^e (Byzantinische Zeitschrift, XII, p. 1-89 ; V. Pahvax, Die Nationalitat der Kaufleute im rômisclien Kuiserreich, 1909). Marchands et soldats — l’Orient en fournissait beaucoup (cf. Scueeeeu-Boichorst, Bréuieh, Parvan)

— apportaient avec eux leurs idoles et leurs cultes, et c’est ainsi que les divinités orientales, en moins <le deux siècles, firent à peu près le tour du monde romain, recrutant ]>arlout des adeptes, s’installant dans les laraires privés ou dans les chapelles publiques, bientôt assiégées de dévots.

h) La diffusion de l’Eglise. — Il fallait rappeler tous ces faits, dont les uns allaient tourner à l’avantage du christianisme, taudis que les autres devaient lui faire échec, pour se faire une idée des clartés (des side-lights, comme disent les Anglais d’un mol expressif) que les inscriptions projettent sur l’histoire de la diffusion du christianisme.

D’une part, la grande unité impériale a facilité, dans une certaine mesure, l’unité de l’Eglise ; les communications, si largement ouvertes et si faciles, ont rendu possible l’action à longue portée des premiers prédicateurs, et expliquent comment, en un siècle et demi, le christianisme put apparaître sur toute la périphérie de la Méditerranée ; les centres orientaux, dès qu’ils se sont alimentés par des recrues chrétiennes, sont devenus des foyers religieux, qui immédiatement, rayonnèrent dans toute leur clientèle ; enfln, il n’est pas jusqu’aux cultes orientaux qui, ayant ouvert rOccident aux pensées religieuses, venues de Syrie et d’Asie, n’aient frayé la voie à la foi nouvelle, en qui ils devaient trouver une rivale obstinée et bientôt victorieuse.

Ces circonstances favorables au cléAeloppement du cliristianisme avaient ailleurs leur contre-partie. Sans parler des obstacles ii-réductibles d’ordre moral, intellectuel et religieux : corruption de la vie, déformation des esprits, scepticisme et dilettantisme qui s’alliaient aux superstitions les plus tenaces et aux absurdités sérieusement admises de la magie et de la théurgie ; sans parler des diflicultés que la religion nouvelle présentait aux esprits prévenus, — oi*igine vulgaire, patrons inconnus, morale austère, dogmatique intransigeante et exclusive, tout au i-ebours du syncrétisme régnant, — plus d’un des faits signalés plus haut devait entraver la marche conquérante du christianisme.

Nous avons constaté la diversité de caractère des provinces ; comment alors être surpris de voir la foi nouvelle faire ici de rapides progrès et là ne pénétrer " qu’avec peine ? Ainsi, en Plirygie, en Bithynie, en Proconsulaire…, elle semble avoir trouvé un sol propice, et bientôt la levure nouvelle soulève toute la masse ; mais, dans d’autres provinces de l’Asie, la résistance se prolonge, et les progrès de l’évangélisation se heurtent à des oppositions persistantes. Nous voyons subsister jusqu’au v’et au vi* siècle, les langues indigènes : mysien, isaurien, lycaonien, cappadocien, celtique, gothique, lycien… cf. Holl, Das Fortlehen der Volkssprachen in Kleinasien in nachchristlicher Zeit {/fermes, 1908, p. 2^0-254). Cette ténacité des vieux idiomes isolait les groupes’ethniques hostiles à la culture grecque, et les fermait à l’action catholique de la foi nouvelle. Aussi constatons-nous, dans la majeure partie de cette Asie qui donna à la semence apostolique sa première moisson, à côté de provinces renouvelées, des districts rebelles, où la vitalité du paganisme se maintient surtout dans les campagnes, où les superstitions séculaires gardent leurs attaches profondes, où les sectes rivales, fermées à toute action de l’extérieur, pullulent sourdement. Dans certaines proA inces, Ihostilité n’avait l)as encore désarmé à la veille du trionqihe final de l’Eglise : une inscription d’Aricanda nous a conservé une supplique des habitants de Pamphylie et de Lycie à Maximin, Constantin et Licinius, jiour leur demander de jirotéger le culte des dieux et de mettre fin au scandale impie du christianisme. Cf. Dict. d’Arc/i. chrét., s. v. Aril.anda.Ces diflicultés, le christianisme ne les rencontra pas seulement en Asie, nous les voyons fermer à l’évangélisation tout l’arrière-pays des côtes phénicienne et syrienne, qui complèrent, dès l’origine, dans les cités hellénisées de florissantes églises ; on sait jusqu’à quelle date le i)aganisme gaulois continua de se maintenir en dehors des grands centres, pénétrés d’influences asiatiques et grecques et ou erts dès la première heure à la foi nouvelle : dans une certaine mesure, hellénisation et conquêtes du christianisme se correspondent. Encore ne faudrait-il pas dépasser la I i)orlée de cette formule : de bonne heure, le christia-