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EPIGRAPHIE

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proconsuls, comme en font foi les inscriptions et les monnaies. On serait même porté à identifier le Sergius Paulus des Jetés avec I’kv^vttktî : Uy/y^o : que nous révèle une inscription de Ciiypre {/nscr. gr. ad res Roinanas pertinentes, iii, gSo).

Instruit des détails de l’administration romaine, Luc ne connaît pas moins l)ien les particularités des institutions municipales, et, à l’occasion, il note d’un mot des minuties qui eussent échappé à un observateur moins avei-ti ou à une mémoire moins fidèle.

Racontant son arrivée à Philippes en compagnie de Paul, il écrit de cette ville onç éiriv rcoirv ; tô ? uicioci Mozîôsvtîz ; 7T< ; /iç, xî/’j)V(a(xvi, 12). riçoiTr, : Philippes était-elle donc la première ville de la province (/^ï, c"0 pour qui venait de l’ouest, comme menait Paul, car Luc nous dit avoir débarqué à N£K7tî/( ; ? Rien cependant ne saurait être plus exact : les inscriiitions latines retrouvées sur l’enqjlacement de Néapolis prouvent clairement que celle localité faisait partie intég-rante de la colonie de Philippes, c’en était un <.’iciis. rè-<^vciîv. Quant au mot zî^ojvia, dont S. Luc n’est pas prodigue, il est ici parfaitement en situation, car Philippes avait reçu d’Auguste, à la suite de sa victoire sur Brutus et Cassius, le titre et les privilèges de « colonie >. La connaissance de ce fait et de la situation privilégiée de la ville put parvenir de bien des manières à la connaissance de S. Luc ; mais il lui suilisait de jeter un coup d’œil sur les monnaies de la cité qui avaient cours lors de son passage pour y lire, au revers de l’etligie de Claude, la légende : Col{oni(i) Aiig(usta) lui (ia) Philip (pensis). Colons, et donc citoyens, il n’est pas surprenant que les gens de Philippes fassent sonner bien haut leur titre de a Romains » (xvi, 21), ce titre dont S. Luc, au contact de Paul, a appris la signification précise, et qu’il emploie habituellement aACC sa valeur politique (xvi, 37, 38 ; XXII, 25, 26, 27, 29 ; XXIII, 27).

Un miracle de Paul ayant réveillé le fanatisme, Paul et Silas sont appréhendés (xvi, 18-19) ; ^^ ^^^ traîne sur l’agora vers les magistrats (iri riv ; y.oy/y-y : v.ç) et on les fait comparaître devant les stratèges (7rpo7v : /v.yd-, rti cùro’ji rotç Txyy.rr/’Az). Ces deux désignations ont toute la précision désirable : le premier titre peut être considéré comme une dénomination générique des hauts fonctionnaires de la cité ; le second désigne plus particulièrement le^duoyiri iitre dicutido (’avaient, par ollice, la juridiction civile et criminelle, dans les limites prévues par la loi, et par conséquent qualité j)our punir le voyageur turbulent dont le [irivilège civi(|iu’n’était pas soupçonné. Cf. Pai’i.y-Wissoava, RealencYilopiidie, V, s. v. diio%’iri : IL Sciiim.kr u. M. Voiot, Die rôni. Staats-Kriegs-u. Privataltertluimer. p. 177 ; Likbrnam, Sttidte ^enyallung. t. 286 suiv. ; W. M. Ramsay, >'. Paul (lie Tia’eller, p. 212 ; du même, Tlie l’hllippians and tlieir magistrales. Journal of tlienl. Studies, I, p. 1 1 /|-i 16.

De Pliilippes, les’voyageurs gagnèrent Thessaloni<Hic, où lu- h’s attendaient pas de moindres dillicultés : le far : atisme juif ne désarmait pas. En effet, Pavil n’avait jtas parlé pendant trois sabbats dans la synagogue que les Jnifs exaspérés mettent la ville en émoi. A défaut de Paul, sou hôte est traîné devant les « politar([ues » (xvii. 6-8). Ce titre était tellement insolite qu’on a voulu croire tout au moins à une faute matérielle dans la tradition manuscrite des Actes. Mais, si aucune source littéraire, à part S. Luc, ne nous signale l’existence de TOJtrv.py/.i en Macédoine et spécialement à Thessaloniquc, l’éjjigraphie est là pour attester leur réalité. Ils ai)[)araissent nolaiiiment clans plusieurs inscriptifuis de Tliessalonicpie. ef, V. g. Ch. MicuF.i,. Recueil d Inscriptions grecf/ucs, 1287 ; LiEiîicN.vM, St(idterveraaltung, p. 298 ; six de

ces inscriptions reproduites par M. ViGouRou ::t, Le Nou’eau Testament, 1. III, ch. iv.

A son retour de Macédoine et d’Achaïe, Paul passa par Ephèse ; il y revint au cours de sa troisième mission et y séjourna deux ans (xix, 10). C’est au cours de cette prédication [)rolongée que se produisit l’incident raconté au chap. xix des Actes, la sédition des « argentiers » Je ne sais si les Actes renferment des pages plus vivantes et plus mouvementées que ce petit récit de 16 versets ; nulle part, en tout cas, les mouvements tumultueux et irréfléchis de la foule n’ont été saisis et rendus avec plus de vérité. Mais ce qui nous intéresse davantage peut-être, c’est la richesse de connaissances et l’étonnant don d’observation que cette page décèle chez S. Luc. Il n’y a pas un détail du récit qu’on ne puisse appuyer de multiples citations d’inscriptions contemporaines. Si la corporation des c/.çyjf, o/.6~’.i, si puissante à Ephèse, ne nous est connue que par S. Luc, du moins en trouve-t-on de sendjlables à Smyrne (CIG, 3154) et à Palmyre (^Y.DDIXGTo^^ 2602) : 6 r.Y^p^y/.c-’-ji /.v.l yyj- ; ’y-/c’^i. Comme le fait remarquer M. CHAPOT(£fl prOi’ince romaine proconsulaire d Asie, p. 516), la mode était alors de déposer dans le sanctuaire, comme hommages à la déesse, des objets, parfois en marbre ou en terre cuite, en argent quand le pèlerin était riche, représentant une statuette ou afTectant la forme d’un petit temple, d’oii le nom de vKc ; qu’on leur donnait (xix, 2^). Le nombre de ces ex-voto était considérable ; un collège de jyo’^opci les portait dans les processions. La corporation vivait des pèlerinages : ce détail concorde au mieux avec ce que nous savons de la célébrité mondiale du temple d’Ephèse à l’époque romaine. Menacés dans leur négoce, les argentiers se réunissent tumultueusement au théâtre. ous pouvons reconstituer le cadre de la scène ; carie théâtre, fouillé d’abord par WooD (1866), a été entièrement dégagé par les archéologues autrichiens, de 1897 à 189g, cf. Pacly-Wissovv. , Realencrclopâdie, ^.. Ephesos, col. 28167. Dans cet immense fer à cheval, de i^o mètres de diamètre, pouvant réunir 24.500 personnes, ce sont des ois et des acclamations sans On ; deux heures durant (xix, 3^), la foule hurle : ixc/c/.’rr, >, Aprsyi :. Ce trait suflirait à révéler un témoin, car le populaire ne pouvait acclamer sa déesse autrement qu’en emplo ^’ant le titre même que les inscriptions lui donnent ; cf. Woou, Discoi’eries at Epliesus…, Inscriptions from tlie great Théâtre, n° i passim ; Seymocu DK Ricci, Proreedings of the Soc. of Inhlical Archæology, XXXIII, p. 396 et suiv. Comme dans les inscriptions, dans les Actes. Osc’i et Ozci sont employés alternativement pour désigner la déesse. D’ailleurs, S. Luc connaît les traditions é[)hésiennes, le « liscours du « secrétaire > eu fait foi (xix, 35). De fait, Ephèse se glorifiait d’être néocore d’Artémis ; elle le fut aussi des Césars divinisés, et ce doulile fait a de muitii)lesattestations aussi bien dans les inscriptions (v. g. DiTTENnKKGKH, Orii’ntis Græci, ! Si. /igS, 49^5 Srlloge-, 656) que sur les monnaies (Chatot. op. cit., p. 44’î suiv.). Il n’y a pas jusqu’à l’allusion mythologique au ôiîrsTù qui ne ré[)oiule exactement au contenu de nos sources (cf. Bkxndorf, Forschungen in Ephesos, I, p. 237 suiv., passim)- S. Luc ne touche pas avec moins de sûreté aux institutions locales : le /pv.u.iLCf.rsùi qui intervient, secrétaire ilu sénat ou du peuple, était un personnage, et l’on s’explique aisénunif l’ascendaul ([u’il jtrit tout de suite sur la foule. Son discours, si bref qu’il soit (xix, 35-40). n’est pas un résumé décoloré, il est plein défaits. Il est visible que l’orateur s’inspir(> d’aliord de la législation, qui châtiait certains délits touchant au culte. Or Woon a découvert, dans le théâtre, un texte, d’après lequel