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ANIMISME

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corruption effrénée qui régna siu' la terre avant le déluge. Pour nous, ces fils de Dieu sont les descendants de Seth qui formaient, i)ar opposition aux descendants de Gain, la race bénie et choisie ; par les mariages entre séthites et caïnites le mal s’introduisit dans les familles patriarcales. Mais les Juifs traduisaient ces mots par les « anges de Dieu » ; Pliilon et Josèphe sont les témoins de cette tradition rabbinique. Un Juif, écrivant sous le nomd’Hénocli, le patriarche antédiluvien, avait même composé un petit roman sur ce sujet (cf. Adolphe Lods. Le Ih’i-e d’Enoch, fragments grecs découverts à Akliniîm, p. 12 et ss.). Ce livre, très lu par les Judéo-Chrétiens, le fut aussi par les premiers écrivains ecclésiastiques convertis du paganisme à la foi chrétienne, et comme ils trouvaient dans TEpître de l’apôtre saint Jude (v. 14 et s.) une citation de cet apocryphe, laquelle se rapportait d’ailleurs à un tout autre sujet, ils crurent trop facilement à la valeur delà tradition juive sur le mariage des anges. Cette fable fut énergiquement condjattue, au ia' et au v" siècles, par saint Jean Clirysostome (Hoviil. in Ge72., xxii. P. G. LUI, 187 et ss.), Théodoret (Quæst in Gen., vi. P. G. LXXX, i/JS et s.), saint Cyrille d’Alexandrie (Glaphyr. in Gen., lib. II. P. G. LXIX, 52 et s.), saint Augustin (De çi-it. Dei, lib. XY, c. XXIII, 4- P- L- XLI, 470 et s.), etc., et bientôt elle fut bannie pour toujours du domaine de la théologie.

Mais cette erreur en a^ ait entraîné une autre, à savoir la croyance à la matérialité relative des anges. Les écrivains des premiers siècles voyaient dans les apparitions de ces esprits sous forme humaine une confirmation de leur opinion erronée. Du verset 4 du psaume cm : « Celui qui fait ses anges esprits (ou vents) et ses ministres feu dévorant (d’après les Septante) », ils concluaient à l’existence d’un corps éthéré ou igné chez les anges.

Cette erreur fut de bonne heure contredite par plusieurs Pères, notamment par saint Jean Chrjsostome (Jn Joann., honiil. xv. P. G. LIX, 98), par Théodoret {Quæst. in Gen., c. i, P. G. LXXX, io4), par le pseudoaréopagite, qui ne traite pas, il est Arai, la question ex professa, mais qui suppose toujours l’absolue spiritualité des anges, comme l’ont bien compris les scolastiques. Cependant, il faut en convenir, 1 unité sur ce point de doctrine ne s’est pas faite dans l’Eglise avant le xiii^' siècle. C’est que l’erreur du corps angéliqiie éthéré était beaucoup plus subtile que la fable des mariages mixtes et qu’elle n’entraînait pas d’aussi fâcheuses conséquences povu" l’ensemble des vérités révélées.

Comme la fort bien expliqué un savant théologien (Palmieri, De Deo créante et ele’ante, p. 162 et s.), il faut distinguer soigneusement entre l’existence d’un dogme et la conception plus parfaite de ce dogme. L’existence des anges est une vérité révélée, et jamais le moindre doute ne s’est élevé sur ce point parmi les anciens Pères ; mais la nature toute spirituelle des anges n’avait pas été annoncée aux hommes avec la même clarté ; il n'était pas impossible même de noter certains indices, plus apparents que réels, qui pouvaient suggérer l’idée d’une spiritualité plutôt relative. Car c’est bien ainsi que la question se posait ; jamais les écrivains ecclésiastiques des trois premiers siècles n’ont admis que les anges fussent pourvus de corps grossiers comme les nôtres, et cette simple constatation diminue beaucoup la gravité de l’erreur dans laquelle ils sont tomblés.

Le dogme est susceptible de progresser non pas en lui-même, mais dans l’esprit des hommes auxquels il a été révélé ; par la réflexion et l’analyse nous devenons capables de concevoir mieux ou moins imparfaitement certaines vérités qui ont toujours été crues, mais quelquefois assez mal comprises. C’est ce

qui s’est passé pour la question de la spiritualité des anges. Interprétée d’abord avec une sorte de grossièreté philosophique, elle a été ensuite pleinement élucidée par les théologiens du xiii= siècle. Ceux-ci ont fait voir que les apparitions sous forme humaine ne snftisaient pas à trancher la question, puisqu’un corps aérien, revêtu par l’ange pour le temps de sa mission, explique raisonnablement ces apparitions (Siunnia theoL, p. I, q. 51, a. 2.) Enfin ils ont montré qu’un anneau eût manqué à la chaîne des êtres, s’il n’y avait pas eu entre Dieu et l’homme de purs esprits, de pures intelligences créées et que la perfection de l’ensemble aurait souffert de cette lacune. Dieu aime l’ordre, et toutes ses œuvres immédiates sont harmonieusement ordoiinées ; or il semble que l’ordre de l’univers n’eiit pas été parfait, si Dieu n’avait reproduit l’image de sa nature dans des substances incoi’porelles (Suarez, De Angelis, lib. I, c. vi, n. 23).

Bibliographie. — Petau, De Angelis, lib. III. — Pseudo-Aréopagite, De cœlesfi liierarchia, P. G. III, 120 et ss., traduit par Darboy dans les Œin’res complètes de saint Denrs VAréopagite, 2' édit., 1896, p. i-6g. — Saint Thomas, Sunuua theoL, p. i, q. i et ss. — Suarez, De Angelis. — Dom Calmet, Dissertation sur les bons et sur les mauvais anges. Commentaire littéral, Les E-angiles de saint Marc et de saint Luc, p. 20y-244- — Palmieri, De Deo créante et élevante, p. i, c. 11, art. i, p. 150-214 ; p. ii, c. II, art. 2, p. 439-490. — Alexandre Guillemin, Les Anges de la Bible, 2 vol. in-8°, 1854 (où l’on trouvera réunis et traduits tous les textes bibliques se rapportant aux anges). — 'S'^igouroux, Dictionnaire de la Bible, t. I, art. Ange, col. ô'jô-Sgo. — Vacant-Mangenot, Dictionnaire de Théologie catholique, t. I, articles Ange et Angélologie, col. 1189 12y i.

J. Soubex, O. s. B.


ANIMISME. — I. Généralités et Historique. — II. Exposé détaillé de l’animisme. — III. Critique de l’animisme. — IV. Conclusions.

I. Généralités et Historique. — En philosophie, l’animisme est une doctrine signifiant que la vie est causée dans les êtres vivants par une àme et que dans l’homme, cette àme, principe de vie, n’est pas distincte du j)rincipe de la pensée.

Il ne s’agit pas ici de cette doctrine philosophique. Le terme d’animisme a été choisi par Edward Tylor pour désigner son hypothèse sur l’origine de la religion. Dans ce sens, l’animisme n’est pas une religion, ni un système de philosophie, mais une croyance en des êtres spirituels conçus sur le modèle de l'àme ' humaine, dont l’homme primitif fit un jour en luimême la découverte. « En employant ce terme, dit Tylor, pour désigner la doctrine des esprits en général, nous affirmons pratiquement que les idées relatives aux àines, aux démons, aux divinités et aux classes d'êtres spirituels sont toutes des conceptions ayant une nature analogue, mais que la conception de l'àme s’est produite la première. « (Cf. Tylor, I-a civilisation primitive, tome II, p. iG3.)

L’animisme est donc une manière propre aux races primitives, de concevoir et d expliquer soit les faits, biologiques, normaux ou anormaux, qui se manifestent dans l’hoinme individuel, soit les événements de la vie, soit les phénomènes de la nature. Cette conception primitive de l’homme et du monde, présenterait tout comme vivant et animé, par analogie avec l’homme ; dans l’homme, elle attribuerait le