Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/703

Cette page n’a pas encore été corrigée

1389

ENFER

1390

TIN, Serm. xxii, 3, />. L., XXXYIII, 150 ; De Civ. Dei, XIII, XI, /*. A.. XLI, 385 ; Cyrill. Alex., Z)e exituan., P. G., LXXYII, iOy5 ; Chrys., AcITIieodar., laps. P. G., XLVII, 289. — L’opinion de Saixt-George Mivart, sur le Bonheur dans l’enfer, JS’iueteenth Century, déceml)re 1892, a été condamnée jiar la Congrégation de l’Index, 1893.

III. Durée de l’enfer. — ° Le dogme et ses adversaires. — L’enfer est éternel ; il n’aura point de lin. Jamais les damnés ne verront Dieu, jamais ne s'éteindra pour eux le feu qui les torture. Si efl’rayante que soit pour nous cette pensée, aucune obscurité ne peut être invoquée dans les définitions de l’Eglise. Le supplice des réprouvés avec le diable sera perpétuel, comme la gloire des élus avec le Christ sera éternelle. Ce sont les termes du quatrième concile de Latran (1215), renouvelant contre les Albigeois la condamnation déjà portée par le cinquième concile œcuménique contre la doctrine origénisle de la restitution finale. jE’mc/u/'., n. 211, ^29 (356).

Il n’est pas étonnant que ce terrible mystère de la justice de Dieu ait ému en tous les temps la raison humaine, trop portée à mesurer la durée de la peine moins sur la gravité que sur la durée de la faute, tout au moins impuissante à concevoir qu’une minute d'égarement, non réparée volontairement, dût être payée d’une éternité de soulfrance. Dès le début du m* siècle, Origèxe mettait en crédit dans les rangs de nombreux fidèles sa théorie du salut universel, ou de la réintégration de tous les damnés, même des démons, dans le bonheur, qui leur était primitivement destiné, de la vision divine. Reprise par les protestants modernes, la doctrine de VUniversalisme a trouvé dans Ritschl un défenseur zélé ; elle est devenue, par lui, dans les limites du bonheur naturel de l’au-delà, une des thèses fondamentales de la théologie libérale. Cf. Grétillat, E.rpusé dethéol. dogm., t. IV, j). 619 ; Fréd, Farrar, Eternal liope, 1877. C’est d’ailleurs, en propres termes, la doctrine rationaliste. Cf. Jules Simon, La religion naturelle, p, 333.

A côté de cette thèse absolue, qui finit par identifier le sort de tous les êtres intelligents, indépendamment de leur conduite morale, le docteur anglican Edouard Wiiite a mis en cours, dans la seconde moitié du dernier siècle, une théorie qui heurte moins directement le principe de la justice et qui a trouvé en Angleterre d’innombrables adhérents, le système de V Immortalité conditionnelle. L'àme humaine, d’après cette théorie, ne serait pas immortelle par nature, mais seulement apte à le devenir. L’immortalité devrait êli"e considérée comme un don gracieux que le Rédempteur est venu concéder à ceux qui obéissent à sa loi, à ceux-là seulement. Les autres, ceux qui refusent ce don, restent voués à la loi de nature, qui est la loi universelle de mort. Après un temps indéterminé réservé à l’expiation de leurs fautes, ils seraient anéantis, jiuisqu’ils n’ont aucun droit à la réconqiense. Mais il était en leur pouvoir de jouir du bonheur éternel, la rectitude de leur vie étant la condition même de leur immortalité. Life in Christ, p. ! l sq. On trouvera dans Pui' : vost-Paradol, Essais de politiejue et de littérature, 3' série, dans Petavel-Oi.lik, Prubli-me de l’immortalité, 1892, dans les articles de Ch. Bysk, Resite chrétienne, no. 1892, tous les éléments de cette doctrine, dont le Darwinisme, en atru-maut le i)rincipe de la survivance du plus apte, a fait pour une grande part le succès. C’est aussi un professeur d’histoire naturelle à l’Université de Glasgow, M. Drimmond, qui a contribué le plus puissamment à vulgariser cette idée d’origine socinienne, dans son ouvrage :

Les lois de la nature dans le monde spirituel, ouvrage répandu à jikis de cent mille exemplaires.

2° Objections scripturaires. — Tout l’effort des adversaires du dogme de l'éternité des peines, lorsqu’ils posent la question sur le terrain purement théologique, consiste à restreindre l’acception du mot éternel dans le texte décisif de saint Matthieu : « Allez, maudits, au feu étei’nel. Discedite a me, maledicti, in ignem aeternum. » Mat., xxv, 4'. Le sens de ce terme est pourtant des plus clairs et des mieux établis.

Il convient d’observer tout d’abord que l’acception habituelle du mot aeternus, atcivts ; , comprend, dans les livres du Nouveau Testament, où il est employé 71 fois, une durée qui n’a point de fin. De ces 'j textes, il en est 7 qui s’appliquent aux j^eines des damnés (Mai., xviii, 8 ; xxv, 4', 46 ; Marc, iii, 29 ; II 7'hess., i, 9 ; Hebr., vi, 2 ; Jud., 7) et dont nous n’avons pas à dégager immédiatement le sens, puisqu’ils font précisément l’objet de la discussion. Parmi les autres, 64 textes n’admettent aucune ambiguïté dans l’acception du mot Ktojvto ; , qui s’applique 3 fois à l'éternité divine, 55 fois à la vie bienheureuse, 2 fois {Hebr., xiii, 10 ; Apoc, xiv, 6) au fruit de la Rédemption, dont on ne peut dire qu’il a une durée limitée dans le lenqjs. Quatre textes seulement peuvent admettre une interprétation restreinte du mot éternel, pris au sens tropologique de durée reiatiAC et finie (Rom.. yii, 25 ; I1 Tim., i, 9 ; Tit., i, 2 ; Philem., 15). Mais ces quelques rares exceptions, que l’on pourrait d’ailleurs discuter, n’infirment en rien la règle habituelle qui consacre au sens indéfini l’emploi de l’adjectif. Ki’oJvii ?, pas plus que l’application figurative du mot dii-in aux créatures ne peut lui enlever son sens obvie et régulier d’attribut exclusif du Créateur. Dès lors, il est naturel d’entendre en son sens propre le terme « (civii ; dans tous les passages où aucun indice ne révèle que ce terme implique une acception diflërente, et si des raisons positives viennent affirmer encore le caractère d’indéfinie durée que ce mot porte d’ordinaire avec lui, aucune subtilité, aucune violence d’interprétation ne pourra lui imposer, même dans les limites du probable, un sens infléchi de durée temporaire qui serait, dans l’espèce, la négation de ce mot par lui-même (car le mot éternel signifierait non éternel) eu même temps qu’une violation absolument arbitraire des lois les plus essentielles du langage.

Or, précisément, aucune donnée du contexte ne laisse supposer que, dans cette sentence solennelle, portée au nom de la suprême justice et de l’infinie sainteté, Notre-Seigneur ait pu recourir à un emploi métaphorique d’un terme qui a un sens propre aussi nettement iléfini. Toute la suite des paroles de X.-S. est siuq)le, familière, d’une parfaite sérénité : tous les termes ont leur valeur habituelle, la plénitude de leur sens. — D’autre part, de l’aveu même des adversaires, ce même terme yfojvisç, appliqué aux élus dans ce même passage, signifie purement et simplement l'élernilé, la durée qui exclut la fin. Entre les deux formules de cette sentence, celle qui récompense et celle qui punit, la corrélation est manifeste, et, de l’une à l’autre, le même terme soumis au même emploi doit, logicjuement et de toute nécessité, retenir le même sens. — De plus, N.-S. a pris soin d’avertir le pécheur que ses jugements porteraient la marque rigoureuse de sa justice. Mat, v, 26, etc., ef nombreux sont les passages où la peine dont sont menacés les prévaricateurs est présentée sous une forme négative et alisolue qu’il est impossible de concevoir en un sens figuré ou d’interpréter en un sens relatif : « Ils n’entreront pas dans le royaume des cieux, » Cf. Mat., , 20 ; Ko ; -., vi, 9. 10 ; xv, 10 ;