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ENFER

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tère effrajant pour notre imagination, et qui leur rient du dehors, sous l’action de la créature instrument des vengeances divines : la peine du feu. « Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel qui a été préparé au démon et à ses anges. » Telle est la sentence du Souverain Juge. Matth., xxv, 4’Mais cette parole tei-rible, dont personne n’admettrait la vérité si elle ne sortait de la bouche même de Jésus-Christ, comment convient-il de l’entendre ? Faut-il la prendre au pied de la lettre, dans son sens obvie ? Ou bien est-il permis de n’y voir qu’une expression métaphorique, représentant pour le damné une peine morale, une sorte de fièvre du desespoir ? Les rationalistes, qui admettent volontiers la peine du dam comme un corollaire logique des prévarications du pécheur, sont unanimes à rejeter avec Calvin, Instit. christ, relig., 1. III, c. xxv, n. 12, comme une cruauté inutile, le supplice des flammes éternelles, et l’on trouvera des affirmations de même nature dans les ouvrages de quelques théologiens aujourd’hui oubliés, influencés incontestablement par les déclarations peu théologiques de M. de Pressy, évêque de Boulogne. — Cf. Migne, Démonstrations éyangéliques, t, I, p. i/Js, note 3.

Il est de foi qu’il y a pom- les damnés une peine pos-itiAC distincte de la peine du dam. Cf. Innocenta III décréta, Enchir., n. 410(341). Mais si l’Eglise n’a pas défini le caractère propre de cette peine, l’existence d’un feu réel, tourment des damnés en enfer, n’en est pas moins une de ces Aéritès qu’il serait téméraire de nier contre le sens apparemment obvie des textes scripturaires et l’interprétation concordante de la tradition. A part le seul Catharin dans son opuscule De bonoruni præmio et supplicio maloriim aeterno, les théologiens sont unanimes à revendiquer cette vérité comme une doctrine qui s’impose à l’assentiment des fidèles. Une des principales difficultés pour l’apologiste étant de fixer le degré de certitude qui revient à cette thèse, il n’est pas inutile de reproduire ici lestextesles plus saillants : « Verissinie auctoritate sacri eloqtiii et catholicæ veritatis p/ohatiir testimonio, corporaliter materiali igné animas etiam nunc ante susceptionem corporum cruciari » Hugues de Saint- Victor, De sacramentis, II, 16, P.L., CLXXVI, 584- — « Absque Anhieiaie corporeus ignis cruciat dæmones, quod fide teneo. » Albert le Grand, In IV, d. 44, q- 34. — « Qaidquid dicatur de igné qui anijnas separatas critciat, de igné tamen qiio criiciahuntur corpora damnatorum post resurreciionem oportet dicere qiiod sit corporeus. » Saint Thomas, In IV, d. 44, q. 2, a. i. — « Falsa et contra Scripturam sententia contraria. » Richard de Midletoavn, In IV, d. 44, q- 3. — « Qnæstio illa apud fidèles non est dubia.). Durand de Saint-Pourçain, In IV, d. 44, q. 10. — « Opposition asserere esset error. m Tolet, In I, dist. 64, n 3. — « Hæc conclusio adeo est certa ut oppositum i’el sit error vel proximum errori. » Bannez, In I, dist. 64. — « Certa et catholica sententa est. — Suarez, De Angelis, 1. VIII, n. g. —

« Omnes doctores conveniunt et oppositum asserere

esset error ». Petav., In I, dist. 64, q. 3. — « Satis patet doctrinam… communem atque adeo ecclesiasticam esse^ cui proinde non sit resistendnm. » Estius, In IV, d. 44, q- 12. Etc. — Conformément à cet enseignement constant de la théologie, la sacrée Pénitencerie, interrogée si l’on pouvait absoudre un pénitent qui n’admettait en enfer qu’im feu métaphorique, répondit, le 30 avril 1890 : « Ilajusmodi pænitentes diligcnter instruendos esse et pertinaces non esse ahsoli’endos. » Aucun doute n’est donc permis au catholique : l’Eglise ne reconnaît point au fidèle le droit de rejeter l’existence d’un feu réel dans l’enfer, et sa pensée est exprimée nettement dans sa liturgie :

Fla ?nmis ne urar succensus

Per te, Virgo, sim defensns.

Elle ne fait en cela qu’interpréter dans leur sens obvie les paroles du Souverain Juge : Ite in ignem aeternum, el logiquement, en vertu des lois les mieux établies de l’herméneutique, cette interprétation s’impose.

C’est, en effet, une loi constante du langage que les hommes emploient habituellement dans leur acception propre les termes dont ils se servent, et qu’ils ne recourent que par exception à l’emploi des figures, en dehors des poèmes et de certains genres littéraires. Encore la métaphore et, en général, l’acception troijologique des termes doivent-elles être faciles à reconnaître ; et si cette loi s’impose dans le langage ordinaire, il est évident qu’elle est de stricte rigaieur dans toutes les propositions qui ont pom* objet de définir une vérité, d’imposer une obligation, d’engager la conduite, dans la promulgation d’une loi ou d’un précepte, dans la formule d’un jugement ou d’une sentence . Aucune équivoque ne doit être possible, aucune obsciu’ité ; et spécialement en ce qui concerne l’interprétation des Ecritures, c’est à bon droit une règle fondamentale que l’interprétation métaphorique doit être admise là seulement où le sens littéral, qui est le premier et le plus naturel, ne peut être maintenu sans être manifestement en ojjposition soit avec le texte ou le contexte, soit avec les passages parallèles, soit avec la nature même du sujet.

Il est aisé de reconnaître que l’ensemble de ces principes trouAC directement ici sa juste application. Remarquons d’abord que le mot feu est de ceux dont l’usage est le plus fréquent et que son emploi, dans toutes les langues, est rarement métaphorique, surtout dans le sens de peine intérieure, et il n’est pas d’exemple où ce mot signifie une peine morale imposée à quelqu’un par sentence judiciaire. Loin de là, chaque fois que ce terme est employé dans la Bible pour désigner un châtiment infligé aux pécheurs, même dans les passages du Ijrisme le plus élcA^é, il est toujours entendu dans son acception matérielle, dans sa réalité phj-sique. CL Job, xx, 26 ;  ; / «  « ?///<., xai, 20 ; Ps. XX, 10 ; cxxxix, 1 1 ; X, 17 ; Is., xxxia’, 14 ; Eccle. ; XA’i, 19 ; XXI, 20 ; Marc, ix, 42, 44, ’Mat., xiii, 38, 42 : Luc, XAI, 24 ; XII, 5 ; Apoc, xia-, 20 ; II Thess., 1, 8 ; Hehr., x, 20, 27 ; Jud., xxii, 23. Voir encore, pour la description détaillée de ce châtiment par le feu : Eccle., -S.-S.1, 10 ; Mat., , i ; Apoc, xxi, 8 ; xia’, ii, Ps. xcvi, 3 ; Is., xxxiA% 14 ; Luc, xa’i, 24 ; Jo., xa’, 6 : Ilébr., X. 26 ; Apoc, xix, 20. Nulle jiart le mot feu n’est détourné de son sens obA’ie pour signifier une peine morale, une douleur dont l’àme sei’ait le principe. De plus, les faits bibliques montrent précisément, dans des circonstances mémorables, l’exécution répondant à ces menaces, et le feu, un feu réel, se faisant pour les grands coupables le justicier de Dieu. Ainsi sont châtiés Sodome et Gomorrhe, Gen., XIX, 24 ; Nadab et Abiu, I.ev., x, 2 ; les princes eiivoyés à Elie, IV lîeg., i, 14, et il est à noter que ce feu Aengeur apparaît, dans les textes du Nouvcau Testament, comme le symbole du feu de l’enfer. Cf. II Petr., ii, 6 ; Jud., 7.

Un terme dont le sens biblique est aussi précisé, s’ofTi’e naturellement aACC son sens obAÎe et habituel dans un passage solennel qui n’admet point les locutions métaphoriques. Tout le discours du Christ est d’une simplicité absolue. Avix apôtres qui l’interrogent familièrement, le Sauveur répond dans un langage également familier, et les figures de mots sont proscrites même des paraboles qu’il propose. Et dans la sentence elle-même, la plus grave de toutes les sentences que jamais la justice divine puisse prononceiv