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ENERGIE

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fait la loi de la conservation de Ténergie ». La difTérence ne tient pas, comme semble le dire Oslwald, à l’origine pins récente de ce second principe. Elle tient, pour beaucoup, au mot énergie lai-mcme. Thomson a défini ce mot d’une façon qui ne prête à aucune ambiguïté, mais le mot, qui n’était pas neuf, prêtait à un sens tout différent, et qui est celui dans lequel l’emploient encore aujourd’hui, à tort, beaucoup de personnes. Le public emploie le mot énergie dans le sens de pouvoir d’action sur le monde, de possibilité de produire des phénomènes, de capacité de produire du tra’ail. C’est cette notion fondamentale qui, par une confusion fâcheuse, a longtemps été appelée d’une façon absolue, « la force ». Mayer, en iS^a, parlait de la force. Helmholtz proclamait, en 1847, ’< la conservation de la force ». C’est cette notion que, plus correctement, Sadi Carnot appelle « puissance motrice », Maxwell « énergie utilisable », et plus tard Helmholtz, en 1879, « énergie libre » ; elle est très différente de ce que lord Kelvin a défini 1’l’énergie ». — Les deux notions se confondent, si l’on reste dans le domaine de la mécanique pure.’( Energie » et’( puissance motrice » sont dans ce cas une seule et même chose. Mais dès qu’interviennent des j)liénomènes thermiques, ces deux grandeurs se différencient ; et dans un système fermé, tous les phénomènes qui s’accomplissent ont pour effet de diminuer la puissance d’action intérieure, la capacité de travail, et, en définitive, l’utilité et la valeur du système matériel, sans diminuer i)our cela « l’énergie », telle que l’a définie lord Kelvin. Et le public ne prend intérêt à cette loi de la conservation de l’énergie dans un système fermé, que parce qu’il croit à la conservation de la « puissance motrice » ou de la

« capacité de travail » du système, conservation qui

n’est pas vraie. L’emploi de la formule « Rien ne se perd » a contribué largement à maintenir la confusion ; c’est une formule qui devrait être bannie des ouvrages de vulgarisation et d’enseignement. La première observation à présenter au sujet de l’idée d’énergie est donc que, dans la pratique courante, le mol énergie est l’objet d’un véritable contresens. Circonstance éminemment fâcheuse, que les physiciens et les professeurs s’attachent à faire disparaître, mais qu’on ne peut suj)primer d’un seul coup. Et bien souvent la réfutation des idées fausses qui se sont greffées sur le « Rien ne se perd » devrait être précédée d’une réfutation préalable du contresens commis sur le mot énergie.

VI. Application de la science de l’énergie à l’être vivant. — Pour les gens qui eulciulciit correctement le mot énergie, plusieurs questions se posent qui peuvent intéresser la philosophie.

Les principes de la conservation et de la dégradation de l’énergie sont-ils applicables aux êtres vivants et à l’homme en particulier ? Les j)hj’siologistes ne le mettent ])lus guère en doute, et l’on peut dire que la réponse affirmative, conforme à toute la direction de la science contemporaine, est en accord avec toutes les expériences, sans qu’il faille se dissimuler toutefois que la démonstration expérimentale est loin d’être d’une parfaite rigueur.

Pour la conservation, le résultat n’est pas contesté ; dejjuis Robert Maveh, cpii fut i)récisénjent conduit à l’énoncé du prinei|)e de l’écpiivalence j)ar ses observations sur les animaux. L’animal tire de l’alimentation toute l’énergie qui lui est nécessaire pour nuiintenir sa température malgré le refroidissement (puproviupie le milieu extérieur, et jjour effectuer du lraail musculaire.

Les aliments sont ])rùlés par l’oxygène respiré ; l’énergie chimique, mise en jeu dans cette combustion.

est ainsi la source et de l’énergie mécanique animale et de l’énergie calorifique. Pour la même activité respiratoire, l’animal s’échauffe moins s’il travaille, car une part moindre de l’énergie de combustion des aliments est mise alors sous forme calorifique. Si l’animal s’échauffe en général en travaillant, c’est que l’activité respiratoire est alors beaucoup augmentée ; mais il faut aussi, pour que le régime puisse durer, que l’alimentation soit augmentée en conséquence. En enfermant un animal, — ou un homme, — dans une cage où il fait un travail mécanique (treuil de carrier, motocycle actionnant une dynamo), et cela plusieurs jours, et en le soumettant à un régime, on a pu voir l’équivalence entre l’énergie qu’il produit en travail et en chaleur, et l’énergie dépensée pour l’alimentation. On a pu même comparer de la sorte les pouvoirs d’alimentation de diverses nourritures (sucres, corps gras, alcool).

L’application du principe de Carnot a longtemps été plus discutée. L’énergie chimique, mise en jeu dans la combustion des aliments par l’air respiré, fournit à la fois la chaleur animale et le travail accompli par l’animal. Mais elle fournit une proportion de travail plus forte que si l’on avait, au préalable, converti entièrement cette énergie chimique en énei’gie calorifique. De là la formule qui, il y a une quinzaine d’années, se lisait encoi’e dans certains ouvi-ages de chimie physiologique : le principe de Carnot ne s’applique pas à l’être animé.

Un exemple fera ressortir l’inexactitude d’un tel énoncé. Une pile Aoltaïque ordinaire produit un courant suscej)tible d’échauffer des fils et de mouvoir des moteurs. Avec des précautions convenables, on peut réduire à peu de chose le dégagement de chaleur et transformer en ti"avail mécanique, à l’aide d’un moteur électrique, la presque totalité de l’énergie chimique de la pile. Si l’on avait, au préalable, laissé s’accomplir la réaction chimicjue qui a lieu dans la pile (attaque du zinc par l’acide sulfurique dans l’élément Volta), l’énergie chimique se serait transformée en chaleur : et mise ainsi sous cette forme d’énergie de qualité inférieure, elle n’eiit jamais .fourni autant de travail cjue dans le cas où l’énergie chimique se transforme en énergie mécanique par l’intermédiaire de l’énergie électrique. — On aurait tort d’énoncer ce fait en disant que la pile, associée à un moteur électrique, ne satisfait pas au principe de Carnot.

De même dans le cas de l’être vivant, si le rendement en travail mécanique est plus fort qu’il ne serait si la combustion des aliments servait sinqilement à chauffer une chaudière, c’est que la transformation de l’énergie chimique en énergie mécanique se fait par l’intermédiaire de quelque forme supérieure de l’énergie, qui serait comparable à l’énergie éiectri(iue. On a parfois enqjloyé, pour désigner cette forme inconnue de l’énergie, le mot d’énergie physiologique : il ne faut voir là que l’expression de ce fait, que l’énergie chimique mise en jeu dans la resi)iration peut se transformer iiartiellement en son é([iiivalent d’énergie mécanique fournie par l’animal, .s(///.s rtfo/r besoin d’être mise au préalable sous la forme d’énergie calorifique. On n’a donc pas besoin (l"invo(iuer pour l’animal une dérogation au i)rinciite de Carnot. L’animal ne rend jamais i) ! us d’énergie supérieure qu’on ne lui en a fourni ; il en rend même beaucoup moins. Mais à l’égard de l’énergie cliimi(pie il agit autrement qu’une machine purement thernii(pie, où l’énergie de combustion du charbon est. avant tout, transformée en chaleur. L’animal agit à l’égard de cette énergie chimique d’une façon (pii rajjpelle la pile électrique associée au moteur.

Pour le végétal, des considérations analogues