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ELECTIONS EPISCOPALES

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des sej-ments que l’Evangile et l’autorité apostolique nous défendent de prêter. Les mains ointes du saint chrême et qui du pain et du vin mélangé d’eau font, par la prière et le signe de la croix, le sacrement du corps et du sang de Notre-Seigneur, il serait impie de les mettre entre les mains d’un séculier. Ce serait un crime encore que la bouche épiscopale, d’où découle la grâce qui ovnre le ciel, émit des serments pareils à ceux des laïques. » Les synodes luttèrent contre les abus, les dénoncèrent sans trêve, déposèrent lesévêques intronisés par les laïques. Malheureusement leurs efforts furent à peu près vains. Que pouvaient-ils contre la force brutale ? Si l’Eglise de France a tant souffert des prélats mondains, simoniaques, concubinaires, indignes, c’est qu’elle a presque totalement perdu le droit de choisir elle-même ses pasteurs. Vaines sont les lois ecclésiastiques qui lui reconnaissent ce droit, si les institutions laïques le lui enlèvent. D’ailleurs, si l’avilissement du clergé des x* et xi* siècles est incontestable, il ne faut pas exagérer ; il exista de très nobles figures d’évêques, en plus grand nondjre qu’on croit. Cette époque que l’on s’efforce de peindre avec de si sombres couleurs, n’a-t-elie j^as vu fleurir Cluny, Cîteaux, Clairvaux ?

Le désai-roi lamentable dans lequel se trouva l’Eglise émut vivement la Papauté qui, ne reculant devant aucun sacriflce, tentant un effort quasi surhumain, entreprit la tâche immense de changer les esprits et les mœurs, et entama pour la reconquête des anciennes libertés une lutte héroïque de trois quarts de siècle, restée célèbre dans l’histoire sous le nom de querelle des //u’es<// » r( ?s. Six papes moururent à la tâche : saint LÉON IX, XicolasII, Alexandre II, GnicGontE Vil, UuBAiN II, Pascal II ; le septième, CalixteII, conclut la paix avec les pouvoirs laïques en sauvegardant les droits respectifs aux deux adversaires.

LÉox IX au concile de Reims (lo^g) inaugure la série des dépositions d’évêques simoniaques et les mesures de réforme ; les exécutions se poursuivent dans les conciles de Rouen, Toulouse. Vienne, Tours, Avignon, Ximes, Poitiers, Autun, Paris, Lyon, Troyes, qui sont encouragés dans leur œuvre par la législation des synodes romains de 1069, 1060, io63, I0'y4> 10-5, 1078, 1080 et logy.

Pour activer la réforme et réchauffer le zèle, Rome délègue en France des légats, Hildebrand, Etienne, Pierre Damien, Hugues de Die, Lambert d’Arras, Amat d’Oloron, qui, quoi([ue traqués, trahis, vilipendés par les conteMq>orains, entravés par un violent mouvement de contre-réforme, travaillent sans relàclie à la restauration des mœurs, non sans toutefois se prémunir d’excès regrettables.

Dans un synode romain du Carême de 1076, Grégoire VII attaqua vigoureusement l’investiture et déclara nulle la nomination d’un évêque par un laique. Les sj’nodcs suivants frappèrent d’excommunication les princes assez téméraires pour enfreindre les lois ecclésiastiques. Les pouvoirs publics, surtout en AUemag-ne, ne consentirent i)as aisément à renoncer aux privilèges qu’ils s’étaient indùnu-nt attribués. Une lutte terrible éclata entre eux et la Papauté. Si celle-ci fail)lit un instant à Sutri(iiii), elle se ressaisit le 23 mars 1 1 12, et linalcmcnt gagna la bataille au concordat de Worms (1 122). Dès le début du xii" siècle, en France, les nominations royales avaient lieu plus rarement ; Louis VII y renonce, peut-on dire, quasi tacitement. Les élections par les chapitres cathédraux reparaissent. Après que l’élu a été consacré et investi de ses pouvoirs spirituels par la crosse et l’anneau, il est confirmé dans sa dignité par le roi qui, sans exiger la tradition des symboles, reçoit son serment de fidélité et d’hommage, non de vassalité, lui délivre son temporel et ordonne la main levée des régales ; c’est ce que l’on appelle, en iangçige juridique, la concessio.

Ainsi, si l’Eglise de France a connu de grandes déchéances à l’époque féodale, elle doit sa rénovation à une série de prélats qui, par leur plume ou leur parole, propagèrent les idées de réforme, à Yves de Chartres, à Humbert de Blaxche-Selve, à Hugues de Fleury, à Honorius d’Autux, à Geoffroi de Vendôme… Mais l’honneur suprême revient à Rome, qui al>olit l’investiture spirituelle et rétablit les élections. N’est-il pas réconfortant de voir une société panser elle-même et guérir ses plaies quelque profondes qu’elles aient été, une Eglise sacrifier tout à son salut ?

Sources. — On trouvera l’indication des sources très nombreuses pour cette période dans Lavisse et Rambaud, Histoire générale du iv^ siècle à nos jours, Paris, 1898, t. II, p. 115-116, et dans Anton Scharnagl, Der Begriff der Investitur in den Quellen und der Litteratur des Investiturstreites, Stuttgart, 1908 (ce ti*aA-ail excellent supplée tout ce qui a été écrit sur la querelle des investitures).

Bibliographie. — F. Mourret, Histoire générale de l’Eglise, t. II, L’Eglise et le Monde barbare, Paris, 1910 ; Lavisse et Rambaud, 0/7. c ; V., t. II, p. 68-1 15-A. Luchaire, Manuel des Institutions françaises, Paris, 1892, p. 29-50 et 272-278 ; Histoire des Institutions monarchiques de lu France sous les premiers Capétiens, t. II, p. 52 et sqq. Paris, 1891 ; J. Doizé, Les élections épiscopales en France avant les concordats dans les Etudes, t. CVIII (igo6), p. 45-54 et les élections épiscopales en France et l’Investiture laïque, ibidem, t. CVIII (1906), p. 359-384 ; E. Vacandard, La déposition des évêques dans la Revue du clergé français, t. LV(1908). p. 388-402, 666-687 ; Inibart de la Tour, La Polémique religieuse et les pubticistes à l’époque de Grégoire VII dans Questions d’histoire sociale et religieuse, Paris, 1907. p. 225-266 ; Brussel, Xouvel examen de l’usage général des fiefs, Paris, 1750 ; Delarc, Grégoire VII et la Bé forme de l’Eglise au xi « siècle, Paris, 1889-1890 ; U. Robert, Cfl7/.17e //, Paris, 1891 ; U. Chevalier, au mot. Investiture, dans le Bépertoire des Sources historiques du Moxen Age, Topo-Bibliographie, t. II, col, 1513, Paris, 1894-1899 ; Héfélé, Histoire des Conciles, t. VII- VIII ; A. Degert. Un grand évêque gascon, Amat d’Oloron dans Revue de Gascogne, juillet-août 1909 ; G. Drehmann. Papst Léo IV und die Simonie. Ein Beitrag zur L’ntersuchungen der Vorgeschichte des Investiturstreites. Leipzig, 1908.

V. Les élections épiscopales aux XII XIII’et XIV siècles. — Le neuvième concile œcuménique de Lalran(1123) rétablit les élections épiscoi)ales. « Que nul ne consacre quelqu’un évêque, si ce nest qu’il ait été élu eanoniquement « ; tel était le principe posé par le dixième canon qui, par surcroît, prononçait la peine de déposition, sans espoir de réintégration, contre le prélat consécrateur et le prélat consacré, non élu régulièrement. A qui profita le retour aux élections ? Au début, le peuple, les laïques importants, le clergé composèrent les assemblées d’électeurs ; au xiie siècle, une transformation s’opère graduellement aux dépens du ])euple, des seigneurs laïques, des ecclésiasliquesdela ville ou des champs et des religieux délégués par les monastères du di(jcèse n’ai)parlenant pas au chapitre calhédral, qui tous sont peu à peu expulsés des élections par une aristocratie d’Eglise, par les chanoines.

Au xiu’siècle la révolution est accomplie ; les clia])ilres cathédraux sont seuls détenteurs du pouvoir électif. Que les électeurs évincés de leurs prérogatives aient opposé une vive résistance et n’aient