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EGYPTE

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hors de propos ici d'étudier en détail l'éden égyptien dans son origine, son développement et ses diverses phases. Il suiTira d’en indiquer les traits généraux. On peut ramener à deux types d'édens les descriptions que fournissent les documents. Le premier, le plus ancien, celui qui semble avoir dominé jusqu’au Nouvel Empire, est simplement iin décalque de la Aie terrestre dans un monde qu’on plaçait sous terre, ou bien derrière la montagne d’Occident où disparaissait le soleil, ou bien dans des îles Fortunées de la Méditerranée. C’est une vie humaine, mais avec l’immortalité, sans peines ni douleurs, une vie idéale telle que la rêvait toutEgyptien : de grandes propriétés, de riches moissons, d’immenses troupeaux, de nombreux serviteurs, une rivière poissonneuse, des parties de pêche et de chasse, bref toutes les distractions et tous les plaisirs honnêtes du corps. Le second, plus élevé, est, dans son essence, la vie avec les dieux, surtout auprès du dieu suprême, auprès de Rà, le dieu soleil. Le défunt pur et juste comme Osiris, s’appelant lui-même du nom d’Osiris, est admis dans la société divine, il y reçoit une vie nouvelle, supérieure à la vie terrestre. Le lieu même où se trouvait cet éden varie suivant les époques. Des textes indiquent d’abord la barque du soleil. Là est Rà ou Amon Rà avec toute sa cour. A l’origine, seuls les rois étaient, semble-t-il, admis dans le cortège divin, les simples mortels devaient se contenter du premier éden. Plus tard tous les justes purent aspirer au même l)onheur. Les textes parlent surtout dune Aague région souterraine qui est le vrai royaume des morts, les Cliamps Elysées des Grecs. C’est un mélange de l'éden sensuel et de l'éden contemplatif. Le juste est admis auprès des dieux, il peut les contempler, leur parler même familièrement, mais il reste libre de ses mouvements, il sort et il rentre quand il veut, il Aa se promener sur terre, il cultivc ses champs, il fait des parties de barque, il jouit de voir passer le soleil dans sa course nocturne, en un mot il a tout ce qu’il peut désirer.

Il est curieux de noter que ce bonlieur suprême n’est pas donné au juste innnédiatement après le jugement. Avant d’y arriver il doit passer j)ar une longue série d'épreuves, triompher de nombreux ennemis qui lui l>arrent la route, traverser un labyrinthe de salles obscures gardées par des monstres horribles. Tout cela est décrit en détail dans le

« Livre des morts », et c’est pour cette raison qu’il

était si important d’avoir en main un exemplaire de ce livre.

Résurrection. — Les Egyptiens croyaient-ils que le corps serait un jour rendu à la Aie ? Si l’on cherche une explication à cette coutume si générale de la momification, à ces mille précautions prises pour préserver le corps de la corruption et le conserA’cr intact aussi longtemps que possil)le, il faut nécessairement admettre que dans la pensée égyptienne il était d’une certaine utilité au défunt de sauvegarder l’intégrité de ses membres physiques. Mais quelle était la nature exacte de cette utilité, c’est ce que les textes ne disent pas clairement. Pensait-on que l'àme dcvait se réunir à son corps et que seuls les corps momiliés auraient un jour cette faveur ? Croyait-on que la corruption détruisait tout espoir d’une nouvelle Aie ? Voici à ce sujet le texte le plus clair du « Livre des morts ». C’est le chapitre 8g, intitulé : « Chapitre que l'àme est unie au corps » :

O toi qui portos ! toi, coureur, qui résides dans ton donjon, toi grand dieul Accorde que mon àme puisse venir à moi de quelque endroit qu’elle habile !

Mais s’il y a un délai à m’apporler mon âme, tu trouveras lœil d’Horus se dressant ferme contre toi, comme ces gardiens toujours vigilants qui résident dans. nou, cette terre où il y a des milliers de réunions.

Que mon âme soit prise, ainsi que le Klioii qui est avec elle, eu quelque endroit qu’elle habite. Dépiste cette âme qui est à moi, parmi les choses au ciel et sur la terre, partout où elle habite.

Mais s’il y a un délai h me faire voir mon àîiie et mon ombre, lu trouveras l'œil d’Horus se dressant fort contre toi. (Le P.<ge Renouf, p. 157, 158.)

La Aignette qui accompagne ce chapitre représente la momie étendue sur son lit, et au-dessus d’elle l'àme sous forme d’oiseau à tête humaine, la regardant et déployant ses ailes. Sans se tromper beaucoup, on peut dire que les Egyptiens ont eu idée que le corps pouvait ressusciter dans certaines conditions, mais que cette idée est restée A’ague et n’est jamais devenue une croyance ferme à une résurrection universelle.

IV. Fin de la religion égyptienne

I. Décadence et zoolâtrie. — A la fin du Xouvel Empire, l’Egypte entre dans une voie de décadence. Les nombreuses réAolutions qui boulcversent alors ce pays jusqu'à son incorporation à l’empire romain ont leur contre-coup dans la religion. Au contact des étrangers, le bloc ancien peu à peu se désagrège. Sous la xxA^e dynastie, l'épée Aictorieuse de quelques A’aillants soldats, les Pharaons Psammétiquc, Néchao, Apriès, rétablit jiour un temps l’unité politique et jette au dehors quchjucs reflets de gloire ; c’est une période de renaissance dans les arts et dans la religion. Les artistes rcviennent avcc succès aux anciennes méthodes. Les prêtres Acculent aussi faire rcA-ivre les institutions antiques. Mais le niveau des idées a considérablement baissé, et, on ne sait trop sous quelles influences, l'élan qui pousse les àiues aux pratiques religieuses aboutit simplement à la zoolâtrie. Les animaux que les anciens avaient plus ou moins mêlés à leur culte, comme symboles ou manil’estations de la divinité, montent sur les autels et, s’ils n’en chassent pas complètement les dieux, ils les relèguent au second plan. Serpents, crocodiles, oiseaux, chats, béliers sont tiaités comme des êtres sacrés, respectés autant et plus peut-être que les statues d’Amon Rà ou d’Osiris, embaumés, momiliés, inhumés aA^ec des honneurs diA’ins. Et ce mouA’ement, qui débute sous la xxai' dynastie, A’a en progressant jusqu'à l'époque romaine. Il n’y a rien d’exagéré dans ce que raconte Hérodote à ce sujet. Les découvcrtes modernes l’on pleinement confirmé. C’est en nomlire incalculable que sont revcnus à la lumière les animaux sacrés, gratifiés d’un luxe de sépulture qu’autrefois seuls les riches personnages pouA’aient se payer. On en trouAC d’immenses cimetières à côté des anciennes nécropoles des seigneurs et des rois ; les chats sortent des fosses pai- centaines de raille, bien euvcloppés dans leurs bandelettes d’où émerge une tête desséchée, des familles de crocodiles surgissent des cavcrnes et des trous, portant parfois dans leur sein de précieux papyrus qui ont serA’i à les bourrer, les ibis, les éperA^iers, les serpents, les poissons s'échappent des cruches éAentrées et foisonnent dans les décombres. Il semble que les hommes de ces générations, Aictinics de la plus étrange aberration d’esprit, apportaient plus de soin et de scrupule à la sépulture d’un chat qu'à celle de leur père et de leur mère.

C’est aussi à la même époque qu’apparaissent dans les tombeaux ces nombreuses statuettes en terre émaillée qu’on a appelées les répondants. Aux anciennes idées religieuses sur l’autre A’ie, restées foncièrement les mêmes, un nouvel élément s’est ajouté. On croit que les défunts, comme les Aivants, sont soumis à la corA-ée, et pour y échapper on n’a rien trouA'é de mieux que de se substituer des rempla-