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EGYPTE

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fond de son être, ces obligations il ne les met pas en doute, il en sent vivement toute la gravité, il comprend qu’à les enfreindre on mérite un châtiment, qu’à les observer on mérite une récompense, et qu’il n’y a qu’un seul moyen de salut, c’est d’être juste et innocent. Aussi lui fait-on proclamer alors sa parfaite innocence. La confession négative nous donne la mesure de la morale ég-yptienne :

Hommage à toi, grand dieu, seigneur de justice !

Je suis venu à toi, ô mon maître,

j’arrive pour voir ta beauté.

Je te connais,

je connais le nom des quarante-deux dieux

qui sont avec toi dans la salle de justice,

qui vivent des artisans du mal,

qui dévorent leur sang,

au jour du règlement devant Ouniiofer (Osiris).

Me voici, j’arrive a toi.

Je t’apporte la justice,

j’ai écarté toute faute.

Je n’ai pas commiis d’iniquité envers les hommes,

je n’ai pas tué ma parenté.

Je n’ai pas dit le mensonge au lieu de la vérité,

je n’ai conscience d’aucune trahison,

je n’ai rien fait de mal,

je n’ai pas exigé, comme prémices de chaque jour,

plus de travail qu’il en était fait pour moi.

Mon nom n’est pas venu dans la barque du dieu

qui est au gouvernail,

je ne suis pas transgiesseur des volontés divines,

je ne suis pas un rapporteur,

je ne suis pas un détracteur,

je n’ai pas fait ce que détestent les dieux,

je n’ai indisposé personne contre son supérieur,

je n’ai fait souffrir personne de la faim,

je n’ai pas fait verser de larmes,

je n’ai pas tue,

je n’ai pas ordonné de tuer,

je n’ai cause de souflVance à personne,

je n’ai pas volé les offrandes des tem|)les,

je n’ai pas diminué les pains des dieux,

je n’ai pas ravi les dons des morts,

je ne suis pas adultère,

je n’ai rien fait d impur dans le sanctuaire du dieu local,

je n’ai pas augmenté ni amoindri le boisseau de blé,

je n’ai pas faussé la mesure de la coudée,

je n’ai pas raccourci la mesure des champs,

je n’ai pas pesé sur le fléau de la balance,

je n’ai pas faussé l’aiguille de la balance,

je n’ai pas enlevé le lait de la bouclie de l’enfant,

je n’ai pas chassé le bétail de son herbage,

je n’ai pas pris au filet les oiseaux des dieux,

je n’ai pas péché les i)oissons dans les étangs dos dieux,

je n’ai pas détourné l’eau en son temps,

je n’ai pas empêché le courant de passer,

je n’ai pas éteint le feu en son temps,

je n’ai pas frustré le Cercle divin de ses offrandes,

je n’ai pas éloigné les bestiaux des priq)riétés divines,

je n’ai pas arrêté un dieu quand il sort,

je suis pur, je suis pur. je suis i>ur, je suis pur. (Lf. Page Re^olf, T/ie Es^yptian Douk of tlic £/e « (/, cliap. 125. London, 1904, p. 212-214.)

Le défunt s’adresse ensuite aux juges assesseurs, invoque chacun en particulier, déclare de nouveau son innocence, reprend en partie sa confession négative, allirme qu’il a accompli tous les actes d’un bon Egyptien :

Vous, dieux, soyez loués ; je vous connais et je sais vos noms ; que je ne tombe passcms votre glaive : ne dites à ce dieu, vous qui êtes de sa suite, rien de mauvais coiiti’c moi ; dites la Vf’rilé sur moi un seigneur de tout ce qui est, car j’ai fait en Egypte ce qui est juste, je n’ai pas injurié le dieu, et le roi actuel n’eut pas à s’occuper de moi.

Soyez loués, ô dieux, qii êtes dans la salle des deux vérités, dont le corps ne contient aucun mensonge et qui vivez (le vérité… Sauvez-mni de liebon qui vit des entrailles des grands, au jour du grand règlement des comptes, voyez, je viens à vous sans taclic de mal, sans péché… je

vis do vérité et je me nourris de la vérité de mon cœur. J ai fait ce que les hommes disent et qui satisfait les dieux, j’ai contenté les dieux avec ce qui leur agrée, j’ai donné du pain à ralVamé. de l’eau à celui qui avait soif, des vêtements à qui étaitnu et un bacàqui n’avait pas de bateau, j’ai fait des offrandes aux dieux et des largesses funéraires aux glorifiés (les morts). (^D’après Erman oper. laud., p. 147, 148.)

Ainsi les Egyptiens tenaient pour certain que toutes les actions humaines reçoivent une sanction dans l’autre vie. C’est là un fait qu’il est impossible de contester et que personne ne conteste en effet. Cette croyance est nettement atiirmée sous le Nouvel Empire et même sous le Moyen Empire, ce qui nous mène près du troisième millénaire avant Jésus-Christ. Avant ces derniers temps on n’en avait pas de traces claires dans les documents antérieurs au Moyen Empire, et plusieurs égyptologues avaient émis l’hypothèse que l’idée de la sanction était inconnue des Egyptiens primitifs. Or, on a découvert, il y a quelques années, un mastaba de la sixième dynastie portant des inscriptions qui donnent des fragments de la confession négative et parlent explicitement du jugement : « Je serai jugé par le dieu grand, maître de l’Occident, dans l’endroit où se trouve le vrai > ; ou d’après des variantes, « dans le lieu où l’on juge ». En conséquence, le défunt fait son panégyrique :

« Je n’ai point dit de mensonges devant le jury, je

n’ai point fait de faux serments. » (Jean Capart, Clianihre funéraire de ta vi’dynastie, 1906, p. 20 et pi. III.)

L’idée de la sanction se trouve donc sous l’Ancien Empire, elle semble être une idée primitive des Egyptiens.

3, La rétribution

Le sort du méchant. — Le jugement achevé, Osiris prononçait la sentence. Cette sentence n’était pas la même pour tous, elle décernait le bonheur aux justes et condamnait le pécheur à d’affreux tourments. Sur le sort des méchants, les textes disent fort peu de chose, c’était un objet trop lugubre pour attirer l’imagination des Egyptiens.

Pour les fautes légères, on imagina, au moins à un certain temps, une sorte de purification par le feu, après laquelle le défunt était admis i)armi les bienheureux C’est ce qui ressort clairement de quelques cxemi)laires du « Livre des morts », conserves au Musée du Louvre. La scène qui représente le pèsemcnt de l’âme « est suivie de la vignette du bassin do feu, gardé par quatre cynocéphales : c’étaient les génies chargés d’effacer la souillure des iniquités qui auraient pu échapper à l’âme juste et de compléter sa [)urilicalion ». (Emmanuel nE RoiGii, Description sdiiimaire des salles du Musée Egyptien, nouvelle édition refondue par P. Pierret, Paris, 1873, p. 102.)

Le défunt soumis à cette épreuve était juste, à proprement parler, et il était compté parmi les justes, mais le pécheur, le vrai pécheur avait à souffrir des tournuMîts autrement horribles. Parfois il était condamné à devenir la proie vivante de monstres affreux fpii lui suçaient le sang, lui déchiraient les chairs et lui dévoraient les entrailles ; parfois aussi il était contraint d’entrer dans le corps d’un porc, de revenir sur terre et d’y vivre misérablement.

f.e sort des justes. — Ici encore, nuilgré une grande abondance de textes, la pensée égyptumne reste très vague et très flottante. C’est toujours pour l’homme pur et innocent un immense bonheur dont il jouit dans une parfaite sécurité en compagnie des autres bienheureux sous les regards des dieux, mais ce bonheur a été conçu de bien des façons. Il serait