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EGYPTE

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O beau jeune garçon, viens à ta demeure… Je ne te vois pas, et, cependant, mon cœur plein d’angoisse va vers toi etmes jeux souhaitent ardemment te voir… AÙens à celle qui t’aime, qui t’aime, toi, Oiinofré, le bienheureux ! Viens à ta sœur, Aiens à ta femme ; viens à ta femme, toi dont le cœur a cessé de battre ! Viens à la maîtresse de ta maison. Je suis ta sœur de la même mère, ne reste pas loin de moi. Les dieux et les hommes ont leurs visages tournés vers toi et tous ensemble te pleurent… Je t’appelle et je pleure, et mes cris et mes pleurs montent jusqu’au ciel, mais tu n’entends pas ma voix et je suis cependant ta sœur que tu aimais sur la terre ; hors moi, tu n’aimais aucune autre, mon frère, mon frère ! » (D’après Erman, op. laud., p. 49.)

Et le plus grand des dieux eut pitié d’Isis, il envoya un de ses enfants, Anubis, qui embauma et inhuma Osiris. Alors Osiris commença de revivre, non pas sur cette terre, niais dans l’autre monde où il devint dieu, roi et juge de morts. Cependant sur terre il eut un vengeur dans la personne de son iils posthume, Horus. Horus, élcA é au milieu de mille dangers par sa mère Isis, ol)ligé de demander asile au désert pour échapper aux poursuites de l’implacable Set, Horus grandi détrôna le tyran et ceignit la couronne d’Egjpte.

Ce qui flt le succès de cette légende, c’est le fond humain ([ui la constitue : amour de la justice chez Osiris, fidélité conjugale et tendresse maternelle chez Isis, piété flliale chez Horus, et plus haut encore, récompense du juste dansunmonde meilleur, triomphe iinal de la justice sur liniquité, de la vie sur la mort.

HI. L’homme et ses destinées

I. Immortalité de l’àme. — Pour les Egyptiens, l’homme était composé d’un corps, d’une ànie et d’un autre élément qu’ils appelaient ka et qu’on a bien nommé en français le double. Dans les tableaux, en effet, ilest souventreprésenté en arrière de l’individu sous des traits identiques qui semblent en faire une réplique atténuée. La natm-e, le rôle de cet élément est ce qu’il y a de plus obsciu". On le concevait comme une sorte de génie invisible ou d’ombre qui accompagne chaque personne, ou peut-être réside en elle, qui naît avec elle, mais qui lui survit et qui, après la mort, continue à s’intéresser au corps et à l’âme. Quoi qu’il en soit du ka, qu’on le regarde comme distinct de l’àme, ce qui est l’opinion commune des égyptologues, ou comme identique, ce qui est très dillicile, il est absolument certain et admis de tous que les Egyptiens avaient la croyance la plus ferme à l’existence d’une autre vie, par suite à la survivance d’une partie essentielle de l’homme. Cette croyance est ce qu’il y a de plus saillant, de plus vigoureusement en relief dans l’àme égyptienne. Pour s’en convaincre, il sutlit de jeter un coup d’œil sur les monuments et la littérature funéraires, La Chaidée, l’Assyrie, la Grèce se glorifient de leurs temples, mais s’il y a quelque chose d’unique au monde, de spécial à la vallée du Nil, c’est bien ces tombeaux gigantesques que sont les pyramides, ces hypogées creusés verticalement dans le roc à 20 et 26 mètres de profondeur, comme à Saqqarah, ou taillés dans la montagne à 200 mètres de pénétration, comme à ïhèbes ; c’est encore ces momies si bien préparées qu’elles ont travcrsé ^.000 ans et sont aussi bien conservées aujourd’hui que lorsqu’elles sortirent des mains des embaumeurs. Pourquoi tous ces travaux, tous ces soins, toutes ces précautions, si rien de l’homme ne survivait pour en jouir, pour en recueillir les fruits dans une durée auprès de laquelle les jours mortels ne comptaient pas ? En trouvera-t-on une raison suffi sante dans l’orgueil, la vanité goûtée à l’avance, d’avoir un tombeau imijérissable, une chair incorruptible ? Quelle qu’ait été l’influence de ce sentiment, quelle qu’ait été la part de l’habitude acquise, là n’est certainement pas la source du principe lui-même, de ce principe impérieux qui domine la sépulture égyptienne, il faut à tout prix préserver le corps de la corrui^tion, lui conserver l’intégrité de ses membres. Ce principe ne pouvait naître que de la croyance à une vie d’outre-tombe, quelles que fussent les conditions de cette Aie.

Au reste, les documents écrits sont explicites et ne laissent subsister aucun doute. Le plus important de ces documents est le Lire des morts. C’est un des textes les plus anciens qu’on connaisse, il remonte jusqu’aux premières djnasties et on le trouAC grave sur les tondjeauxde la dernière époque. Il était si populaire et si vitile dans l’autre Aie que chacun aoulait l’emporter avcc soi dans la tombe. Donner à un défunt un exemplaire complet du livre, au moins la copie des parties essentielles, c’était lui rendre un des services les plus signalés. Or, non seulement ce livre affirme expressément l’immortalité de l’àme, par exemple au chapitre /J4 où il est dit : « Je ne meurs pas une seconde fois dans le monde inférieur n (Le Page RexocjF, The egyptian Book ofthe deiid, London, 1904, p. 101), mais par sa nature, par son but même, il la suppose, il l’exige, au point que, sans cette croyance, il n’aurait aucune signification, aucune raison d’être. En efiet, c’est un recueil de divers morceaux destinés à instruire l’àme de tout ce qu’elle doit accomplir dans l’autre monde, incantations à faire, prières à réciter, formules à prononcer dcvant les dieux et les génies gardiens des demeures souterraines, canaux à franchir et moyens d’avoir une barque, sentiers à suiA^re pour arriver aux champs du bonheur, avec le plan des endroits les plus dilficiles, le portrait des ennemis les plus redoutables, bref un Arai guide, un guide illustré du monde inférieur. Quel que soit le nom qu’on donne à cette partie de l’homme qui continue à A’ivre, ou plutôt qui Ait d’une A’ie nouvelle, il est certain que c’est une continuation, une prolongation de la personne ; c’est le même indiA-idu qui existait sur terre, qui existe encore et prononce des paroles comme celles-ci maintes fois répétées : « c’est uioi, un tel, je suis debout, je aIs, j’ai tous mes membres, je me recommence «.

La croyance à une autre Aie est donc un des points les mieux établis de la religion égyptienne. SuiA’ons le défunt dans cette phase nouA’elle.

2. Le jugement. — Immédiatement après la mort, le défunt subit un jugement dcvant Osiris et quarante-deux autres juges assesseurs. Celte scène du jugement est célèbre, elle est reproduite sur presque tous les papyrus funéraires, conserAésen grand nombre et qui ne sont autre chose que des copies plus ou moins étendues du « Livre des morts ». Osiris, le dieu des morts, est assis sur son trône ; à ses côtés se tiennent, sceptre en main, les quarante-deux juges ; dcvant lui est posée une balance ; dans un plateau est une feuille droite symbole de la justice ; dans l’autre, le cœur du défunt ; Anubis, le dieu qui aA^ait inhumé Osiris, fait la pesée du cœur ; Thot, le secrétaire des dieux, inscrit le résultat ; dans un coin, un cerbère pour faire exécuter la sentence. En avant, le défunt assiste à la scène. Il n’y assiste pas impassible, il parle, il proclame son innocence, et c’est alors qu’a lieu ce qu’on appelle la coufession négatis’e. Transporté à ce mouient suprême où A-a se décider son sort éternel, l’Egyptien perçoit avec distinction tous les cris de sa conscience, il distingue aA’ec clarté toutes les obligations de cette loi morale qui est écrite au