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ancienne des peuples de l’Orient, ^ « édit., 1906, p. 244), et spécialement dans la terre de Gessen. C’est aussi que ces deux dynasties présentent la même physionomie politique, caractère belliqueux des souverains, puissante organisation, guerres continuelles, longues et nombrevises campagnes en Syrie et jusqu’en Mésopotamie. On peut donc choisir dans ces deux dynasties les Pharaons oppresseurs des Hébreux. Il est même à croire que les princes de la xviii’djnastie qui furent les initiateurs de ce mouvement, qui commencèrent les travaux, de construction, tirent appel aux haljitants du pays, aux Hébreux qu’ils avaient intérêt à tenir dans un rude esclavage. La Araisemblance du lait est contirmée par un tableau figurant dans un hypogée de Gournah, près de Thèbes, et datant du règne de Thoutmès III. On y voit des étrangers, des Asiatiques, travaillant à la fabrication des briques pour le temple d’Amon, sous le regard de surveillants armés de limpitojable bâton. Tous les détails y sont représentés, on puise de l’eau, on pétrit l’argile, on porte le limon, on façonne les briques dans le moule de bois, on les cliarge, on les emporte ; ainsi peinait Israël autour de Pithom et de Ramsès. 3) La tradition. — Une tradition rapportée par Théophile d’Antioche (^c/ Autolyc, iii, 20 ; P. G., VI, 1147), par Fl. Joskphe (Contra Apioneni, i, 26, édit. Didot, II, p. 358) et par Manétuon (dans Josèphe, loc. cit., p. 360) place Moïse et l’Exode sous la xvuie dynastie. Voici en substance le récit de Mané-Ihon. Sur le conseil des dieux, le roi Aménophis veut délivrer le pajs des lépreux et de tous les hommes impiu-s, il en réunit 80.000 et les jette dans les carrières de Toura (au sud du Caire actuel), puis il leur concède la ville d’Avaris. demeurée déserte depuis le départ des Pasteurs. Ils s’y organisent en nation sous la conduite d’un prêtre d’Hcliopolis Orsasyph, appelé aussi Moïse. Celui-ci appelle à son secours les descendants des Pasteurs, fixés en Palestine. A eux tous ils s’emparent de l’Egypte et livrent le pays au pillage et à l’incendie. Aménophis a été obligé de se réfugier en Ethiopie, mais il en revient bientôt avec son lils Ramsès et une puissante armée, attaque les Pasteurs et les Impurs, les met en déroute et les poursuit juscju’aux frontières de la Syrie.

Malgré tout ce tpi’il y a de légendaire et d’invraisemblable dans ce récit, il est dithcile de croire que rien n’y est historique. Manéthon, qui écrivait sous Ptolémée II Philadelphe (286-247), connaissait-il Moïse par les annales égyptiennes ou par les Livres Saints, que traduisaient alors les Septante à Alexandrie, ou par les Juifs établis dans la vallée du Xil déjà depuis le v’siècle avant Jésus-Christ ? il est dilhcile de le décider. En tout cas, il avait une raison pour unir le nom de Moïse à celui d’Aménophis plutôt qu’à un autre, et on ne voit pas quelle aurait bien pu être cette raison, si ce n’est la tradition. Josèphe, qui cite tout le passage de Manéthon, accuse l’historien égyi)tien d’avoir changé à dessein le nom du Pharaon, mais en cela il n’a d’autre but <(ue de mieux séparer la cause de Moïse de celle des Pasteurs.

4) Les « Ilahiri » des lettres de Tell el-Amarna. — Si les H’-[)reux sortirent d’Egypte vers 1437 sous le règne d’Anu’nophis II, ils parvinrent en Palestine, après leurs 40 ans de pérégrinations dans le désert, vers 13g7 sous Améno|)his 111. Or à ce moment même, les lettres des gouverneurs des principales villes de Palestine à leur maître, le Pliaraon d’Egypte (.Vménoj )liis III ou Aménopliis IV), annoncent l’invasion du pays par un peuple d’élrangcrs qu’elles appellent IJabiri. Le préfet de Jérusalem en particulier, Ai)dkhiba, réclame instamment du secours : « Pourquoi aimes-tu les Ilabiri et haïs-tu les préfets ? » — « Le territoire du roi est perdu, si vous ne m’écoutez pas.

tous les préfets sont perdus, le roi n"a plus de préfets. Que le roi tourne sa face vers eux ; que le roi mon maître fasse marcher des soldats auxiliaires. Le roi n’a plus de territoire ; les Haljiri pillent tous les territoires du roi. » — « S’il n’y a pas de soldats auxiliaires, le pays du roi passe aux Ilabiri. y> (H. Wix-CKLER, Z>/e Thoutafelnvon Tell-el-Amarna. xi-doZ-ZiZ.) Les Habiri sont ainsi nommés plusieurs fois. Quel était ce peuple puissant qui envahissait alors les territoires soumis à Pharaon ? On a pensé immédiatement aux Hébreux. Et d’abord notons qu’il y a correspondance philologique entre Habiri et Hibri (Hébreux), puisque l’assyrien représente souvent par ha la lettre ain qui commence le mot Hibri ; en cela les assyriologues sont d’accord. Reste à savoir si pour d’autres raisons il est impossible d’identifier les Haliiri avec les Hébreux. Ici les avis sont pai-tagés ; Winckler regai’de cette identification comme certaine, d’autres la contestent (cf. Delattre, Revue des questions historiques, t. XXXI, 1904, p. 353 sqq). En tout cas, il semble diiricile d’admettre qu’elle ne soit pas possible. Il est à remarquer, en effet, que si les Habiri occupèrent la Palestine, comme il ressort des lettres de Tell el-Amarna, les Hébreux, à leur arrivée, eiu-ent à les expulser, ils eurent au moins à les combattre ; or, parmi les ennemis d’Israël, on ne trouve aucun nom qui rappelle les Habiri. Si ce peuple n’était pas les Hébreux eux-mêmes, où avait-il passé ? Qu’était-il devenu ? (Cf. article du P. A. Coxd.vmin sur Babyloxe ET LA Bible, col. 353.)

5) La stèle de Ménephtah. — Cette stèle, découverte en 1895 à Thèbes, par Flixders Pétrie, et conservée au musée du Caire, porte une longue inscription qui est un chant triomphal divisé en deux parties ; dans la première on raconte en style poétique qu’en l’an v de son règne Ménephtah remporta une victoire éclatante sur les Libyens, ses ennemis de l’Ouest ; dans la seconde, beaucoup plus courte, on dépeint la situation des peuples du Nord. Voici le passage qui nous intéresse : « Les chefs étendus à terre disent le salut, et nul parmi les nomades ne porte le front haut. Tihonou est devasté, Khéta est en paix, Canaan est la proie de tous les maux, Ascalon est emmené, Ghézer est pris, Jamnia est anéanti, Lsraël est détruit, il n’a plus de semence, lu Syrie est semblable à une veuve d’Egypte. Tous les pays sont réunis en paix. »

Israël est ici nommé expressément, et c’est le seul document égyptien qui fasse sûrement mention des Hébreux. Cette seconde partie contient, comme on le voit, rénumération d’un groupe de peuples établis en Syrie et en Palestine. Israël est bien à sa place géographique à côté des gens d’Ascalon, de Gézer, de Jamnia ; au temps de Ménephtah, il était donc fixé en Palestine, ce qui concorde bien avec la première hypothèse. Le document est authentique et clair ; il cadre mal avec la seconde hypothèse. On dit que l’Israël ici nommé n’est pas l’Israël de l’Exode, mais un clan d’Hébreux déjà établis dans la Terre prouiis(> ; supposition gratuite, et manifestement contraire à la Bible, On dit aussi que la mention de la stèle peut s’appli(pier à Israël récemment sorti d’Egypte et disparu, sans laisser de trace, dans les profondeurs du désert. Mais alors pourquoi le nommer après Ghézer, Jamnia, et avant la Syrie ? Pourquoi le confondre avec les ennemis vaincus et soumis, alors qu’il n’aA ait jamais été ennemi de l’Egypte, qu’il avait travaillé pour elle, lui avait construit des forteresses ? Pourquoi surtout le mentionner, alors que ce souvenir, loin d’être une gloire, ne rappelait à tous qu’un lamentable et Iiumiliant échec ? Sans doute, supposé prouvé par ailleurs le récent départ des Hébreux, ce serait la seule explication possible.

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