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EGYPTE

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lautre bord entre les deux murailles liquides, les Egyptiens avertis du mouvement poursuivent les Hé-Jireux au milieu de la mer, avant l’aurore les roues de leurs chars commencent à s’enfoncer, la mai-che devient impossible, les Egyptiens reconnaissent l’intervention de Jahvé et veulent revenir sur leurs pas. Dieu ordonne à Moïse d’étendre la main sur la mer ; tous les Hébreux sont sortis, les eaux reviennent dans leur lit, enveloppent les Egyptiens et les engloutissent, Israël est sauvé.

Le passage de la mer Rouge est un fait historique, son caractère surnaturel et strictement miraculeux est garanti par des autorités irrécusables : le récit lui-même, simple, tranquille, déjJOuiUé de tout artilice poétique, de toute mise en scène ; la tradition biblique et juive qui, sans cesse, rappelle le fait et le considère comme un miracle de premier ordre ÇYiim., XXXIII, 8 ; Deut., xr, 4 ; Jos., ii, lo ; iv, 2^ ; xxiv, r : Is., xLiii, 16 ; Li, 10 ; lxiii, ii ; Ps., lxv, 6 ; lxxvii, l’ô ; cv, g ; cxiii, 3 ; Judith., v, 12 ; II Esdr., ix, 11 ; Sap., X, 18 ; xix, 7 ; I Macch., iv, 9 ; Acl., vii, 36 ; I Cor., x, i ; Ilebr., xi, 29) ; la tradition clirétienne tout entière qui l’a toujours regardé comme un des points fondamentaux de riiistoire du peuple élu, comme un moyen efficace dont Dieu se servit pour arracher définitivement ce peuple à ses oppresseurs, le détourner du polythéisme et de l’idolâtrie, alTermir en lui la foi à sa toute-puissance, à son attribut essentiel de Dieu unique. Il ne peut y avoir de raison de nier ce miracle, que le parti pris de les nier tous ; en dehors des témoignages positifs qu’on ne pourrait rejeter sans renverser l’autorité de la Bible, il revêt tous les caractères de la vraisemblance, ce n’est pas une meiveille séparée, sans connexion avec le reste de l’histoire, un point lumineuxcréépar l’auteur pour embellir sou récit, c’est la seule explication possible de l’exode. Nous l’avons déjà dit, sans une intervention spéciale de Dieu, les Hébreux ne pouvaient échapper aux Egj’ptiens ; d’engagement, de combat, il ne reste aucun souvenir, les Fils d’Israël ne tirèrent pas l’épée, ils n’eurent qu’à obéir à Moïse et à Dieu. Sans doute, rintervention divine aurait pu se produire de beaucoup d’autres manières, mais de quel droit rejetterait-on la seule que connaisse la Bible et la Tradition ? Le miracle lui-même doit s’expliquer comme les autres de même ordre, comme le passage du Jourdain, lu chute des murs de Jéricho, la marche de Jésus-Clirist sur les eaux. Les circonstances, les détails nous sont inconnus ; les causes secondes, vent impétueux et chaud, mouvement naturel de la mer, ne sont pas exclues, mais elles ne suffisent pas à expliquer le fait, il faut recourir à une force qui dépasse de beaucoup celles de la nature.

V. Li’épcque et les Pharaons

I. Remarques générales. — Le séjoiu- des Hébreux en Egypte, leur oppression et leur servitude, les plaies, la sortie miraculeuse, restent des faits certain^, quelle que soit notre incertitude au sujet de l’époque à laquelle il faut les placer, au sujet des Pharaons qui furent mêlés à ces événements, ils restent certains alors même ([ue de nouvelles découvertes viendraient renverser les calculs faits jusrju’ici cl détruire la probabilité quc nc^us croyons devoir attacher à nos hypothèses. Disons-le franchement, sur la qiu^stion des dates, nous n’avons encore aucune certitude, nous sommes réduits à des indices et à des probabilités ; orne se trompe i)asqui n’affiruu- pas plus que ses raisons ne lui permettent d’affirmer.

Nous atleiiulrons i)leinement notre but, qui est uniqucmeiil apologéliipie, si nous montrons que les événements bibliqucs trouvent un cadre convenable

dans l’histoire égyptienne et que, de ce côté, nous n’avons à craindre aucune objection sérieuse. Deux difficultés peuvent d’al^ord se présenter à l’esprit, il nous faut les résoudre pour être plus à l’aise dans la question historique.

a) Moïse ne nomme aucun Pharaon par son nom propre, ni celui de l’oppression, ni celui de l’exode. Pourquoi ? N’est-ce pas étonnant de la part d’un auteur contemporain des événements ? La difficulté n’est qu’appai-ente. En se servant du titre générique de Pharaon, Moïse est en parfait accord avec les usages égyptiens de son teiiqjs, les papyrus ne parlent pas autrement. On employait alors le mot Pharaon comme nous employons aujourd’hui ceux de Khédive, Sultan, Czar, Mikado. « Ce fut surtout au temps des Ranisès, quand le peuple d’Israël était prisonnier en Egyi)te, que ces mots per à a (Pharaon) servirent à dénommer le roi du Delta et de la Thébaïde… Lorsque nous donnons aujounrhui à Ramsês le nom de Pharaon, nous employons l’expression même dont se ser’aient ses conteuiporains pour le désigner. » (LoKET, L’Egypte au temps des Pharaons, 1889, p. 18.) Pouvait-on demandera Moïse défaire autrement ?

b) Faut-il admettre que Pharaon fut en personne enseveli sous les eaux de la mer Rouge ?

Rien ne nous y oblige, le texte sacré ne le dit pas. On lit dans le cantique de Moïse, Ex., xv, 19 :

« Ingressus est enim eques Pharao cum curribus et

equitibus ejusin maie, et reduxit super eos Dominus aquas maris », et au psaume cxxxv, 15 : a Et excussil Pharaoneni et virtutem ejus in mari liubro », mais c’est une figure du style po ; ’tique pour indiquer l’armée de Pharaon. Ne disons-nous pas de même : Napoléon fut écrasé à Waterloo ? Si donc il était établi que Ménephtah est le Pharaon de l’Exode, nous n’aurions pas à nous troubler de savoir que la momie de ce roi a été retrouvée et que chacun peut aujourd’hui la contempler de ses propres yeux exposée au musée égyptien du Caire. A supposer même que Pharaon en personne fut englouti avec son armée, nous savons.que la mer rejeta les cadavres et que les Hébreux les virent le lendemain sur le rivage. Or pour faire une momie il suffît d’un cadavre, et Ménephtah mort noyé aurait pu être momifié aussi bien que Ménephtah mort de maladie.

Les hypothèses

Deux hypothèses principales sont en présence, la première place les événements bibliques, oppression et exode, sous la xv !  !  ! ’dynastie et indique Thouthniès III comme principal oppresseur, la seconde les place sous la xix’dynastie et plus spécialeuient sous Ramsês II et Ménephtah. Nous exposerons simplement les raisons » |ui militent pour l’une et pour l’autre de ces deux hypothèses.

2. Première hypothèse, lu xviu" dynastie.

i) La chronologie biblique. — Nous prenons comme point de départ une date à peu près certaine, le dé ! >ut de la fondation du temple de Salomon en 957 (Fl. Josùphk, Àntiq. YIIl. ni, i, et Contra Apionem, I. 1 7). Or l’exode avait eu lieu 480 ans avant (III Reg.. VI, 1), ce qui nous reporte en 967 -f- /|So ^= : 1^37. Si on admet avec la Vulgale et riu’-breu que le séjouren Egvpte dura 430 ans^ l’arrivée de Jacob se place en , 43^ 4- 430 = 1867 ; si ou limite le séjour à 215 ans avec les Septante, le samaritain, et saint Paul (Gai, m, 17). elle tombe en i/|37 -f- 215 = 1662. Ces chiffres évidenunenl ne sont qu’approximatifs. La période des Juges, en comptant de l’Exode à Salomon, I)Ourrait être inférieure à 480 ans (Laguanok, Le livre des Juae^, introduction, p. xlii, xliu), mais ce