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nature. Lui faudra-il donc se bornera enregistrer des faits ?

Restera-t-il à lui-même un mystère ?

Non pas.

Il va prendre un principe, comme on prend un flambeau pour s'éclairer dans un lieu obscur, et, par le raisonnement, il atteindra jusqu’aux profondeurs où ne peut arriver l’oljservation directe.

Il dira : tout phénomène a une cause, et une cause proportionnée. Et à la lumière de cet axiome, il pénétrera dans sa nature et se verra lui-même, être d’une merveilleuse unité formé de deux principes, matière et esprit, liés, entrelacés, fondus d’une si admirable manière, qu’il en résulte une seule substance, double à sa base, une et simple dans son couronnement ; car, dans l’homme, l’esprit n’est pas noyé dans la matière qu’il pénètre et vivifie ; mais il énierg’e au-dessus du corps, où il est, suivant la belle expression de Dante Alighieri, « comme le nageur dans l’eau ».

De la science de sa nature, l’homme est venu à la science du monde. Là aussi, il se passe des phénomènes plus nombreux encore et non moins surprenants. En les contemplant, l’homme a conçu le désir de connaître la natvu-e de ces corps qui en sont le théâtre et le principe.

Mais voici que se dresse encore devant lui la difficulté de tout à l’heure : il ne voit que des phénomènes : Comment en découvrir la source ? — Il fera comme tout à l’heure, il s’emparera des principes et. s’en servant comme de projections lumineuses, il éclairera les régions profondes de la réalité corporelle ; et il découvrira l’atome que l’observation ne peut atteindre, et, dans l’atome, la matière et la force qui constituent son essence.

A mesure que sa science s’accroît, son désir d’apprendre grandit, et il se pose des questions sans fin. Il se demande, en particulier, d’où il vient et d’où vient le monde. C’est toujours le même principe cjui stinmle sa curiosité, comme il sert, il faut le dire aussi, à la satisfaire :

« Point d’effet sans cause. » Or, lui, honnne, est un

effet ; le monde est un ensemble d’effets.. Quelle est donc la cause de l’homme et du monde ? Et, là-dessus, il raisonne et arrive, non sans efforts, à cette conclusion : qu’au-dessus et en dehors de la série des êtres contingents et finis, il existe un être nécessaire et infini, tl’où toute existence procède et dépend.

Si un tel être existe et si l’homme est, par rapport à lui, dans une telle dépendance, l’homme n’a-t-il pas des devoirs à remplir à son égard ? ÎS’e doit-il pas l’adorer à cause de son excellence infinie ? le remercier du bienfait de l’existence donnée et conservée, le prier de lui conserver ses largesses ; et ne d<jit-il pas regarder la volonté de Dieu, où et de queh|ue façon cju’elle se manifeste, comme une loi sacrée ?

Mais si l’homme sait, il agit. El comme il progresse dans la science, ainsi il progresse dans l’action.

L’homme est fait pour vivre et vit en société. Ce n’est qu’en société que sa natiu-e peut recevoir son développement et qu’il trouve, avec la sécurité, les "moyens de mener une existence heureuse.

Or, la première condition, pour que la société lui procure tous les avantages qu’il en doit retirer, c’est qu’il puisse entrer facilement en communication d’idées avec ses semblables. L’homme devait donc sentir le besoin de créer des signes au moyen desquels se pût transmettre la i)ensée.

Aussi comnu' il y a travaillé ! Avec quel soin, quelle constance, il perfectionne le langage ! Connue il multiplie les mots, varie les expressions et les tournures, afin de pouvoir rendre sa pensée avec toutes ses nuances les plus délicates et les plus fines.

Non content de s’entretenir avec ses contemporains, il a cherché et il a trouvé le moyen de fixer la parole par l'écriture, et d'établir un commerce de pensées entre des hommes séparés les uns des autres par toute une série de siècles. Avec l'écriture, il pouvait déjà communiciuer à distance, mais il fallait un temps trop long i)OiU' porter les missives ; il a inventé le télégraphe.

Malheureusement, le télégraphe, avec ses signes, ne fait pas entendre la parole où vibre l'àme : il a inventé le téléphone.

Mais le téléphone présente encore l’inconvénient ciue la parole n’est entendue qu’au moment oïi celui qui parle la prononce ; il a inventé le phonographe, ciui fixe la parole sonore, comme l'écriture fixe le mot, et permettra de garder la parole en portefeuille.

Ces inventions admirables nous disent déjà les conquêtes véritablement surprenantes que l’homme a faites dans le domaine de la nature.

Il commença par en étudier les grandes lois et les grandes forces ; avec un courage sublime, il s'élança à la découverte dans toutes les directions ; il explora les solitudes et les déserts, il affronta les épouvantables colères de l’Océan, il scruta la profondeur des cieux, il descendit dans les gouffres et dans les abîmes, observant et notant toute chose. Quand il se trouva en face d'êtres inaccessibles à son regard, il fit appel aux lumières de sa raison ; il se créa une science merveilleuse pour arriver à connaître, avec une rigoureuse précision, la succession des phénomènes.

Aujourd’hui, il connaît la terre jusqu'à ses dernières limites ; il connaît le ciel visible dans le détail de ses mouvements et dans l’ensemble de ses lois. Il calcule la distance des astres ; il sait leur poids.

Connaissant les grandes forces du monde et comment elles opèrent, l’homme a eu l’audace de concevoir la pensée, et l’audace plus grande encore d’entreprendre de les plier à son service. En conséquence, il s’est mis à les faire fonctionner comme un machiniste fait fonctionner ses ressorts et ses rouages ; et de là sont résultées les merveilles contemporaines des applications de la science : l'électricité, la chaleur, le mouvement, l’air, l’eau, toutes les énergies menant tour à tour se mettre au service de l’homme, obéir à ses volontés et à ses caprices, répondre à ses besoins ovi charmer son existence.

L’homme, vous le voyez, c’est le progrès dans toutes les directions.

L’homme est donc essentiellement un être de progrès. Il progresse dans la science, il progresse dans l’action. Il ne sait pas de naissance : il apprend, il se ])erfectionne, il se forme lui-même.

L’homme donc n’a i)as seulement conscience de penser et de raisonner ; il en fournit la preuve ; il en donne la manjue certaine, irréfragable. Il progresse d’un progrès conscient, rclléchi et calculé, librement oulu, universel.

Peut-on en dire autant de l’animal ?

4° Prenez le livre le plus récent du naturaliste le mieux informé de notre époque, et lisez les descriptions qu’il donne de ce qu’on appelle le caractère et les mœurs des animaux qui vîa eut aujourd’hui sous nos yeux. Est-il un détail de quclque iuqiorlance que vous ne retrouicz dans les descriptions dos naturalistes du dernier siècle ? Non.

Faites mieux : prenez lîulfon, et, après avoir lu ce que le grand homme a écrit sur les animaux quc l’on appelle, dans un langage absolument impropre, les plus (. intelligents), ouvrez Pline l’Ancien et comparez les descriptions de l'écrivain français avec celles que rédigeait le savant romain, plus de seize siècles auparavant : vous serez forcés de convenir que seize