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ÉGLISE (QUESTION DES NOTES)

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(/) L’Eucharistie. — L’objection est encore beaucoup plus évidente et plus grave au sujet de l’eucharistie. Avant de fixer en quoi consiste ïadministration correcte de l’eucharistie, on doit fixer, d’abord, en quoi consistele sacrement lui-Jtième de l’eucharistie, au moins quant à la substance du concept. Mais, sur cette question capitale, on interprète fort diversement les textes de l’Ecriture sainte, et il y a flagrant désaccord entre les orthodoxies rivales qui existent au sein du protestantisme. Et le caractère mystérieux de l’eucharistie, où les paroles évangéliques déconcertent notre sens humain, explique facilement le désaccord, chez ceux qui veulent tout résoudre par la seule lettre de l’Ecriture.

Tous les protestants orthodoxes prononceront les mêmes mots : « L’eucharistie est le sacrement du

« corps et du sang de Jésus-Christ, en mémoire de
« la Passion. » Mais, sous des paroles identiques, ils

entendront des choses, des significations totalement différentes les unes des autres.

Le luthérien dira « Ce pain et ce vin pendant la

« cène eucharistique, contiennent réellement, véritablement, 

substantiellement, le ATai corps et le vrai

« 4 sang de Jésus-Christ. » Présence réelle et physique

(avec inipanation, ou mieux consuhstantiaiion).

Le calviniste dira : « Ce pain et ce vin restent

« purement et simplement du pain et du viii, après
« comme avant la consécration eucharistique. Mais

<( ils possèdent la vertu de produire, chez les chrétiens ffiii recevront le sacrement avec foi, une très

« réelle et très étroite union entre Vùme du communiant

et le vrai corps de Jésus-Christ, qui est au

« ciel.)) Présence virtuelle ou dynamique.

Le sacramentaire dira : « Ce pain et ce vin restent

« purement et simplement du pain et du viii, après
« comme avant la consécration eucharistique. Mais
« ils nous rappellent le repas d’adieu et la Passion
« du Sauveur, ils nourrissent par là même notre foi
« en Christ, et nous attirent des bénédictions divinés.

» Présence morale et figurée.

Pareil désaccord est le plus radical que l’on puisse imaginer. Pour les uns, le pain eucharistique contient physiquement le vrai corps de Jésus-Christ ; et, pour les autres, ce n’est qu’un morceau de pain bénit. Pour les uns, ce morceau de pain bénit détermine une communion réelle entre l’àme du clirétien et le vrai corps de Jésus-Christ ; et, pour les autres, il entretient simplement la ferveur, en commémorant un grand souvenir.

Or, ce sont les mêmes protestants orthodoxes, divisés entre eux par des divergences aussi profondes sur la notion primordiale de l’eucharistie, de la Cène du Seigneur^ qui nous proposent l’administration correcte de l eucharistie comme un signe extérieur, permettant de distinguer entre Eglises clirétienncs dignes de ce nom et, d’autre part. Eglises illégitiuies ou illicites. Vraiment, le signe en question serait moins clair et plus mystérieux que la chose même à signifier.

Telle est l’objection péremptoire contre le critèi-e protestant. La i)rédication exacte de l’Evangile (fùt-elle réduite aux articles /’ondamentau.r)el l’administration correcte des sacrements ne sont pas des propriétés bien visibles, ne sont pas choses plus apparentes et plus faciles à reconnaître que la vérité mêuie de l’Eglise. Donc ce ne sont i » as des « notes » de l’Eglise.

C. Sainteté, apostolicitô, unité, catholicité

a) Pourquoi ces quatre « notes » ?

Légitime est la coutume, presque unanimement admise chez les docteurs catholiques, depuis trois I

siècles (sauf quelques tâtonnements au début), de proposer pour « notes » de l’Eglise les quatre propriétés qu’énumère le symbole même de notre foi : £t unam, sanctam, catholicani et apostolicam Ecclesiam.

Nous constaterons, en effet, que ce sont vraiment là des « notes » ; c’est-à-dire des propriétés esse « </e/les à la véritable Eglise du Christ, et des propriétés visibles : plus apparentes, plus faciles à reconnaître que la vérité même de l’Eglise. Nous constaterons pareillement leur valeur comparative et leur valeur absolue ; leur efficacité pour excliu-e toute Eglise illégitime et i>our identifier l’unique et véritable Eglise du Christ.

Ces quatre < notes » possèdent, en outre, l’avantage de s’offrir comme un territoire neutre, où les membres de plusieurs Eglises chrétiennes peuvent prendre contact et entamer la discussion sur des principes communs. Avec les fidèles de 1 Eglise catholique romaine, ceux de la communion gréco-slave, de la communion arménienne et de toutes les Eglises orientales sont fréquemment d’accord pour reconnaître l’unité, la sainteté, la catholicité, l’apostolicité, parmi les « notes », les signes extérieurs et distinctifs de la véritable Eglise en tant que telle.

Les protestants font exception, puisqu’ils n’admettent pas la nécessité réelle de l’unité, de la sainteté, de la catholicité, de l’apostolicité visibles. Leur dissidence à cet égard provient tout entière d’un concept inexact sur la natui-e même de l’Eglise d’après l’Evangile : concept dont la méthode historique et critique permet de montrer l’inexactitude. (Voir plus haut, col. 122 1-12^8 : L’Eglise hiérarchique dans l’Evangile. ) Mais, une fois reconnue la nature essentiellement visible et hiérarchique de l’Eglise du Christ (question préjudicielle), on ne pourra guère ne pas admettre, du même coup, son unité, sa sainteté, sa catholicité, son apostolicité visibles. Les anglicans high-Church rejoignent ici les catholiques romains et les chrétiens orientaux.

Abstraction faite de tout ce qui est particulier à chacune des confessions chrétiennes, la nécessité des quatre « notes » peut constituer vraiment une base commune aux différentes Eglises hiérarchiques. On y trouvera donc le point de départ pour une utile controverse.

En dehors des quatre « notes » devenues classiques, on n’en a jamais proposé d’autres qui aient quelque valeur pratique. En elïet, les autres « signes extérieurs » auxquels on a voulu parfois recourir, tantôt se ramenaient aisément à l’une de nos quatre « notes » de l’Eglise ; tantôt n’étaient pas des propriétés essentielles ou des propriétés apparentes et visibles ; tantôt enfin ne pouvaient être d’aucune eflicacité auprès de l’adversaire, faute d’un terrain commun de discussion.

La dernière remarque porte sur la note de romanité, que proposent avec insistance quelques tiiéologiens catholiques. On formulerait ainsi leur argument : Jésus-Christ a constitué l’apôtre Pierre chef nécessaire et perpétuel de son Eglise. Or : la succession romaine a hérité des prérogatives de l’apôtre Pierre. Donc : la véritable Eglise du Clirisl est nécessairement celle qui obéit au successeur de Pierre, celle qui obéit à l’évêque de Rome. Propriété essentielle, propriété visible, c’est là une « note » de l’Eglise. Assurément, ce n’est pas nous qui révoquerons en doute la parfaite justesse de l’argument. On peut faire une excellente démonstration des droits exclusifs de l’Eglise catholique romaine par les textes et les faits qui prouvent directement la primauté de Pierre et des successeurs de Pierre.

Mais le problème des « notes » se pose normale-